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Vous avez des choses à dire...
Vous vous posez des questions, pour donner un sens à votre vie...
Vous cherchez un espace d'échange convivial pour exprimer ce que vous ressentez...
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...Alors, en réponse à vos attentes, Olivier Gaignet vous propose de vous exprimer librement.
Ici, tout pourra être dit dans les limites de la courtoisie et du respect mutuel.

Merci d'avance de votre participation.


Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



mardi 20 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2803 : Les loups sortiront de l'Ukraine !

     Nous avons tous souvenir, du moins les plus anciens, de cette fameuse chanson interprétée par Serge Reggiani : "Les loups sont entrés dans Paris".  (1967)
    Vous savez que cette chanson est considérée comme une allégorie de l'entrée de l'armée allemande dans Paris, et une ode à la résistance.
    En la réentendant par hasard il y a quelques jours, cette chanson m'a fait penser à l'invasion de l'Ukraine le 24 février, par des loups venus de l'Est lointain.
    Une invasion avec son cortège de sauvagerie et de haine bestiale, dans le froid terrible de l'hiver.
    Mais avec pourtant, en finale, cette invincible espérance : "les loups sont sortis de Paris".
    Tout cela a sans doute quelque chose à voir avec le mystère de Noël...
    Nous pourrons y penser lorsque, en écoutant la 1° lecture de la nuit de Noël, tirée d'Isaïe, nous entendrons ceci : "Les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés." (Isaïe 9/1-6)
     
    Les hommes avaient perdu le goût
    De vivre, et se foutaient de tout
    Leurs mères, leurs frangins, leurs nanas
    Pour eux c'était qu'du cinéma
    Le ciel redevenait sauvage,
    Le béton bouffait l'paysage... alors

    Les loups, ououh! ououououh!
    Les loups étaient loin de Paris
    En Croatie, en Germanie
    Les loups étaient loin de Paris
    J'aimais ton rire, charmante Elvire
    Les loups étaient loin de Paris.

    Mais ça fait cinquante lieues
    Dans une nuit à queue leu leu
    Dès que ça flaire une ripaille
    De morts sur un champ de bataille
    Dès que la peur hante les rues
    Les loups s'en viennent la nuit venue... alors

    Les loups, ououh! ououououh!
    Les loups ont regardé vers Paris
    De Croatie, de Germanie
    Les loups ont regardé vers Paris
    Tu peux sourire, charmante Elvire
    Les loups regardent vers Paris.

    Et v'là qu'il fit un rude hiver
    Cent congestions en fait divers
    Volets clos, on claquait des dents
    Même dans les beaux arrondissements
    Et personne n'osait plus le soir
    Affronter la neige des boulevards... alors

    Des loups ououh! ououououh!
    Des loups sont entrés dans Paris
    L'un par Issy, l'autre par Ivry
    Deux loups sont entrés dans Paris
    Ah tu peux rire, charmante Elvire
    Deux loups sont entrés dans Paris.

    Le premier n'avait plus qu'un oeil
    C'était un vieux mâle de Krivoï
    Il installa ses dix femelles
    Dans le maigre square de Grenelle
    Et nourrit ses deux cents petits
    Avec les enfants de Passy... alors

    Cent loups, ououh! ououououh!
    Cent loups sont entrés dans Paris
    Soit par Issy, soit par Ivry
    Cent loups sont entrés dans Paris
    Cessez de rire, charmante Elvire
    Cent loups sont entrés dans Paris.

    Le deuxième n'avait que trois pattes
    C'était un loup gris des Carpates
    Qu'on appelait Carêm'-Prenant
    Il fit faire gras à ses enfants
    Et leur offrit six ministères
    Et tous les gardiens des fourrières... alors

    Les loups ououh! ououououh!
    Les loups ont envahi Paris
    Soit par Issy, soit par Ivry
    Les loups ont envahi Paris
    Cessez de rire, charmante Elvire
    Les loups ont envahi Paris.

    Attirés par l'odeur du sang
    Il en vint des mille et des cents
    Faire carouss', liesse et bombance
    Dans ce foutu pays de France
    Jusqu'à c'que les hommes aient retrouvé
    L'amour et la fraternité.... alors

    Les loups ououh! ououououh!
    Les loups sont sortis de Paris
    Soit par Issy, soit par Ivry
    Les loups sont sortis de Paris
    Tu peux sourire, charmante Elvire
    Les loups sont sortis de Paris
    J'aime ton rire, charmante Elvire
    Les loups sont sortis de Paris...



dimanche 18 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2802 : Hanoukka, fête de la lumière, et de la victoire des faibles sur les forts

En ce dimanche, nos  amis Juifs célèbrent la fête de Hanoukka, qui va se poursuivre tous les jours de la semaine qui vient.  Ils se retrouvent ce soir à la synagogue des Sables d'Olonne pour l'allumage de la 1° bougie.  Puisque les Juifs sont nos frères aînés, il est important que nous soyons informés de leur histoire.  Je laisse la parole au bien connu rabbin Josy Einsenberg, qui saura vous expliquer mieux que moi de quoi il s'agit.

 

La fête de Hanoukka commémore la purification du Temple de Jérusalem, après sa profanation, en l’an 164 avant notre ère. Le mot hanoukka signifie en hébreu : dédicace ou inauguration.

Elle dure huit jours .

