Bienvenue !

Vous avez des choses à dire...
Vous vous posez des questions, pour donner un sens à votre vie...
Vous cherchez un espace d'échange convivial pour exprimer ce que vous ressentez...
Vous attendez des réponses à vos questions...


...Alors, en réponse à vos attentes, Olivier Gaignet vous propose de vous exprimer librement.
Ici, tout pourra être dit dans les limites de la courtoisie et du respect mutuel.

Merci d'avance de votre participation.


Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



samedi 20 avril 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2934 : La fin de vie !

 Le 7 avril dernier, le Vatican a publié une déclaration intitulée "Une dignité infinie" (sur la dignité humaine).  Cela tombe à point pour nous aider, en France, à savoir quelle attitude avoir par rapport au projet du gouvernement sur cette question.  Ce document est remarquable. Il aborde un certain nombre de questions relatives à la dignité humaine, comme le drame de la pauvreté, la guerre, l'avortement, les abus sexuels, l'accueil des migrants, etc. En voici quelques morceaux choisis, mais relatifs seulement à ce qui concerne la fin de vie, surtout les points 51 et 52.

Pour avoir le texte intégral, taper sur la barre de recherche : Dignitas infinita, texte  Eglise de France.


 1  -  Une infinie dignité appartient à chaque personne humaine, en toutes circonstances, et dans quelque état ou situation qu'elle se trouve.

2  -  Cette dignité a été reprise avec autorité dans la Déclaration universelle des droits de l'homme (10 décembre 1948) par l'Assemblée générale des Nations unies (75° anniversaire de ce document).

7  -  Cette dignité ne peut jamais être effacée.

11 -  La Révélation biblique enseigne que tous les êtres humains possèdent une dignité intrinsèque, car ils sont créés à l'image de Dieu.  Etre créé à l'image de Dieu signifie donc posséder en nous une valeur sacrée.  Chaque être humain est donc inviolable dans sa dignité.

15  -  La dignité n'est pas accordée à la personne par d'autres êtres humains.  Elle est intrinsèque à la personne, qu'elle soit ou non capable de l'exprimer de manière adéquate.

18  -  La dignité de l'être humain provient de l'amour de son Créateur, qui a imprimé en lui les traits indélébiles de son image.

19  -  En s'unissant à tout être humain par son incarnation, Jésus-Christ a confirmé que tout être humain possède une dignité inestimable.  Les êtres humains sont d'autant plus "dignes" de respect et d'amour qu'ils sont plus faibles, plus misérables et plus souffrants, jusqu'à perdre leur "figure" humaine.

24  -  Il existe de nombreux malentendus sur le concept de dignité, qui en déforment le sens.  Certains proposent d'utiliser l'expression "dignité personnelle" (et droits "de la personne") au lieu de "dignité humaine" (et droits de l'homme), car ils n'entendent par "personne" qu'un "être capable de raisonner". L'enfant à naître n'aurait donc pas de dignité personnelle, pas plus que la personne âgée non autonomes ou les personnes souffrant d'un handicap mental.

26  -  Le risque existe de limiter la dignité humaine à la capacité de décider de soi-même et de son propre destin, indépendamment de celui des autres.

51  -  Les lois qui reconnaissent la possibilité de l'euthanasie ou du suicide assisté sont parfois appelées "lois sur le droit de mourir dans la dignité". Or, la souffrance ne fait pas perdre à à la personne malade la dignité qui lui est propre de manière intrinsèque et inaliénable, mais elle peut devenir une occasion de renforcer les liens d'appartenance mutuelle, et de prendre conscience de la valeur de chaque personne pour l'ensemble de l'humanité.

52  -  La dignité de la personne malade dans un état critique ou terminal exige de chacun des efforts nécessaires pour soulager ses souffrances par des soins palliatifs appropriés, en évitant tout acharnement thérapeutique.  Ces soins répondent au devoir de comprendre les besoins du malade : besoins d'assistance, soulagement de la douleur, besoins émotionnels, affectifs et spirituels.  Mais un tel effort est distinct et même contraire à la décision d'éliminer sa propre vie ou la vie d'autrui sous le poids de la souffrance.  La vie humaine, même dans sa condition douloureuse, est porteuse d'une dignité qui doit toujours être respectée.  Il n'y a pas de conditions sans lesquelles la vie humaine cesse d'être digne et peut donc être supprimée.  Aider la personne suicidaire à mettre fin à ses jours est donc une atteinte objective à la dignité de la personne qui le demande, même s'il s'agit de réaliser son souhait.  Nous devons accompagner les personnes jusqu'à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser aucune forme de suicide. Le droit au traitement et aux soins pour tous doit toujours être prioritaire, afin que les plus faibles, les personnes âgées et les malades, ne soient jamais écartés.  En effet, la vie est un droit, non la mort ; celle-ci doit être accueillie, non administrée.  Et ce principe éthique concerne tout le monde, pas seulement les chrétiens. Car la dignité de chaque personne implique la dignité de tous.

64  -  L' Eglise demande que le respect de la dignité de la personne soit placé au centre de l'engagement pour le bien commun et de tout système juridique.


mercredi 17 avril 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2933 : Quel est le texte de la Bible qui vous a le plus marqué ?

Je sors d'un sympathique rencontre au resto avec deux amies très chères du Nord-Vendée, que je connais depuis des années. Non pratiquantes, je précise.  Comme vous le devinez, nous avons passé en revue tous les problèmes du monde, sans oublier les nôtres. Jusqu'à ce que l'une d'entre elles, alors que nos échanges s'engageaient autour de la Parole de Dieu, me pose la question suivante : "Peux-tu nous dire s'il y a un texte de la Bible qui t'a davantage marqué, dans ta vie, un passage qui te plaît davantage, qui a guidé ce que tu as vécu ?" 

J'ai commencé par répondre qu'il y avait une foule de passages bibliques qui m'avaient éclairé, et j'en ai cité quelques-uns. Mais elle ont insisté pour m'inviter à en citer un qui avait été plus important pour moi que tous les autres.  J'ai expliqué alors que c'était le texte que j'avais choisi pour la cérémonie de ma sépulture. "Un texte sur la mort ?"  m'ont-elles demandé, avec des yeux remplis d'étonnement...

Je les ai alors tranquillisées : "Non, pas du tout, pas sur la mort !"  En effet, j'ai plutôt choisi un texte qui, au terme de mon existence, m'a semblé résumer au mieux l'idéal de prêtre que j'aurais aimé vivre, autour de ce que Jésus exprime par rapport à la recherche de la brebis perdue, en Matthieu 18/12-14.

"Mais quel rapport avec la mort ?" m'ont-elles encore demandé. Eh bien parce que, au soir de ma vie, je crois que le Seigneur fera le point avec moi sur la façon dont, en tant que prêtre, j'ai essayé d'aller comme lui, avec mes faibles moyens, à la recherche de la brebis égarée.  

