Par rapport aux scandales qui nous marquent en ce moment, le manque de connaissance de l'histoire de l'Eglise catholique nous fait penser que tout va de plus en plus mal dans la barque de Pierre. Aurions-nous oublié ce que l'apôtre Paul dénonçait déjà fortement dans plusieurs de ses Lettres ? "Libertinage, impureté, débauche, beuveries, ripailles (...)", au sein des premières communautés chrétiennes ? (Galates 5/19-21) On se souvient aussi d'Alexandre VI, un Borgia, ce pape qui eut plusieurs enfants naturels. Et il serait facile d'allonger la liste de ceux qui ont sali le visage de l'Eglise tout au long des siècles ; et cela, dès les premiers temps !
Quand je le peux, le dimanche matin, avant d'aller célébrer, j'aime bien suivre les émissions religieuses sur France-Culture. Ce matin, l'émission "orthodoxie" a fait allusion à Saint Grégoire de Naziance qui, en son temps, s'est fortement opposé aux turpitudes qui marquaient déjà l'Eglise, dès le IV° siècle. Je suis allé faire une recherche sur internet et, à l'article à son nom sur Wikipédia, dans les notes, en liens externes, j'ai trouvé, dans le "Discours sur le sacerdoce" de St Grégoire, des passages révélateurs que je vous cite à présent :
n° 69 - Nous connaissons les règles que l'apôtre Paul donnait aux évêques et aux prêtres ; il leur imposait le devoir d'être sobres, chastes, tempérants, d'une conduite si sainte et si irréprochable que les méchants même ne puissent les attaquer. Et cependant, il y en a qui sont bien éloignés de la perfection qu'ils exigent des autres.
n° 70 - Ce qui m'épouvante, ce sont les reproches que le Sauveur adresse aux scribes et aux pharisiens. Et nous, à qui le Seigneur a imposé le devoir de les surpasser en vertus et mérites, quelle ne sera pas notre honte si nous sommes trouvés plus vicieux encore, et si l'on peut nous appliquer tous les autres traits qui caractérisent les mauvais pasteurs. On peut nous appeler comme eux, à juste titre, des serpents, des races de vipères, des guides aveugles, des hypocrites, des vases embellis du dehors, mais au-dedans pleins de corruption.
n° 71 - Ces tristes pensées m'affligent et le jour et la nuit ; elles glacent mon coeur d'effroi et portent la terreur jusque dans la moelle de mes os ; elles abattent mon courage. Trop heureux si je puis, non pas corriger les autres - cette noble tâche exige une surabondance de vertu que je ne possède pas - mais éviter moi-même le poids de la colère de Dieu qui nous menace, et préserver mon âme de la contagion du vice.
n° 74 - Malheureux esclaves du péché, comment s'élever jusqu'aux choses éternelles et invisibles quand on est assujetti à la matière et aux sens ?
J'ai fortement résumé, vous vous en doutez, les paroles très claires de Grégoire. S'il a dit tout cela, c'est que ça devait déjà aller bien mal ! Pas besoin de faire de dessins... Si ces paroles sont si fortes, c'est qu'il fallait dénoncer le vice, déjà largement présent, au sein de la caste des évêques et des prêtres, dès le 4° siècle de notre ère. A l'époque où l'Eglise venait juste de trouver le droit de cité, grâce à l'intervention de l'empereur Constantin. Le désordre dans l'Eglise ne date pas d'aujourd'hui !
Pour la petite histoire, Grégoire (329-390), né en Cappadoce (au centre de la Turquie actuelle), était le fils d'un évêque. Il fut ordonné prêtre par son père (ce qui simplifiait les choses !). Consacré ensuite lui-même évêque - contre son gré - mais ne pouvant rejoindre l'évêché de Sasimes où il avait été affecté, à cause de l'opposition locale des Ariens, il resta auprès de son père - évêque - devenant ainsi le premier évêque auxiliaire de l'histoire de l'Eglise ! Plus tard, l'empereur Théodose 1° l'imposa comme évêque de Constantinople, car il avait reconnu en lui quelqu'un de droit et de clair, contrairement à tant d'autres... (pour la suite, consulter Wikipédia ! La vie de ce saint ressemble à une vrai roman d'aventures).
Un dernier exemple en terminant : en 381, Grégoire, toujours aussi interpellant quant aux déviations de la caste des évêques, écrit un discours virulent contre les membres du concile
de Constantinople par rapport à l'importance qu'ils accordent aux "apparences" :
Ainsi va l'histoire... de l'Eglise et du monde, jusqu'à aujourd'hui ; et ce n'est pas fini !« J'ignorais qu'il fallût rivaliser avec les consuls, les préfets et les généraux... J'ignorais qu'il me fallût prendre le bien des pauvres pour vivre dans le luxe et la bonne chère... et porter aux autels l'odeur des festins. J'ignorais qu'il fallût me montrer sur les chars... promener par la ville un grand train et forcer la foule craintive à se ranger des deux côtés de ma route, comme elle le fait au passage des bêtes !"
Comme nous le répétait souvent un professeur du grand séminaire de Luçon : "La barque de Pierre est conduite à coups de "gaffes" ; mais elle nous entraîne tout de même à Bon Port !"