Origine historique

Dans la deuxième moitié du deuxième siècle avant notre ère, le roi de Syrie, Antiochus Epiphane, avait profané le Temple de Jérusalem pour le consacrer à Zeus, et interdit le culte juif.  Il s’en était suivi une révolte, menée par Juda Maccabée et ses frères, qui avait abouti à la reconquête du Temple et à sa dédicace. C’est ce que relatent les Livres des Maccabées, lus aujourd’hui en liturgie chrétienne sous le nom du Livre des Martyrs d’Israël. (cf. I Macc 4, 36-60)
Judas décida avec ses frères et toute l’assemblée d’Israël que les jours de la dédicace de l’autel seraient célébrés en leur temps chaque année pendant huit jours, à partir du 25 du mois de Kisleu, avec joie et allégresse. » ( I Macc 4, 59)

On en retrouve la mention dans le plus vieux document de Halakha (loi orale juive), « le rouleau des jeûnes » qui date apparemment de la fin du deuxième siècle avant l’ère chrétienne. Et aussi dans l’un des plus anciens textes liturgiques, « al hanissim » qui était toujours lu pendant les 8 jours de Hanoukka aux trois prières quotidiennes, ainsi que dans les bénédictions après le repas. Il y est question du miracle de la victoire militaire.

Vers la fin du deuxième siècle de l’ère chrétienne ou au début du troisième siècle, la légende de la fiole d’huile apparaît : « En pénétrant dans le Temple, les Maccabées n’auraient trouvé qu’une petite fiole  d’huile portant le sceau du Grand Prêtre, ce qui ne permettait d’allumer les lumières de la Menorah (grand chandelier à sept branches) que pendant une journée. Or, miraculeusement, cette huile dura les huit jours nécessaires à la confection d’une nouvelle provision d’huile sainte. »

D’où le rite de la lumière qui se développa et fit mettre l’accent sur le miracle de la Tora qui ne passera pas.

Le rituel aujourd’hui

Il consiste à allumer chaque jour, pendant les huit jours de la fête,  une hanoukkia ou chandelier à huit branches, plus une : le Shamash, le serviteur. On allume une première lumière le premier soir, puis deux le second et ainsi de suite jusqu’à huit, en prononçant  chaque fois la bénédiction suivante : « Sois loué, Éternel notre Dieu, roi de l’univers, qui nous a sanctifiés par tes commandements et nous a ordonné d’allumer les lampes de Hanoukka. » *
« Sois loué, Éternel notre Dieu, roi de l’univers, qui a autrefois fait des miracles en faveur de nos ancêtres à pareille époque »

La hanoukkia doit être placée sur un rebord de fenêtre, ou de façon à être visible de l’extérieur. Elle symbolise la victoire de la lumière (de la Tora) sur les ténèbres. C’est pourquoi, tout au long de la fête, on chante le grand Hallel, c’est-à-dire les Ps 113 à 118. On offre des cadeaux aux enfants et on joue à la toupie pour répondre à la question : quel grand miracle il y eut là-bas, ou ici si on est sur la terre d’Israël ?

Dans le Nouveau Testament

On trouve une allusion à la fête de Hanoukka dans l’évangile de Jean :  "On célébrait alors à Jérusalem la fête de la Dédicace ; c’était l’hiver " (Jn 10, 22)

Cette fête se célèbre toujours en décembre, aux alentours de la fête de Noël.  On ne peut donc manquer de faire le rapprochement sur le thème de la lumière qui triomphe des ténèbres. « La lumière brille dans les ténèbres » (Jn1,5)

Dans une lettre que Colette Kessler adressait à ses amis chrétiens en 2005, pour leur souhaiter un joyeux Noël, elle écrivait :  [1] "Avec le Shamash, la bougie serviteur, qui symbolise cette petite fiole d’huile bien cachée dans le Temple et qui a duré huit jours, on se souvient de cette victoire des faibles sur les forts, de cette pérennité de la Tora de génération en génération, avec ou sans le second Temple. …
Le miracle de Hanoukka, c’est le miracle de la permanence juive au service de la Tora malgré la profanation ou la destruction du Temple, malgré la dispersion, malgré les persécutions.
Le Ness, le miracle, c’est cette coïncidence dans le temps et l’espace entre le don de Dieu, la Présence permanente de Dieu pour le salut des hommes, et l’homme qui s’éveille et répond  à cette offre de Dieu."

[1] Colette Kessler, "Dieu caché, Dieu révélé, Essais sur le Judaïsme", Lethielleux, 2011, p. 53-54

*Dans  cette bénédiction comme dans beaucoup d’autres, on remarque le passage de la deuxième personne : « sois loué» à la troisième : « qui nous a sanctifiés ». Si cette formule grammaticalement incorrecte  a été maintenue, c’est que, pour le croyant, Dieu est à la fois proche (d’où le « tu ») et transcendant (d’où le  "il ")».