Lorsque je relis ce qui a été mon ministère, la tentation serait de passer du temps à contempler les soit-disant belles choses que j'ai accomplies en ce sens. "Ah ! Il est allé en Afrique comme missionnaire !  Oh, il a organisé des Cafés-Théo.  Tiens, il a été attentif aux non croyants autant qu'aux paroissiens fidèles, et peut-être même plus parfois."

On peut vite se tresser des louanges, c'est une tentation parfois très forte ; alors que, comme me  l'a souligné récemment une paroissienne de Talmont, très judicieusement : "Ce qui intéresse Dieu dans ma vie, ce n'est pas la liste orgueilleuse de ce que je pense avoir fait de bien, mais beaucoup plus, que je comprenne combien il m'a aimé, et combien il a aimé aussi toutes les personnes qu'il m'a permis de rencontrer."

En réalité, je ne dois pas chercher à savoir si ce que j'ai fait ici-bas était bien ou mal, mais comment j'ai laissé Dieu entrer en moi, et de quelle façon il a fait des merveilles, et fait grandir l'amour, la fraternité, la joie, l'espérance, etc., autour de moi et en moi, au sein de l'Eglise et de la société.

En résumé, ce n'est pas moi qui ai décidé d'aller sauver les brebis perdues dans un petit pays d'Afrique plus ou moins "abandonné" ; c'est Jésus qui m'y a envoyé.  De même, l'expérience des Cafés-Théo symbolise l'appel du Christ à ce que ses prêtres ne se contentent pas seulement de faire de belles liturgies ; d'ailleurs, Jésus n'en faisait pas !  Mais il sortait sur les places et allait sur les parvis pour y rencontrer ses frères et soeurs humains, juifs pratiquants ou non ; et il a souhaité que ses prêtres en fassent autant.

L'Arche de Noé, la brebis perdue, les Cafés-Théo, autant de symboles qui témoignent de ce que "votre Père qui est aux cieux veut qu'aucun de ces petits ne se perde." (Mt 18/14)

"S'il parvient à retrouver la brebis égarée, il en a plus de joie que des quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne se sont pas égarées."  (Mt 18/13)

samedi 13 avril 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2932 : La fraternité soigne le monde

 Ce billet se situe dans la suite du billet précédent, ainsi que du commentaire qui a été envoyé ; merci à son auteur (autrice en ce cas), ainsi qu'à celles et ceux qui font part ainsi, de temps à autre, de leurs réactions, toujours très attendues et très lues !

Je repense à tout ce qui se dit en ces temps à propos de la fin de vie.  Puisque nous parlons de fraternité, consternation quand nous avons lu, dans les quotidiens "La Croix" et "Libération", le 10 mars, que le président Macron, présentant un futur projet de loi consacré à la fin de vie ouvrant une possibilité à une "aide à mourir", se félicitait de cette future "loi de fraternité" !!!

Reprenant la célèbre phrase de l'écrivain Albert Camus, "mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde", Mgr Rougé, évêque de Nanterre, estime que ce texte ne peut être considéré comme un texte de fraternité : "La fraternité passe par le respect inconditionnel de la vie de chacun."  Mgr Rougé invite tous les citoyens à "participer pleinement à ce débat pour que nous essayons de tirer vers le haut et que nous retrouvions tous ensemble un véritable idéal de fraternité partagé."

Ce matin, avec une petite délégation de paroissiens des Sables d'Olonne, nous avons participé à la prière du Shabbat à la synagogue.  Charles, le vice-président, membre également de l'association interreligieuse "Dialogue pour la Paix" sur le Pays des Olonnes, nous a accueillis les bras grands ouverts, avec des paroles profondément fraternelles. Tandis que, alors que je n'ai rien demandé, ils m'ont dit qu'ils citaient mon nom lors de chaque Shabbat, au moment de la prière pour les malades.

Cela m'a fait repenser à ce que disait le pape Benoît XVI : "Le dialogue permet aux religions de ne pas se replier sur elles-mêmes, de ne pas s'enfermer dans leurs traditions particulières."  D'ailleurs, il est certain que l'Eglise catholique n'aura d'avenir que dans la mesure où elle se réunira avec les autres confessions chrétiennes et les diverses religions. Puisse notre Eglise s'engager toujours plus largement sur ce chemin de fraternité !  En effet, ce que disait Saint-Exupéry de la démocratie s'applique aussi au devenir de nos institutions catholiques : "La démocratie doit être une fraternité ; sinon, c'est une imposture !"   Autrement dit : notre relation avec les autres religions ou traditions religieuses, ainsi qu'avec ceux qui croient en l'homme, doit se vivre dans la fraternité ; sinon, notre vie de croyants, si belles soient nos liturgies, ne sera qu'une imposture !

Un autre fait de fraternité : cette radio israélo-palestinienne, "+ 972", dirigée par une Palestinienne de Nazareth : "Nous vivons des deux côtés, ce qui nous permet de poser des questions que d'autres ne posent pas. De plus en plus de sources et de lanceurs d'alerte nous contactent.  Nous n'avons jamais reçu autant d'attention.  Même la Maison Blanche et le secrétaire général des Nations Unies réagissent.  Cela montre qu'on compte sur le chemin qui mène à la fin de la guerre."

Seule une vraie fraternité pourra soigner le monde et le sauver !


mardi 9 avril 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2931 : "Merci d'avoir ouvert les bras à ma détresse."

Depuis près d'un an et demi, suite à la crise cardiaque qui m'a frappé, ce qui a fait que j'ai dû abandonner tout ministère un peu lourd, j'ai quand même le privilège de pouvoir continuer à assurer un peu de présence auprès de personnes qui en ont besoin.

C'est ainsi que dernièrement, quelqu'un m'a envoyé un long mail pour me faire part de ses souffrances. Il me partage régulièrement ce qui est difficile à vivre pour lui, et j'essaye de mon mieux, par mail ou à travers des rencontres, de l'écouter surtout, de l'apaiser un peu si c'est possible, et sans cesse, de l'encourager.

Le mail dont je parlais à l'instant s'est terminé par le mot suivant : "Merci d'avoir ouvert les bras à ma détresse."  Cela m'a beaucoup touché.  Je n'ai rien fait pourtant.  Cette personne, je ne l'ai pas dépannée, je ne lui ai presque rien dit, je ne suis pas entré dans les innombrables problèmes qu'elle me décrivait, je ne lui ai fait aucune promesse, je ne lui ai même pas suggéré d'offrir ses souffrances, et je ne lui ai pas parlé du Paradis.

Cependant, la phrase qui m'a fait le plus mal revenait en gros à celle-ci : "J'ai l'impression que je ne peux parler à qui que ce soit de ce dont je souffre ; cela n'intéresse personne, nul n'a le désir ni le temps de m'écouter."