  La source de vie : Hanoucca
 FRANCE 2 dimanche 10 décembre 2017 : Rav. Josy Eisenberg

vendredi 16 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2801 : Entre Juifs et Chrétiens, divergences antiques et retrouvailles (7 - suite et fin)

 Les divergences entre judaïsme et christianisme, et le contact retrouvé aujourd’hui…

L’Eglise est née d’une division au sein du peuple juif.  Les écrits du nouveau testament portent les cicatrices de cette déchirure : par exemple en Actes 14/5 : « Païens et Juifs, avec leurs chefs, décidèrent de recourir à la violence et de lapider les apôtres. »

L’Evangile a d’abord été reçu par les Juifs, auxquels il était naturellement destiné.  Mais, par la suite, le refus d’un certain nombre d’entre eux va être douloureusement vécu par les premiers chrétiens, issus en nombre du monde « païen ». Actes 13/46 : « Paul et Barnabas eurent alors la hardiesse de déclarer : « C’est à vous d’abord que devait être adressée la parole de Dieu !  Puisque vous la repoussez, alors nous nous tournons vers les païens. »

Il y avait également la barrière de la circoncision : les non Juifs devaient-ils passer par la circoncision pour devenir chrétiens ?  Il y avait cette obligation faite à Abraham : « Dieu dit à Abraham : « Voici l’alliance que vous garderez : vous circoncirez votre chair, et ce sera le signe de l’alliance entre moi et vous…Celui qui n’aura pas été circoncis aura violé mon alliance. »  (Genèse 17/9-14)

 Ces divergences, cette déception vont marquer la mémoire collective du monde chrétien, et le fossé va se creuser entre Juifs et disciples du Christ.

Le péché suprême étant le refus du Messie en la personne de Jésus, le Juif sera assimilé au péché, et tous les Juifs considérés comme responsables de la mort de Jésus.  Cette accusation sera à la source de l’antisémitisme ; et alors, pendant près de 20 siècles, l’esprit chrétien sera façonné par ce que Jules Isaac a appelé « l’enseignement du mépris. »

Et pourtant, Jésus avait rendu un bel hommage au peuple juif en affirmant : « Le salut vient des Juifs ». (Jean 4/22)  Il faut également relire Paul disant, à propos de Jésus : «Avec les Juifs et les non Juifs, il a fait un seul peuple… Il a détruit le mur de la haine qui les séparait… Il a réuni les Juifs et les non Juifs en un seul corps… Par la croix, il a détruit la haine. »  (Ephésiens 2/14-16)

Mais il aura fallu attendre près de 2000 ans pour que l’Eglise sorte de son aveuglement, et qu’enfin, en 1997, Jean-Paul II reconnaisse qu’une lecture erronée des Evangiles, attribuant à TOUS les Juifs la condamnation à mort de Jésus, fut la cause de l’antisémitisme chrétien.

Cependant, s’il y a eu une certaine rupture entre Juifs et chrétiens, le lien généalogique ne s’est pas effacé, car Jean-Paul II a dit que les Juifs étaient nos « frères aînés », et Benoît XVI est allé plus loin en parlant d’eux comme de  nos « pères dans la foi ».

Voici, en terminant, une déclaration d’un certain nombre de rabbins orthodoxes d’Israël, d’Allemagne, des Etats-Unis, de France, de Suisse, de Serbie et de Finlande, publiée le 3 décembre 2015 : « A la suite de près de deux millénaires d’hostilité et d’aliénation mutuelles, nous, rabbins orthodoxes, cherchons à accomplir la volonté de notre Père du ciel en acceptant la main tendue par nos frères et sœurs chrétiens… Nous reconnaissons que le christianisme n’est ni un accident ni une erreur, mais un effet de la volonté divine et un don à l’humanité… Nous ne sommes plus des ennemis, mais des partenaires ; aucun de nous ne peut accomplir seul la mission de D. en ce monde… Nous, juifs et chrétiens, avons plus de points communs que de différences… En imitant D., juifs et chrétiens doivent offrir des modèles de service, d’amour inconditionnel et de sainteté…  Juifs et chrétiens demeureront attachés à l’Alliance en assumant ensemble un rôle actif dans la rédemption du monde. »

         Merci à vous, qui aurez eu le courage de parcourir l'ensemble de cette réflexion !

 

 

 

mercredi 14 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2800 : Pourquoi nombre de Juifs n'ont pas reconnu en Jésus le Messie attendu ? (6)

 Les historiens nous disent que Jésus fut un "épiphénomène" (un fait accessoire, secondaire) : à son époque, peu de Juifs ont entendu parler de Jésus.  Et il n’est pas apparu évident qu’il était le Messie, surtout que beaucoup attendaient un Messie qui allait les libérer de l’occupant romain et rétablir la royauté.

D’autre part, à l’époque de Jésus, de nombreux pseudo-messies se sont manifestés.  L’historien d’origine juive Flavius Josèphe  (38-100) a évoqué ce phénomène.  Comment les Juifs pouvaient-ils s'y retrouver entre toutes ces "manifestations" ?  Un discernement n'était-il pas difficile ?

Il faut prendre en compte aussi le souci de fidélité de nombreux Juifs à leur foi juive, qui constituait leur identité profonde.  Dieu leur avait tant apporté au cours des âges, à travers ses hauts-faits, ainsi que les exemples et les enseignements magnifiques d’Abraham, Moïse, David et les prophètes… D’autre part, pour la plupart des Juifs, le Messie devait arriver aux « temps messianiques » tels qu’ils sont définis dans l’ancien testament, et qui, du temps de Jésus, ne s’étaient pas encore réalisés : la victoire sur l’occupant, une ère de paix, le salut apporté aux nations.

Jésus lui-même a toujours adopté une attitude réservée par rapport au titre de « Messie », qu’il ne se donne jamais à lui-même.  Sans cesse, il s’évertue à purifier la conception messianique de ses disciples et de ses auditeurs juifs.  Tandis que les chrétiens croient que le Messie reviendra : « Venez divin Messie… » 

D'ailleurs, il est important  de souligner que l’attente chrétienne rejoint l’attente juive, d’une certaine façon, à ce niveau-là !

mardi 13 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2799 : Quelles sont les différences entre le judaïsme et le christianisme ? (5)

 

Lors de l'intervention à l'Aubépine, l'on m'a demandé quelles étaient les différences principales entre le judaïsme et le christianisme ;  en voici quelques-unes, parmi les principales.  A compléter !


.  pour les chrétiens, Dieu est trinité, ce qui, mal expliqué, peut être perçu comme idolâtre, comme si l’on adorait trois dieux, tandis que les Juifs revendiquent l’unité, l’unicité de Dieu.

.  par respect, les Juifs ne prononcent jamais le nom de Dieu, mais font référence à lui comme « Hashem », « le Nom », ou lorsqu’ils prient, avec Adonaï…

.  pour les chrétiens, Jésus est le messie, ce que les Juifs ne reconnaissent pas, étant donné que les temps messianiques ne sont pas encore arrivés.

.  parmi leurs textes sacrés, les chrétiens ont les textes du nouveau testament, en plus de l’ancien testament que les Juifs leur ont fait découvrir.

.  pour les chrétiens, les humains ne sont pas sauvés seulement par l’observation de la Loi, mais en premier lieu par leur foi en Dieu.

.  l’eucharistie, la communion au corps et au sang du Christ, ceci est totalement inconcevable pour les Juifs.

 .  et l'on pourrait parler aussi des sacrements, de la place donnée à la Vierge Marie, aux saints, etc... 


 L’on pourrait poursuivre cet inventaire des diversités !  Mais ce qui rassemble Juifs et chrétiens est malgré tout bien plus important que ce qui les différencie ; ainsi que le souligne le pape François, « nous avons en commun d’inestimables trésors spirituels, tandis que la promesse d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle nourrit notre espérance et notre engagement communs au service de l’avenir de l’humanité. » (déclaration faite le 22 novembre 2022 aux membres du Congrès juif mondial).

 


lundi 12 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2798 : Quoi de nouveau avec Jésus, par rapport au judaïsme ? (4)

 

La nouveauté de Jésus, qui fut un véritable « Rabbi » juif 

Ceci n'est qu'un trop bref résumé, faute de place et de temps...

Tout d'abord, soulignons que Jésus n’a pas eu le projet de fonder une nouvelle religion ;  il est resté fidèle à la religion juive jusqu’au bout.  Mais il a invité le peuple juif à ne pas en rester à une religion superficielle, extérieure ou trop légaliste.  Il a combattu l’hypocrisie et souhaité que l’on aille jusqu’au bout des exigences et des appels de la Loi ; et Jésus le montre en diverses occasions, comme avec la scène du bon Samaritain (Luc 10/29), ou par rapport à la femme pécheresse (Jean 8/1).

En effet, Jésus a invité le judaïsme à une purification profonde, refusé la figure du messie guerrier, et mis en valeur au contraire les images du messie prêtre offrant sa propre vie, du messie roi apportant avec lui un royaume d’amour (le lavement des pieds, Jean 13/2) ; et celle du messie prophète annonçant une bonne nouvelle et une libération pour tous ; et cela, avec l’esprit d’un sage (cf les Béatitudes, Matthieu 5), et aussi l’enseignement des paraboles : la paille et la poutre (Luc 6/37), la maison sur le roc (Matthieu 7/21),...

En outre, en s’incarnant parmi les hommes, Jésus a donné à voir le visage proche du Dieu unique, ce qui a été difficile à comprendre pour nombre de Juifs, bien que Jésus ait sans cesse essayé de faire saisir ceci : « Mon Père et moi, nous sommes un ». (Jean 10/30)  Mais, poursuit Jean (10/31) : « Les Juifs, à nouveau, ramassèrent des pierres pour lapider Jésus… 

Mais quand Jésus parle d’ « alliance nouvelle », il ne s’agit pas d’une 2° annonce, comme si la première avec Abraham était nulle et caduque ;  il s’agit en réalité d’une alliance « renouvelée », en la personne de Jésus, au moment de la Cène particulièrement, entre Dieu et son peuple :

.  Exode 24/8 : Moïse prit le sang des jeunes taureaux offerts en sacrifice, puis il dit : « Voici le sang de l’Alliance que Yahvé a conclue avec vous. »

.  Jérémie 31/31 :  « Voici que des jours viennent où je ferai avec la maison d’Israël une Alliance nouvelle. »

.  Luc 22/20 : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous. »

 Tout cela se situe bien dans une même continuité, ce qui unit encore aujourd'hui comme des frères, malgré leurs différences, et pourtant de la façon la plus profonde, juifs et chrétiens.

dimanche 11 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2797 : Jésus était-il juif, ou chrétien ? (3)


Jésus est né juif, et il est toujours resté fidèle au judaïsme

Jésus est né dans une famille juive depuis toujours.   Il est de la descendance d’Abraham (Matthieu 1).  Il a vu le jour sur la terre de ses origines, à Bethléem, le pays du roi David son ancêtre.  Il a bu le lait de sa mère juive.  Il a été circoncis le 8° jour (Luc 2/21), le jour où on lui a donné alors un nom juif : « Jésus ».  Il a été présenté au temple selon la coutume, par ses parents ((Luc 2/22).  Il a reçu une culture religieuse juive, comme le montre le fait qu’à 12 ans, au moment de sa « bar mitsva », il s’est trouvé en capacité de discuter avec les docteurs de la Loi au temple (Luc 2/46).  C’était un juif pratiquant.  Il a célébré le shabbat.  Il a observé la loi.  Il a porté le « talith », le châle de prière avec des franges. (Matthieu 9/20).  Il a enseigné dans les synagogues.  Il a commencé son ministère pastoral en citant Isaïe 61/20 : « L’Esprit du Seigneur est sur moi… »  Lors de la transfiguration, il était entouré de Moïse (la Loi) et Elie (les prophètes).  Il a donné sa lecture de la Torah (la Loi) dans l’esprit de Moïse et d’Elie.   On disait qu’il était un « Rabbi ».  Il a célébré les fêtes juives.  Il est mort dans la foi juive, en citant le psaume 22/2 : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » 

 Il n’a détourné personne de la foi juive.  Il a aimé le peuple juif plus que tout, il a guéri de nombreux malades, soulagé beaucoup de souffrances, pardonné nombre de fautes, donné tant d’espérance, etc.   