Mais comment se fait-il que, dans notre environnement chrétien, il soit si difficile de trouver quelqu'un qui soit disponible pour écouter ceux qui en ont besoin ?  Il est vrai qu'en général, on n'ose guère se livrer ; surtout que, le plus souvent, comme on me le dit fréquemment, dès que vous commencez à raconter vos malheurs, votre interlocuteur, sans s'en rendre compte, se met lui aussi, vous coupant la parole, à raconter ses propres malheurs, ratant ainsi l'occasion d'écouter la personne en difficulté qui avait pensé possible de  s'adresser à lui !

Mais enfin, est-ce qu'on a lu l'Evangile ?  Ah, on va à la messe, ça s'est sûr ; mais c'est souvent "hors sol".  Par exemple, vous avez entendu parler du Rwanda dans les églises en ces jours ?  Et autrement, au mieux, qu'à travers une demi-phrase dans une prière universelle ?  Où sont les vrais problèmes du monde, les vrais soucis des gens dans nos liturgies ?  Comment les a-t-on entendus ?  Et comment nos liturgies nous invitent-elles à donner toutes nos forces, toutes nos attentions, au sortir de la messe, aux personnes en détresse que nous ne voyons pas, que nous n'écoutons guère, parfois tout près de nous ? ...

Dans le même sens, au plan civil, dans son célèbre discours "Détruire la misère", le 9 juillet 1849, Victor Hugo déclarait ceci : "La société doit dépenser toutes ses forces, toute sa sollicitude, toute son intelligence, pour que de telles choses ne soient pas !"   Il me semble que cet appel convient tout à fait aussi à notre Eglise, et donc à nous les chrétiens !

Jésus a ouvert pour nous les bras sur la croix ; a son exemple, ouvrons largement nos bras à notre tour, pour apaiser, éponger un peu, diminuer la misère du monde, combattre toute détresse, au nom du Christ ressuscité !

samedi 6 avril 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2930 : Guerre à Gaza : appel d'un collectif de 150 prêtres, diacres, religieux-ses français


En tant que ministres ordonnés, religieuses, religieux et personnes ayant des responsabilités
dans l’Église catholique de France, nous appelons au cessez-le-feu immédiat dans la bande de
Gaza et à l’établissement des conditions politiques de la paix en Israël et en Palestine. Nous
demandons au gouvernement français d’exercer une pression diplomatique sérieuse sur le
gouvernement israélien en vue de mettre un terme aux opérations offensives en cours et de
lancer la décolonisation
des territoires occupés de Cisjordanie.

Comme tous les chrétiens d’Occident, nous sommes souvent embarrassés lorsqu’il s’agit de
nous exprimer au sujet du conflit israélo-palestinien. Les conversations s’achèvent
généralement par un " c'est compliqué" un peu gêné.
 

L’ombre de l’antijudaïsme chrétien d’antan, qualifiant les juifs de peuple déicide, et
n’espérant pour ce dernier que sa disparition dans la conversion au christianisme, pèse à juste
titre sur nos consciences. Nous pouvons être tentés de nous délivrer du poids de la culpabilité
de cet antijudaïsme chrétien, qui a constitué l’une des sources de l’antisémitisme européen
ayant mené au génocide des Juifs d’Europe, en nous interdisant tout discours critique vis-à-vis
de l’État d’Israël.


L’État d’Israël n’est pas le judaïsme

L’État d’Israël n’est pourtant pas le judaïsme. L’actuel gouvernement de l’État d’Israël,

d’extrême droite
, est loin d’être parfaitement représentatif du peuple de l’État d’Israël, et le
peuple de l’État d’Israël ne correspond certainement pas sans condition au peuple de l’Israël
biblique. Critiquer le gouvernement actuel de l’État d’Israël n’est pas critiquer le judaïsme. Le
critiquer au nom des valeurs du judaïsme l’hospitalité envers l’étranger, la préférence pour
le pauvre et le faible, la perpétuelle insistance sur la justice sociale est au contraire un
hommage rendu au souffle des prophètes.


Au nom des traditions juives, sources auxquelles les chrétiens s’abreuvent, il est temps d’en
appeler à la justice et à la paix par des actions effectives. L’affirmation du Psalmiste selon
laquelle « Justice et paix s’embrassent » (84, 11) signifie que nulle paix durable ne peut être
construite sur une injustice flagrante. Être « artisan de paix » (Matthieu 5, 9) ne saurait
évidemment se réduire à viser le seul maintien de l’ordre, si ce dernier est injuste, mais
consiste à mettre en œuvre un ordre juste et à « briser tous les jougs » (Isaïe 58, 6).

Goliath contre David


L’actuel comportement de l’État d’Israël, jouant du droit du plus fort, profitant de l’absence
de réactions occidentales et du financement états-unien, compromet l’établissement de la paix
à long terme et prépare des violences futures de manière désespérante. Il n’est absolument
plus possible de présenter
les actuelles attaques conduites à Gaza comme des représailles
légitimes à la suite des horribles massacres du 7 octobre et du maintien en captivité des
otages, dont la libération reste urgente. Elles sont disproportionnées, démesurées,
extrêmement violentes et meurtrières, et en contradiction avec le droit humanitaire le plus
élémentaire.


Le questionnement en cours, mené à l’ONU à l’initiative de
l’Afrique du Sud, au sujet de la
potentielle intention génocidaire de ces attaques, indique à lui seul, et sans qu’il soit besoin
d’attendre les suites juridictionnelles, que les bornes de la décence et du droit de la guerre ont
depuis longtemps été franchies. Se taire à ce sujet en affirmant que « c’est compliqué »
revient à choisir Goliath contre David, les premiers contre les derniers, les riches contre les
pauvres, les puissants contre les humbles. Les valeurs juives doivent être brandies contre le
gouvernement de Benyamin Netanyahou.

Qui est mon prochain ?
En mettant un terme à l’accusation de
peuple déicide, en s’intéressant à d’autres
interprétations de la Bible que les lectures christo-centrées, le concile Vatican II a ouvert de
manière heureuse un nouveau chapitre des relations judéo-chrétiennes, nettement plus décent,
respectueux et fertile. Chez certains chrétiens à tendance identitaire, ce rapprochement
souhaitable se double d’un effet contre-productif de constitution d’un bloc judéo-chrétien
opposé à une altérité musulmane. Ils vont jusqu’à voir dans la guerre en cours une sorte de
guerre de religion, quand il s’agit dans les faits d’une guerre coloniale et d’une oppression
asymétrique.


La question qui se pose à nous dans ce contexte est celle de l’Évangile :
qui est mon prochain
?
Une réponse superficielle indiquerait que c’est celui qui est proche de moi, qui me
ressemble, qui n’est pas mon lointain. Certains intellectuels chrétiens occidentaux, arguant de
la proximité forte unissant juifs et chrétiens, Occident et État d’Israël, se sentent un devoir de
prendre fait et cause pour ce dernier. L’Évangile indique pourtant une tout autre définition : le
prochain est l’étrange ou l’étranger, celui qui ne me ressemble pas, qui s’approche de moi et
en appelle à ma responsabilité.

Leur visage nous oblige


Les chrétiens d’Occident s’identifient difficilement aux Arabes palestiniens, que ceux-ci
soient musulmans ou même chrétiens. Cela en fait d’autant plus nos prochains. L’injustice
qu’ils subissent, que seul le déni peut rendre invisible, nous appelle. Comme le dirait
Emmanuel Levinas, leur visage, dans son actuelle vulnérabilité, nous oblige. Ne rien faire
revient à dépasser l’homme souffrant que l’on a pourtant vu, au lieu de s’arrêter dans notre
marche comme le
Bon Samaritain auquel nous affirmons vouloir ressembler (Luc 10, 25-37).


Nous professons être disciples d’un Juif galiléen qui nous invite à prendre fait et cause pour
celui qui subit l’oppression. Nous sommes horrifiés par la
puissance de destruction
actuellement à l’œuvre à Gaza et nous refusons d’en être complices par notre silence gêné.
Nous voulons porter la voix de nos frères et sœurs palestiniens devant nos dirigeants et, à la
fois comme membres de la société civile de notre pays et au nom de l’Évangile, participer à
construire une voie française pour la construction de la justice et la paix, qui ne peuvent aller
l’une sans l’autre.

________________________________

Pour info, parmi les signataires, dont je n'ai pas donné la liste pour ne pas allonger trop le billet, deux Vendéens : Sr Martine Chaillot, supérieure des Soeurs de Mormaison, et Gilbert Roux, 83 ans, de la Mission de France à Poitiers.

vendredi 29 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2929 : Entrée dans l'Infini de Dieu d'une de mes jeunes soeurs, Monique

Hier, en la fête du Jeudi-Saint, j'ai assuré la cérémonie d'action de grâce et d'au-revoir d'une de mes jeunes soeurs, Monique, décédée d'un cancer du foie. On m'a demandé le texte de l'homélie, le voici.


Monique, réjouis-toi !  Il y a plein de gens qui t’aiment autour de toi !  Parlons-en ensemble !

Vous avez suivi les nouvelles dernièrement ?  Depuis vendredi dernier, c’est un grand choc au Royaume-Uni. Kate, la princesse de Galles, âgée de 42 ans seulement, vient d’annoncer à son peuple, pâle et fatiguée, qu’elle était atteinte d’un cancer.  Comme Monique, elle vient d’être opérée à l’abdomen.  Tout le monde se pose des questions quant à son avenir.  Tandis que le roi lui-même, Charles III, lui aussi atteint d’un cancer, vient d’arrêter toutes ses activités

Pourquoi je vous parle de cela ?  Mais parce que, que l’on soit puissant ou misérable, que l’on soit célèbre ou non, que l’on habite à Buckingham Palace, au château de Windsor ou à La Taillée, la maladie et la mort guettent chacun de nous. Et elles s’attaquent à notre santé, à nos familles, à celles et ceux que nous aimons, comme un monstre qui voudrait nous dévorer de l’intérieur et nous faire tomber dans le néant.

Question : comment peut-on continuer à vivre, tranquillement, à rire malgré tout, et aussi à espérer, quand l’un d’entre nous souffre et meurt ?

Monique, avec Jean, tu as eu de beaux enfants et six belles petites filles ; toute ta vie, tu as semé des fleurs chez toi et par ton amour des autres ; tu as accompagné de nombreuses familles en deuil ; et je ne vais pas répéter ce que Paul nous a déjà expliqué de ta vie dans le mot d’accueil.  Tu as essayé de vivre à fond ta foi de chrétienne, tu as assuré le service des autres dans la paroisse et la vie locale, etc.  Si bien qu’à la fin, malgré la maladie, il n’est pas sûr que ce soit la mort qui ait gagné !

Dimanche après-midi, j’en ai été le témoin, il en est passé du monde, auprès de Jean, pour te  saluer, Monique !  Et cela a été la même chose chacune de ces dernières journées.  Mais, c’était frappant, l’on ne sentait pas une atmosphère d’échec, ni un écrasement dans la tristesse, ni une ambiance de mort. Les uns et les autres évoquaient des souvenirs.  Ton beau visage, Monique, à travers une jolie photo, toute récente, rayonnait au milieu de nous.  On a même bu un bon coup ensemble en ta présence, même si ce n’était que du jus de fruit ou de l’eau plate…

L’on sentait bien qu’il ne fallait pas que l’on se taise, ou qu’on se lamente autour de ton cercueil.  Monique, tu n’aurais pas aimé cela !

D’où cette réflexion qui m’est venue à l’esprit : parfois, dans notre société ou notre Eglise, on fait des différences bizarres, qui m’ont toujours choqué personnellement, entre les personnes qui croient, et celles qui ne croient pas ou ne pratiquent pas.  Ceci est totalement ridicule !  Ne sommes-nous pas tous des croyants en la vie, en la lumière, au bonheur, en l’espérance ?

Croyants ou non religieusement, ne sommes-nous pas totalement unis, aujourd’hui par exemple, autour de Monique, rassemblés dans un même hommage ?  Ensemble en effet, nous refusons de laisser la mort prendre le dessus, et gâcher le cœur de nos vies et de nos familles.

Monique, toi-même, tu t’es battue pour rester debout ; et tu as pu ainsi participer au mariage de l'une de tes petites filles, Lise, et Vincent, le 16 septembre dernier.  Et ensuite, malgré ce que tu devais souffrir, on ne t’a jamais entendu te plaindre, alors que cela devait être insupportable souvent !

Comme il était beau ce poème, que nous a lu pour toi ton fils Christian en 1° lecture ; poème écrit pourtant il y a près de 2.500 ans, tiré de la Bible, du Livre de Job (11/15-19 et 19/25-27) :

« Un jour, tu relèveras la tête.

Libérée de la maladie, tu ne craindras plus.

Alors, la vie se lèvera, plus radieuse que le soleil de midi.

L’obscurité deviendra comme une aurore.

Tu seras sûr qu’il existe une espérance.

Et beaucoup caresseront ton visage. »

Telle était ta foi, Monique.  Et ceci est sans doute le testament que tu nous laisses.  Car, comme l’a dit Jean ton mari : « Monique est partie dans les bras de Dieu. »  Même s’il peut sembler difficile de croire en tout cela, tant c’est surprenant et tant c’est infini…

Avec le rappel, en ce Jeudi-Saint, de ce que Dieu attend des hommes et des femmes d’aujourd’hui ; à savoir, qu’ils soient capables d’aimer leurs proches et tous leurs concitoyens ; surtout  ceux qui ont le plus besoin de soutien, d’affection et d’entraide, comme cela est signifié dans le geste du lavement des pieds que l’évangile vient de nous rappeler.  Tel est le message principal que Jésus nous laisse

Croire en l’humanité, croire en la lumière, croire en la fraternité, c’est en effet la seule foi, la seule attitude que Jésus attend de nous, croyants ou non, dans le respect des convictions de chacun.