De plus, nombre des enseignements de Jésus sont émaillés de citations ou d’allusions tirées de l’ancien testament. D’ailleurs, dans l’ensemble du nouveau testament, il y a pas moins de 295 citations tirées de multiples livres de l’ancien testament. Et si l’on inclut les allusions manifestes à des textes de l’ancien testament, l’on trouve 613 exemples dans les textes du nouveau testament !

Le « Notre Père » par exemple, qui représente le sommet de la prière pour les chrétiens, il ne faut pas oublier que c'est une prière entièrement rabbinique, aux origines totalement juives.  Elle est un fruit merveilleux de la foi et de la prière juives de Jésus.

Quant au cantique de Marie, le « Magnificat » (Luc 1/46-55), il compte 102 mots, dont 62 sont empruntés à l’ancien testament : le cantique d’Anne en 1 Samuel 2/1-10, mais aussi Isaïe, Michée, et 5 psaumes…

 Impossible donc de gommer la judéité de Jésus, ni l’authenticité de son insertion au sein du peuple juif.

Et totalement ridicule de faire de Jésus le premier chrétien ! 

samedi 10 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2796 : La naissance de Jésus au coeur du peuple juif (2)

 

Voici une 2° partie, la suite de ce qui a été présenté sur le billet n° 2794  :

 

Il n'y a que deux textes des évangiles qui parlent de la naissance de Jésus !  Et pourtant...

.  Matthieu 1/25, en une phrase seulement : « …elle mit au monde un fils, et Joseph lui donna le nom de Jésus ».  Joseph agit ainsi suite à ce que l’ange lui a dit en songe, à travers une citation d’Isaïe 7/14.  Le nom de Jésus signifie : « Dieu sauve », en hébreu : tout un programme !

Quant à l’épisode des mages, il est imprégné de références bibliques : le songe de Joseph, l’étoile qui se déplace, les nations païennes qui sont invitées à rejoindre le Dieu fait homme, le tout illustré par une citation de Michée 5/1, déjà présentée ci-dessus, comme celle d'Isaïe 7/14.  Ce qui montre bien le lien et la continuité entre les prophéties de l'ancien testament et la réalité de la naissance de Jésus.

.  Luc 2/1-20 appuie sur le fait que Jésus est bien d’origine juive, et même royale, en faisant référence à la figure de David dans son annonce aux bergers, qui symbolisent le peuple juif de base : « Aujourd’hui, dans la ville de David (à Bethléem), vous est né un Sauveur ; c’est le Messie, le Seigneur » (Luc 2/11)  Ainsi que cela est signalé en Luc 2/4 : « Joseph était de la descendance de David. »

Dans ces deux récits, les éléments merveilleux (le songe de Joseph, la présence des anges, la lumière, l’étoile qui se déplace…) sont une façon de suggérer, d’évoquer ce qui est ineffable, ce que l’on ne peut pas expliquer.  Cela nous permet d’entrer dans une réalité qu’aucun autre mode d’expression ne peut faire surgir.  Et ceci pour témoigner, dès la naissance de Jésus, de la victoire de la lumière sur les ténèbres, comme cela était déjà annoncé :

.  en Isaïe 9/1 : "Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière.  Sur ceux qui habitaient dans l'ombre de la mort, une lumière a resplendi."  (1° lecture dans la nuit de Noël)

.  et aussi en Isaïe 60/1-4 : « Alors que les peuples sont dans le brouillard,…les nations marchent vers ta lumière. ».   

Le merveilleux, comme cadre des interventions de Yahvé, c’est tout à fait commun dans la culture juive d’alors.

         à suivre...

 

 


vendredi 9 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2795 : "Frères évêques, écoutez vos prêtres !"

 Mardi, en rencontre du MCR (Mouvement Chrétien des Retraités) du doyenné, à Longeville-sur-Mer, l'une des responsables de ce mouvement, Martine, nous a communiqué l'article ci-dessous qu'elle avait repéré dans le journal "Le Monde" daté du 21 novembre dernier.

Article rédigé par Jean L'Hour, prêtre des MEP, (Missions Etrangères de Paris), exégète, ancien professeur dans un grand séminaire en Malaisie.


 "Chers frères évêques de l'Eglise de France, votre parole n'est plus audible, écoutez vos prêtres !

 « Vous aurez beau entendre, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder,
vous ne verrez pas. Car le cœur de ce peuple s’est épaissi : ils sont devenus durs
d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour ne pas voir de leurs yeux, pour ne pas
entendre de leurs oreilles, ne pas comprendre avec leur cœur, et pour ne pas se
convertir. »
(Evangile de Matthieu, 14-15)

 
Chers frères évêques de l’Eglise de France, c’est avec colère et indignation, mais
aussi avec affection, que moi, prêtre, je vous adresse cette lettre. Voilà des mois,
des années, que vos silences et le seul souci de votre honorabilité couvrent
d’innombrables turpitudes au cœur même de notre communauté chrétienne, et
jusque chez nos plus hauts responsables. Réveillez-vous, je vous en prie, ouvrez
les yeux et voyez, tendez l’oreille et entendez ! La communauté dont vous avez la
charge est comme un troupeau sans pasteur. Votre parole n’est plus audible.