Puisses-tu, Monique, nous aider à vivre cela, à fond, à ton exemple, désormais !

A présent, pendant un petit moment musical, imaginons Monique semant des fleurs au ciel, et les faisant pleuvoir sur nous, avec son grand sourire d’éternité.  Amen !  Qu'il en soit ainsi !

vendredi 22 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2928 : "On se sent impuissant !"

 Face à ce qui se passe à Gaza, notre coeur est chaviré ; et cela sans oublier la douleur qu'a entraîné le pogrom du 7 octobre à la frontière israélienne.  Devant de telles souffrances, nous nous sentons impuissants. C'était déjà le cas, à propos de la guerre en Ukraine. Chacun de nous a dit, ou a entendu dire : "Comment pouvons-nous nous situer ?  Est-il possible de faire quelque chose pour arrêter tout ce mal ?" Avec toujours cette réaction : "On se sent impuissants !"

A certains points de vue, ceci est malheureusement vrai : à notre petit niveau, que pouvons-nous face aux malheurs du monde ?  La tentation serait alors de se dire : "Je ne peux rien faire", et de sombrer dans les lamentations. Or, en réalité, sommes-nous complètement hors jeu par rapport aux grands problèmes du monde ?  Les autres n'ont-ils vraiment pas besoin de nous pour permettre à l'humanité de devenir un peu meilleurs ?

J'aime bien cette image qu'avait employée jadis mon instituteur du Gué de Velluire, monsieur Paul Joguet :  "Si vous vous trouvez dans une immense caverne, un genre de cathédrale souterraine, plongée dans le noir, il suffit d'allumer une toute petite bougie, et cette lumière de rien du tout est cependant capable de vaincre l'obscurité."  D'ailleurs, comme le disait Lao-Tseu, sage chinois, 500 ans avant J-C : "Allume donc une bougie plutôt que maudire les ténèbres !"

Aussi, lorsque j'entends cette réflexion selon laquelle nous serions impuissants, j'essaye toujours, délicatement bien sûr, d'expliquer que personne n'est jamais totalement impuissant face au mal, si grave soit-il.  D'ailleurs, St Paul ne disait-il pas : "Le Seigneur m'a déclaré : "Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. Aussi mettrai-je mon orgueil bien plutôt dans mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. (...)  Car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort." (2 Corinthiens 12/9-10)

En tout cas, si nous ne pouvons pas individuellement changer toute la face du monde, il nous reste quand même un pouvoir infini, dont nous n'abusons guère malheureusement.  Il s'agit de la prière. Rappelons-nous ce que disait St Jean Chrysostome : "L'homme qui prie a la main sur le gouvernail du monde."  Dans un blog précédent, je vous ai déjà cité aussi Victor Hugo : "Deux mains jointes font plus d'ouvrage, sur la terre, que tout le roulement des machines de guerre."

Et nous avons aussi tout pouvoir pour être de véritables artisans de paix, d'abord là où nous vivons, en famille, en paroisse, au coeur de la société, en nous engageant au besoin dans des associations humanitaires, actrices en faveur de la paix au plan international.  A chacun de tout faire pour ne pas rester "impuissant" ! 

samedi 16 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2927 : Prier sur un banc, face à la mer, au milieu du peuple de Dieu

 J'ai coutume de dire que, là où j'habite  -  oh, le chanceux, à 100 m de la mer  -  c'est "mon petit ermitage" ; là où je vis tranquillement désormais, en savourant profondément chacune de mes journées, dans l'action de grâce, la prière pour le monde et pour la paix.  Je ne peux plus faire grand chose désormais, un rien me fatigue ; mais rien ne me manque pourtant, et je suis comblé.  J'ai encore un énorme caillot dans le coeur, difficile à éliminer, le coeur très abîmé puisque inopérable l'an passé, mon insuffisance cardiaque ne cesse de s'amplifier, j'ai perdu 15 kgs depuis un an, grosses insomnies,  j'ai dû abandonner toutes mes responsabilités et toute activité pastorale, mais je suis toujours vivant. De quoi vais-je donc me lamenter ?  Je serai peut-être mort demain, avec toutes ces épées de Damoclès... Donc, profitons de la vie encore aujourd'hui !  Il ne me reste plus que la prière ; mais si celle-ci peut aider d'autres frères et soeurs à relever la tête, merci Seigneur !

Et j'ai le privilège de pouvoir prier dans ce qui représente pour moi une immense chapelle, le port de Bourgenay. Pas besoin de préparer une prière universelle, il suffit d'écouter les gens. Je viens encore d'en faire l'expérience samedi. Assis sur un banc face à la mer, tandis que j'allais me lancer dans mes méditations personnelles, impossible de me boucher les oreilles vis-à-vis du flot de réflexions partagées par les personnes défilant sans cesse juste derrière mon banc.

Et chaque couple, ou groupe, d'y aller de ses soucis et de ses misères. Au vol, en ce jour, j'ai retenu ces quelques réflexions parmi tant d'autres ; parfois seulement quelques mots, lorsque les gens passaient à ma hauteur : "Jacques est gravement malade ; quand est-ce qu'on pourra aller le voir ?"  "Il faut que je mette de l'ordre dans mon garage, et que j'enlève la poussière, ça m'énerve de voir les choses en un tel état."  "Pour la déclaration d'impôts, est-ce qu'il faudra inclure... ?"  "Pour les vacances, il faudrait qu'on s'organise avec... ?"  "La grand-mère s'est suicidée,   (oui, j'ai vraiment entendu ça)  alors, ils se sont partagé...?"  Etc.

De quoi donc nourrir ma prière, tout simplement !  Et si j'étais là pour ça ?  Et si c'était cela, ma mission ?  A moi qui n'ai pas encore tout à fait digéré le fait de ne plus avoir presque aucun rôle pastoral (visible) désormais ?  Aucune de ces personnes n'a su qu'un prêtre  -  c'aurait pu être un laïc  -  priait pour eux, quand ils pérégrinaient derrière moi en se confiant leurs soucis mutuellement.  Quant à moi, j'ose imaginer que Dieu a peut-être entendu ma pauvre et petite prière, lui qui était déjà présent, invisiblement, au coeur de la vie de ces gens.

Merci Seigneur pour la longue procession de tous ces hommes et ces femmes qui cheminent au coeur de ce monde, en recherche de bonheur, de fraternité et de paix !

Je t'ai reconnu, Seigneur !  Ils n'étaient pas seuls !  Tu marchais avec eux, au milieu d'eux,  comme un bon pasteur les guidant invisiblement vers le Salut !

vendredi 15 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2926 : Une Malienne pour ouvrir les Jeux Olympiques ?

 Je ne sais pas si vous allez porter un grand intérêt aux Jeux Olympiques, ni si vous avez entendu parler d'Aya Nakamura ?  Décidément, on parle bien de tout sur ce blog !  Eh bien, si vous n'étiez pas au courant, j'ai l'honneur de vous apprendre que c'est une femme née à Bamako, au Mali, qu'Emmanuel Macron aurait sollicitée pour chanter des titres d'Edith Piaf à la cérémonie d'ouverture des JO, le 26 juillet, à Paris.

Cela a surpris tout le monde !  Aya Nakamura,  née en 1995 à Bamako, a grandi ensuite à Aulnay-sous-Bois. "Victoire de la musique" féminine en 2024, Aya est l'artiste francophone la plus écoutée au monde, trois fois plus que Michel Sardou par exemple, et bien plus que Patrick Bruel et compagnie.

Personnellement, quelles que soient les paroles de ses chansons, j'apprécie énormément le style, la musique, les sonorités, la dynamique de ses chansons ; ce qui me rappelle ce que j'ai eu tant de plaisir à écouter durant mes 9 années passées au Mali, ce pays où la chanson et la musique tiennent une place si importante.

Cette chanteuse franco-malienne de 28 ans symbolise bien la réalité multiculturelle de la jeunesse française actuelle. Et elle devrait être bien acceptée par les sportifs et accompagnateurs, sans parler des spectateurs des JO, tous représentant justement le monde entier.

En effet, Aya est la seule artiste française à figurer dans les hit-parades de 46 pays, et ses chansons font le tour du monde !  Qui dit mieux ?  Son album, "Nakamura", a dépassé le milliard d'écoutes !

Olivier Cachin a rappelé, sur BFM-TV, que "Aya est l'équivalent de ce qu'était Edith Piaf il y a 60 ans, c'est-à-dire, la chanteuse française la plus populaire à l'étranger." C'est peut-être pour cette raison que le président a pensé à elle pour les JO !

Par contre, et il fallait s'y attendre, le nom de Aya a été hué le 10 mars lors d'un meeting de "Reconquête", d'Eric Zemmour. Tandis que nombre de propos haineux la ciblent sur internet, sous prétexte qu'elle ne chanterait pas en "bon français".  La ministre de la culture, Rachida Dati, a pris sa défense : "S'attaquer à une artiste pour ce qu'elle est, c'est inacceptable, c'est un délit."

A l'inverse, le 12 mars à Paris, Aya a eu droit à une salve d'applaudissements de la part des professionnels de la musique réunis par le Syndicat national de l'édition phonographique, suite aux propos de leur directeur, Alexandre Lasch : "Aya Nakamura est une grande artiste, ambassadrice de la musique française, et les polémiques indignes du moment n'y changeront rien."

Quand est-ce qu'un certain nombre de Français soit-disant "de souche" (?) accepteront les personnes qui arrivent d'ailleurs comme des frères ?

dimanche 10 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2925 : Comment prient les Musulmans ?

 A l'occasion de l'ouverture du Ramadan qui débute en ce 10 mars, et alors que bien peu de chrétiens connaissent les belles prières que propose le Coran, je vous en joins quelques-unes, extraites du Coran, qui pourront nous aider à mieux comprendre, ou même nous unir, à nos frères et soeurs de l'Islam, si nous les apercevons en train de prier, à la télé ou dans nos rues.

Sourate 2, verset 104  :  "Ô vous qui croyez, ne dites pas au Seigneur :  "Favorise-nous" !  Mais dites : "Regarde-nous !"

    id           v. 186  :  "Je suis proche, en vérité, je répons à l'appel de celui qui m'invoque quand il m'invoque.  Qu'ils répondent donc à mon appel, qu'ils croient en moiAlors, ils seront bien dirigés.

   id           v. 286  :  "Notre Seigneur, ne ne nous charge pas de ce que nous ne pouvons porter !  Efface nos fautes !  Pardonne-nous !  Fais-nous miséricorde !"

Sourate 6, v.160  :  "Celui qui se présentera avec une bonne action recevra en récompense dix fois autant. Celui qui se présentera avec une mauvaise action ne sera rétribué que par quelque chose d'équivalent.  Personne ne sera lésé."

Sourate 8, versets 2 à 4  :  "Seuls sont vraiment croyants ceux dont les coeurs frémissent à la mention du Nom de Dieu (...), ceux qui s'acquittent de la prière, ceux qui donnent en aumône une partie des biens que nous leur avons accordés."

Sourate 23, v. 1 et 2  :  "Heureux les croyants qui sont humbles dans leurs prières."

   id                 v. 62   :  "Nous n'imposons à chaque homme que ce qu'il peut porter."

Sourate 24, v. 55  :  "Dieu a promis à ceux d'entre vous qui croient et qui accomplissent des oeuvres bonnes, d'en faire ses lieutenants sur la terre (...)  et de changer, ensuite, leur inquiétude en sécurité."

Sourate 33, v. 3, 5, 41-44  :  "Confie-toi à Dieu, Dieu suffit comme protecteur.  Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux.  Ô vous qui croyez, invoquez souvent le nom de Dieu !  Louez-le matin et soir !  C'est lui qui étend sa bénédiction sur vous pour vous faire sortir des ténèbres vers la lumière.  La salutation qui les accueillera le Jour où ils le rencontreront sera : "Paix !" Il leur a préparé une généreuse récompense."  

Sourate 59, v. 23 et 24  :  "Il est Dieu !  Il n'y a de Dieu que lui !  Il est le Roi, le Saint, la Paix, le Vigilant, le Tout-Puissant, le Très-Fort, le Très-Grand.  Gloire à Dieu !  Les Noms les plus beaux lui appartiennent.  Ce qui est dans les cieux et sur la terre célèbre ses louanges."

Sourate 93, v. 1 à 11  :  "Par la clarté du jour, par la nuit quand elle s'étend, ton Seigneur ne t'a ni abandonné ni haï.  Oui, la vie future est meilleure pour toi que celle-ci. Ton Seigneur t'accordera bientôt ses dons, et tu seras satisfait.  Ne t'a-t-il pas trouvé orphelin et il t'a procuré un refuge.  Il t'a trouvé errant et il t'a guidé.  Il t'a trouvé pauvre et il t'a enrichi. Quant à l'orphelin, ne le brime pas.  Quant au mendiant, ne le repousse pas.  Quant  aux bienfaits de ton Seigneur, raconte-les."

Sourate 107, v. 4 à 7  :  "Malheur à ceux qui prient, tout en étant négligents dans leurs prières ;  ils sont remplis d'ostentation et ils se refusent à procurer aux hommes le nécessaire."

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Il y a dans le Coran des centaines de réflexions et d'invitations à la prière du même genre.  Si vous vous donnez le temps de feuilleter un Coran, vous trouverez presque à chaque page des sourates du même type. C'est pourquoi le Coran est un Livre Saint aux yeux des Musulmans.  D'ailleurs, ainsi que le disait le P. Christian de Chergé : "A travers les Musulmans, Dieu peut nous transmettre un message de vie qui peut nous aider à mieux vivre notre foi chrétienne."