 
Parmi vos brebis, il en est qui tristement s’éloignent, d’autres qui cherchent à se
réfugier dans un passé révolu. Et, pendant ce temps, l’Evangile de Jésus-Christ
n’est pas proclamé, la bonne nouvelle de Dieu pour le monde n’est plus
entendue ! Nombreux encore, heureusement, sont les témoins de Jésus qui, dans
la discrétion de leur vie quotidienne, maintiennent le flambeau. Je vous en prie,
ne les découragez pas !

 
Comme Jean-Baptiste, commencez par vous dépouiller de tous vos oripeaux, ces
reliques d’un temps pas si lointain où l’Eglise faisait peser son pouvoir sur nos
sociétés. L’image encore toute récente de votre assemblée à Lourdes, avec vos
mitres, vos chasubles, vos bagues, vos crosses, est par elle-même un contre-
témoignage qui fait injure à la pauvreté de Jésus aussi bien qu’à sa préférence
pour les pauvres.

 La même image, sans laïcs et surtout sans femmes, est aussi une
injure faite à toute la communauté chrétienne. Vous la dominez, vous prétendez
parler en son nom, mais vous ne la représentez pas. Et pourtant, sans ces
bataillons d’hommes et de femmes que vous maintenez en bas de l’autel, que
serait notre Eglise aujourd’hui ?

Il ne suffit plus, chers frères évêques, de vous rouler dans la cendre en demandant
pardon, de prendre des mesures canoniques supposées adéquates aux maux que
vous voulez guérir. Il ne suffit plus de nous dire une fois encore que désormais les
choses vont changer radicalement, que votre parole sera transparente. Il ne suffit
plus de faire appel à des experts, psychologues, thérapeutes, conseillers en
communication, juristes...

 Il ne suffit même plus de prier. Tout cela, il fallait le
faire, et c’est déjà un pas important, mais c’est encore gravement insuffisant, car
vous ne vous attaquez là qu’aux symptômes du mal, non à ses causes profondes.
Moyennant quoi vos remèdes ne sont que des cataplasmes sur un corps qui reste
gravement malade.

 Le mal « systémique » bien diagnostiqué par le rapport Sauvé [2021], dont souffre
notre Eglise, est profond, en effet. N’a-t-il pas sa source dans la sacralisation du
sacerdoce qui place évêques et prêtres au-dessus du peuple ? N’a-t-il pas sa source
dans le renvoi des femmes à l’étage du dessous, relégation héritée des sociétés
patriarcales ? N’a-t-il pas aussi sa source dans une peur viscérale de la sexualité
perçue comme un danger dont il faut surtout se garder en tenant les femmes à
distance ?

Sacralisé, le prêtre est intouchable pour les personnes vulnérables que sont les
enfants, les handicapés ou, tout bonnement, les simples croyants. Cependant, la
sacralisation de son état, et non seulement de son ministère, emprisonne le
prêtre lui-même, qui demeure avant tout un être humain avec toutes ses facultés,
ses désirs et ses pulsions.

 Chers frères évêques, regardez vos prêtres, écoutez-les,
ayez pitié d’eux, ayez pitié de vous-mêmes et reconnaissons que nous sommes
tous de simples êtres humains. Que l’esprit de Jésus-Christ vous éclaire et vous
donne l’audace d’inventer un nouveau ministère sacerdotal, non plus celui d’une
caste lévitique à part du peuple, mais celui d’un service au sein de ce peuple.

 
Veuillez, chers frères évêques, entendre mon cri qui est aussi celui de beaucoup
d’autres frères et sœurs, je vous le demande au nom de Celui qui est venu nous
libérer afin que nous vivions. Veuillez croire aussi à mon affection et à ma prière
fraternelles.

jeudi 8 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2794 : L'annonce d'un Sauveur (1)

 Ce jeudi matin, je suis allé rencontrer une soixantaine de futurs professeurs de l'Enseignement catholique de Vendée, à l'Institut l'Aubépine, à la Roche-sur-Yon.  Leurs responsables m'avaient demandé de leur parler de Jésus, le Messie-Sauveur.  Je ne vais pas vous donner aujourd'hui l'ensemble du topo que j'ai présenté, ce serait trop long et imbuvable. Mais je vais vous en partager chacun des points, jour après jour, tout au long de la semaine qui vient.    Ce sera une façon de nous aider à réfléchir au mystère de Noël !

 

Introduction

Jésus est né juif.  Impossible de saisir les origines et la profondeur de son message si l’on ne prend pas en compte ses origines juives. Jésus est le fruit d’une attente et d’une histoire. Voilà pourquoi un chrétien, s’il veut comprendre sa foi, doit se référer à l’héritage de l’ancien testament ; sinon, il risque de passer à côté du sens profond du message de Jésus.  Car c’est des Juifs que nous est venue la connaissance de Dieu.