Selon Tarik Abou Nour, imam à Athis-Mons (Essonne) : "La prière est l'épine dorsale de l'islam."

Ne manquez pas les pages 14 et 15 à propos du Ramadan sur le journal "La Croix" du vendredi 8 mars 2024.

Vous pouvez aussi vous référer au billet n° 2350 que j'avais écrit sur le même thème le 25 avril 2020.

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Tous les ans, les évêques catholiques envoient un message de soutien aux musulmans de France pour le ramadan. Ce 31 mars, Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille et président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux au sein de la Conférence des évêques de France, a tenu à exprimer ses meilleurs voeux aux musulmans à l’occasion du ramadan.

« En ce mois de jeûne, de prière et d’aumône dans lequel vous vous engagez, (…) je vous propose de nous stimuler mutuellement à mieux plaire à Dieu en servant nos frères et sœurs en humanité, et tout spécialement ces enfants, ces mères, ces personnes âgées, qui ont dû prendre le chemin de l’exil, par suite de la destruction de leurs villes et villages, non seulement en Ukraine, mais dans de nombreuses autres régions du monde. »


samedi 9 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2924 : La place des femmes dans l'Eglise catholique, d'après l'archevêque d'Alger

 Je vous transmets ce que je viens de recevoir de la part de Jean-Pierre, un ami diacre au service du diocèse de Nantes  :

Bonjour Olivier,

Depuis 7 ans, j'entretiens des liens amicaux avec Jean-Paul Vesco, l'actuel archevêque de Alger. Il vient de publier une réflexion sur la synodalité, la place des femmes dans l'Eglise catholique... Son propos publié dans "l'Osservatore Romano" a sans doute irrité certains membres de la curie, mais je sais qu'il a une excellente relation avec le Pape François.
Jean-Paul Vesco m'autorise à publier sa réflexion et je ne m'en prive pas, donc tu vas en être bénéficiaire.
Une bonne bouffée d'air qui fait du bien.
Fraternellement.
Jean-Pierre Biraud
 

L’Église catholique a-t-elle un problème avec les femmes?

La formulation de la question est un peu provocatrice, mais oui l'Eglise a depuis des siècles un problème avec les femmes, comme d'une façon générale les deux autres monothéismes et peut-être la plupart des religions. Cela ne vaut pas excuse, il aurait été tellement bon et légitime qu'il en fut différemment pour le christianisme depuis les origines! A quelques heureuses exceptions récentes près, les femmes sont absentes de la gouvernance et du commentaire de la parole de Dieu lors de la célébration dominicale, alors qu’elles sont présentes partout ailleurs. Elles sont la chair des paroisses, elles sont souvent l'âme des églises domestiques que sont les familles et ce sont encore elles qui, la plupart du temps, s'occupent du catéchisme.

Dans notre représentation, l'Eglise est par définition atemporelle, une Église patriarcale hors des courants, des modes et des outrages du temps. Or, en l'absence d'une implication beaucoup plus forte des femmes dans des fonctions de responsabilité et de visibilité, notre Eglise court paradoxalement le risque de devenir une Église démodée, non pas atemporelle mais anachronique et dépassée dans son organisation. L’Église catholique, c'est-à-dire universelle, si elle n'est pas du monde est bien inscrite dans le monde et elle ne peut pas se réfugier dans une logique de niche auto référencée par rapport au monde.

La question des responsabilités des laïcs et donc aussi des femmes a été largement soulevée lors des consultations qui ont précédé le synode : aujourd’hui le problème saute aux yeux. La guerre des enfants de choeur qui voudrait qu’il n’y ait que des garçons autour de l’autel comme cela se voit en certains endroits, ne passe plus. Dans les dicastères du Vatican où les femmes commencent à être plus nombreuses qu’autrefois, et où elles occupent de plus hautes responsabilités, l’atmosphère est radicalement différente. Il suffit de quelques femmes pour que, déjà, la curie ne soit plus cet entre soi clérical malheureusement si facilement stigmatisable.

On dit souvent qu’il serait aujourd’hui impossible de réunir un concile au niveau de l’Église universelle en raison de la difficulté matérielle à rassembler plus de 5000 évêques. Mais là n'est plus la question. L’image de la salle Paul VI, pendant le synode, avec des cardinaux, des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses, des laïcs, hommes et femmes, autour des tables sur un même plan manifeste un basculement d’époque, la prise de conscience qu’il est devenu impossible de décider seulement entre évêques. D'une certaine manière, le synode sur la synodalité a très naturellement rendu obsolète la perspective d'un concile Vatican III! Qui pourrait aujourd'hui imaginer que l'avenir de l'Eglise puisse se discerner dans une assemblée d'évêques seulement?

Quelle est la place des femmes dans la gouvernance du diocèse d’Alger?

Dans notre diocèse, j'ai voulu m'entourer d'une équipe restreinte en plus des différents conseils. Elle est composée des principaux responsables qui forment la curie diocésaine: vicaire général, secrétaire générale, économe, économe-adjointe, responsable de la diaconie et moi-même. Il se trouve que cela forme une équipe composée de quatre femmes et deux hommes. La plupart des décisions sont réfléchies ensemble. D'une façon plus générale, je vis dans un environnement essentiellement féminin et c’est du bonheur au quotidien! Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’accrochages. Un jour, l’une d’elles m’a lancé: “ à la fin, de toutes façons, c’est toi qui décides !”. C’est vrai, et c'est une vraie question. Dans notre Eglise catholique, les décisions sont assumées par l'évêque qui les incarne. Le modèle peut sans doute évoluer. A ce titre les modèles de gouvernance dans la vie religieuse peuvent être inspirants: beaucoup de décisions sont prises par des chapitres ou des conseils élus, et les limitations au pouvoir de décision des supérieurs ne retirent rien à leur pouvoir symbolique. Cela dit, il me semble que dans la plupart des cas, la confiance qui nait de la connaissance mutuelle et de la poursuite d'un projet commun, fait que la plus grande partie des décisions font l'objet d'un large consensus quand ce n'est pas l'unanimité. En dans tous les cas, les avis de chacun et chacune ont été entendus et ont pesé d'une façon ou d'une autre sur la décision qui s'en ressent. Je crois que c'est une expérience forte pour chacun et chacune, moi y compris!