 

L’annonce d’un Sauveur est présente tout au long de l’histoire du peuple juif

Le mot « messie », qui signifie « celui qui a reçu l’onction », « le béni de Dieu », apparaît une cinquantaine de fois dans les textes de l’ancien testament, dans des correspondances très frappantes :

.  par exemple, en ce qui concerne sa naissance, en Isaïe 7/14 : « Une vierge sera enceinte, elle mettra au monde un fils et l’appellera Emmanuel », ou en Michée 5/1 : « Bethléem, c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple. »

.  ou encore, pour le présenter dans son rapport avec le peuple, en Zacharie 9/9 : « Réjouis-toi, fille de Jérusalem, voici ton roi qui vient à toi, monté sur un âne… »

.   sa passion est déjà évoquée en Isaïe 53 : « On le maltraitait, mais il n’ouvrait pas la bouche… » (Is 53/7), mais aussi sa mort, dans le psaume 22/17-19 : « Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils se partagent mes vêtements… »

 

La Bible présente, dans de nombreux passages, divers visages, d’ailleurs assez différents, du messie attendu :

.  le messie-prêtre : celui qui s’offre en sacrifice et invite à la sainteté, Lévitique 19/2 : « Soyez saints car moi je suis saint. »

. le messie-roi :

. soit le roi-serviteur, le roi-berger,en Isaïe 42 : « Voici mon serviteur.  Il n’élève pas la voix… Il ouvre les yeux des aveugles… » »

. soit le roi-guerrier, en Isaïe 42/13 : Le voici qui lance le cri de guerre et rugit, puis il fond sur ses ennemis. » 

.  le messie-prophète, celui qui annonce les temps nouveaux ; car sont décrits déjà, dans les Ecritures, les temps messianiques espérés, en Isaïe 9/3 : « Le peuple qui marchait dans la nuit a vu une grande lumière » ;  mais aussi, en Isaïe 11/1-10 : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé…, le loup habitera avec l’agneau… ».

 

dimanche 4 décembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2793 : "Le loup habitera avec l'agneau !!!" (Isaïe 11/6)

Voici l'homélie que j'ai partagée ce matin en la chapelle Notre-Dame de Bourgenay.

Avant que se fasse la 1° lecture, je vous ai invités tout à l’heure à écouter avec attention cette prophétie d’Isaïe dans laquelle il nous est annoncé qu’un jour, « le loup habitera avec l’agneau », tandis que « le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra.»  J’entends encore la réaction de ce paroissien me rétorquant : « Alors là, c’est pas demain la veille. »  Il est vrai que, quand on sonde les Français, la plupart considèrent que leurs enfants vivront moins bien qu’eux, et que la situation du monde, contrairement à ce que prédit Isaïe, va de plus en plus se dégrader.  Alors, est-ce que c’est tweeter et ses mauvaises nouvelles, cinq fois plus nombreuses que les bonnes, qui vont l’emporter sur le message d’espérance de Noël ?  Ces versets d’Isaïe ne sont-ils qu’une sorte de conte de fées, un genre d’opium pour nous aider à tourner le dos aux misères de ce monde, une proposition totalement irréaliste ?

Et si au contraire, le tableau idyllique qu’Isaïe nous décrit, c’était le projet de Dieu sur le monde, une sorte de préfiguration de l’avenir que Dieu veut pour notre humanité ? J’en veux pour preuve les exemples suivants :

.  page 7 dans le « Ouest-France » d’hier, l’on  nous présente Ernest, de nationalité russe, plusieurs fois emprisonné pour ses gestes de contestation, et qui, pour éviter le pire, s’est résolu à fuir son pays. A Nantes où il s’est réfugié, en tant qu’avocat de profession, lui-même demandeur d’asile, il apporte à présent un soutien juridique aux exilés ukrainiens.  Dans la douleur, ne reste-t-il pas des signes d’espérance ?  A travers le geste d’Ernest, la fraternité entre le peuple ukrainien et le peuple russe témoigne d’une possible espérance, de l’avancée vers  un monde nouveau : Noël est déjà là !

.  autre fait : quand j’étais curé des Sables, un père de famille, brouillé avec ses enfants, dont il se sentait incompris,  réalisant que cette attitude était en train de détruire sa famille, vint me voir un jour pour se confesser et me déclara ceci : « Désormais, avec l’aide de Dieu, je m’engage à rendre le bien pour le mal. »  Cette personne est décédée récemment, et je sais que, durant toutes ces années, ce monsieur a tenu sa promesse devant Dieu. Quant à moi, je trouve toujours aussi incroyable que le loup puisse apprendre à vivre avec l’agneau. Mais n’est-ce pas ce que Dieu nous a promis ? C’est le projet de Dieu tel que nous l’a décrit Isaïe…

.  lorsque, en 1963, le pasteur M-L King déclara : « Je rêve qu’un jour, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité », savez-vous que ce discours célèbre est directement inspiré de ces verset d’Isaïe que nous venons d’entendre ?  Etait-ce seulement un rêve, un conte de fées totalement irréaliste ?  Non ! Et même si c’est bien insuffisant, les choses ont bougé un peu, aux Etats-Unis.

.  ce jeudi, les députés ont voté à l’unanimité une proposition de loi visant à améliorer la retraite de plus d’1,2 million agriculteurs. Ceci n’est-il pas le signe d’une avancée en faveur de l’égalité entre tous les citoyens ?