Derrière la question des femmes il y a celle de la place des laïcs…

Bien sûr ! Lors de la phase diocésaine du synode sur la synodalité, dans le diocèse d'Alger, le souhait des chrétiens natifs du pays à participer à la vie de l'Eglise a été fortement exprimé. Ils considèrent à juste titre l'Eglise comme leur Eglise car algérienne. Pourtant, ils se sentent marginalisés au profit de permanents que nous sommes, essentiellement religieux et étrangers, qui depuis l'indépendance du pays constituent l'essentiel des forces vives de l'Eglise. De fait, ils étaient quasiment absents des instances de décision. Nous avons entendu cet appel et en avons tenu fortement compte dans la composition des differents conseils épiscopal, économique et pastoral. Au conseil épiscopal, il y a trois prêtres, une religieuse, une focolarine et 4 laïcs algériens dont 2 femmes. Cela change totalement l'atmosphère. Là encore, nous sortons d'un entre-soi. Ce n'est pas toujours facile et rien n'est gagné, mais nos codes, nos évidences, sont à remiser au placard. Il nous faut apprendre à nous comprendre et à mesurer l'abîme d'incompréhension qui parfois nous sépare dont nous n'avions pas conscience car il n'avait pas de lieu d'expression. Notre Église doit devenir beaucoup moins cléricale, c'est un enjeu pour l'Eglise universelle à tous les niveaux et en tous lieux. Cet enjeu n'est pas dépourvu d'une revendication de pouvoir, avec tout ce que cela peut avoir de désagréable. Mais reprocher à l'autre de vouloir prendre un pouvoir signifie souvent l'exercer soi-même sans forcément en avoir conscience. C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup de mal à entendre écarter les revendications de femmes dans l'Eglise par un: “pourquoi veulent-elles le pouvoir?”

Dans un certain nombre de sociétés, le fonctionnement de l’Église se trouve en tension sur ces questions avec l’idéal démocratique !

Le principe d'organisation hiérarchique de l'Eglise est d'inspiration monarchique...étant sauve la succession héréditaire! C'est l'organisation humaine qui est depuis presque l'origine la garante de l'unité, et elle a plutôt fait ses preuves. En tous les cas, nous sommes cela. Cela n'exclut pas en son sein des fonctionnements et des instances plus démocratiques à l'instar des monarchies modernes. Nos frères et soeurs des Églises protestantes ont viscéralement cette culture démocratique, c'est-à-dire synodale, et nous aurions sans doute beaucoup à apprendre d'eux dans ce grand mouvement de synodalité à la mode catholique initié par le Saint Père. La dynamique synodale ne va pas s'arrêter, elle va s'étendre et se répandre à tous les niveaux de l'Eglise sans pour autant remettre en cause sa structure sacramentelle. Tout retour en arrière apparaitra vite complètement anachronique parce que l'Eglise est l'affaire de tous les baptisés. Ma conviction profonde est que la responsabilité dans l'Eglise, dont les questions de pouvoir sont une dénaturation, augmente en même temps qu'elle se partage. Partager la responsabilité c'est l'augmenter et notre Eglise souffre d'un grand déficit de prise de responsabilité.

Que pensez-vous du diaconat féminin?

A titre personnel, je l'appelle de mes voeux! Il me semble impossible de priver les fidèles, et donc moi aussi, de la réception féminine de la Parole de Dieu. Aucun des arguments avancés ne m'a jamais convaincu. Alors oui, j'aimerais que cette question du diaconat féminin avance ou qu'à tout le moins un pas de plus soit fait dans le sens de l'autorisation des femmes, et plus généralement des laïcs formés, à commenter la parole de Dieu dans le cadre de la célébration dominicale. A la différence du ministère presbytéral, le diaconat féminin trouve des racines dans la tradition de l'Eglise et je peine à voir les objections qui peuvent lui être opposées, sauf à réserver le choeur, c'est-à-dire l'exercice du sacré, au masculin. Sur cette question des ministères, comme sur celle de la gouvernance, l'horizon se dévoile et s'élargit en marchant. Ce qui semblait impensable hier peut si facilement devenir une évidence demain. Une présence uniquement masculine dans le choeur, les grandes processions d'entrée exclusivement masculines nous semblent aujourd'hui aller de soi. En sera-t-il toujours ainsi ou cela nous apparaitra-t-il un jour trop anachronique? Le seul fait de se poser la question opère déjà un changement du regard...

Le problème ne vient-il pas du fait que l’on considère souvent les vocations féminines non pas en soi, mais par rapport aux vocations masculines?

En effet, la vocation féminine dans l'Eglise est traditionnellement pensée en terme de complémentarité. Ce n'est plus suffisant, il faut aussi la penser en terme d'altérité. La vocation féminine vaut par elle-même. Cette dimension d'altérité est à présent très présente dans la vie conjugale. Les tâches sont partagées, les deux parents peuvent travailler, s'occuper des enfants... Chacun les accomplit dans sa différence de sexe, de caractère... Ce sont les mêmes tâches effectuées différemment. C'est vrai pour tous les domaines de la société. Comment penser qu'il ne puisse pas y avoir un écho de cette évolution sociétale au sein de l'Eglise dans la façon dont sont exercés les charismes et les ministères, dans le respect de la tradition qui n'est pas un corps mort mais un corps vivant, à la fois immobile et toujours en mouvement.

Cette question de l'altérité renvoie à celle de la fraternité. En effet, la fraternité à la fois requiert et rend possible l'altérité. Ce n'est pas tout à fait le cas de la paternité spirituelle. Je crois à la paternité spirituelle, en tant que frère dominicain en formation j'en ai fait l'expérience. Mais cette paternité spirituelle, je l'ai reçue d'un frère, d'un alter-ego autrement plus avancé que moi dans la vie religieuse, et aussi dans la sainteté. S'il n'était pas décédé avant, j'aurais pu être son prieur provincial. J'ai du mal avec la paternité spirituelle institutionnalisée telle que nous la vivons dans l'Eglise. Les rôles ne s'inversent jamais à l'instar de la paternité dans la vraie vie où les relations ne cessent d'évoluer entre des parents et des enfants sur l'ensemble d'une vie. Un jour, les enfants prennent soin des parents. Il en va différemment du patriarche qui conserve son autorité jusqu'à la mort. Et dans ce sens, la paternité spirituelle institutionnalisée me semble davantage un modèle patriarcal que paternel. La fraternité, comme dans une vraie fratrie, rend possible toutes les formes de relations. Une grande sœur pourra avoir un temps un rôle maternel vis-à-vis de son petit frère. Il en restera toujours quelque chose, mais chacun vivra l'altérité fondamentale qu'ils ont reçue du fait d'être l'une et l'autre enfants de mêmes parents. La vie se chargera de faire évoluer leur lien, et peut-être un moment de l'inverser.

Je crois profondément que notre Eglise a davantage à se penser comme une communauté de frères et de sœurs. C'est le témoignage le plus haut qu'elle puisse donner au monde. Davantage qu'une lutte de pouvoir, le rééquilibrage nécessaire entre clercs et laïcs, entre hommes et femmes est un enjeu d'altérité et de fraternité. Si j'aime être appelé frère plutôt que père ou monseigneur, ce n'est pas par fausse modestie ou coquetterie, c'est précisément en raison de cet enjeu d'altérité qui ne relève pas d'un choix mais d'une évidence: j'ai besoin des frères et des soeurs de mon diocèse, comme j'avais besoin de mes frères dominicains pour être ce que je suis pour eux.

Jean-Paul VESCO

Archevêque d’Alger


Réflexion parue dans le journal du Vatican : « l’Osservatore Romano »