.  un dernier fait : c’est aujourd’hui la messe du souvenir pour Soeur Marie-Francine, Michel Chaillou et Guy Baty.  Durant le temps de sa maladie, Soeur Marie-Francine s’est battue contre les loups de la maladie et de la mort ; ni les vipères du désespoir, ni les cobras de la tristesse n’ont eu raison de son espérance !  Quant à Guy, je ne suis pas prêt d’oublier le sourire et la joie qui illuminaient son visage lorsqu’il participait à la messe à la maison de retraite du Havre, comme s’il était déjà au ciel ! Au Havre alors, le monde nouveau était déjà là !  Michel, en ce qui le concerne, s'est toujours montré comme quelqu'un d'accueillant, d'ouvert et de bienveillant.  Est-ce que ce n'est pas cela, "préparer les chemins du Seigneur", comme nous y invitait Isaïe dans l'évangile à l'instant ?

En conclusion, et si, à notre niveau, nous arrêtions de donner un pouvoir trop grand aux forces de la mort, et une attention trop forte à ce qui va mal en notre monde ?  Et si au contraire, nous nous engagions nous aussi, même à notre tout petit niveau, à faire advenir - c’est cela, le sens du mot «Avent »  -  un petit peu de ce monde nouveau prédit par Isaïe ?  En ne nous laissant pas dévorer par les mauvaises nouvelles, et en oeuvrant, en famille, dans notre milieu de vie, contre l’injustice, la misère, la maladie, la haine, la mort. Comme par le biais du Secours catholique, du Téléthon ou de tant d’autres associations au service des autres, auxquelles nous  participons ou cotisons. C’est à cela que nous invite le texte d’Isaïe, qui est un bel hymne à l’espoir !

Pour en arriver à cette grâce, à nous de reprendre en ces jours ce beau refrain du psalmiste que nous avons chanté après la lecture du texte d’Isaïe : « En ces jours-là fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des temps ! »      Qu’il en soit ainsi !        Amen !

mardi 29 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2792 : "Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez !" (Luc 10/23)

 Comme lors de chaque messe en la belle chapelle de Bourgenay, ce mardi matin, j'ai partagé quelques brèves réflexions autour des lectures de ce jour.  Avec beaucoup de bonheur aujourd'hui. En effet, relativement souvent, dans les évangiles, l'on entend Jésus exprimer ses déceptions : de ne pas être compris, d'être chagriné de l'attitude peureuse ou mesquine des uns et des autres ; on le voit même pleurer sur Jérusalem, supplier ses disciples de mieux le comprendre...

Par contre, l'évangile de ce jour commence par nous dire que "Jésus exulta de joie, sous l'action de l'Esprit-Saint."  Il vient d'accueillir les 72 disciples, qu'il avait envoyés en mission, quand "ils revinrent dans la joie, disant : "Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom." (Luc 10/17)

En cette période, où nous voyons surtout ce qui ne va pas, tant dans le monde que dans l'Eglise, une telle page d'Evangile nous fait grand bien !  En effet, après avoir pleuré sur nos péchés et ceux des autres, prenons-nous aussi le temps de regarder ce qui bouge, ce qui avance, ce qui grandit ?  En effet, comme le disait un ancien président des évêques de France, Mgr Duval, archevêque de Rouen : "Les pessimistes ne sont pas des modèles évangéliques !"  De la même façon, je cite souvent cette remarque impressionnante de vérité de Georges Bernanos : "Les chrétiens tristes sont des imposteurs !"

D'où le bien que nous fait cette magnifique béatitude citée dans l'évangile de ce jour : "Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez !"  Car à tous, il nous est donné de voir de belles choses, sans cesse, et, sans aller chercher au loin, déjà, tout près de nous.

Ainsi, quel bonheur d'avoir rencontré des personnes heureuses de leur messe de dimanche dernier, à St Pierre de Talmont, messe admirablement animée avec l'harmonie de la commune.  Enfin une messe joyeuse et festive !

Et toutes ces personnes qui, sans cesse, chaque jour, même par temps gris, viennent visiter notre chapelle de Bourgenay, s'incliner devant Notre-Dame de l'Espérance, allumer une bougie en faisant un signe de croix ; et parfois, en laissant un mot, une prière, sur le cahier d'intentions. 

Mimi, présente ce matin, nous a dit alors, au moment de l'homélie, combien elle avait trouvé très beau le climat de la célébration, lors de la cérémonie de sépulture de son époux Guy, pas plus tard que jeudi dernier.

On pourrait évoquer aussi cette paroissienne, qui a le souci, chaque semaine, de consacrer un après-midi, avec deux autres copines, pour aller passer un moment et jouer aux cartes avec une amie, isolée, et qui ne peut plus se déplacer.

Et il y avait la soirée de préparation au baptême vendredi dernier, avec les catéchumènes de notre paroisse, dont l'une participait à notre eucharistie ce matin.

C'est aussi cela, l'Eglise, qu'il nous faut voir, et savoir apprécier...  Quel malheur ce serait en effet, de ne repérer que ce qui est en train de s'écrouler...

Halte aux "cathos grognons", comme aime à les qualifier le philosophe Denis Moreau.

Et une petite réflexion pleine d'humour de l'écrivain Patrick Kéchichian en terminant : "Pourquoi chercher à faire bonne figure quand on a la gueule tordue ?  On pris avec ce qu'on est, avec ce qu'on a, même si ce n'est rien !"

samedi 26 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2791 : A propos de la démarche de Gad Elmaleh...

 A propos de Gad Elmaleh, tous les Juifs ne le suivent pas sur son chemin spirituel.


En mettant en scène dans « Reste un peu » sa proximité avec le catholicisme, le comédien réveille la sensibilité douloureuse du judaïsme aux conversions, héritée de l’histoire.

Par Pierre Jova, publié le 25/11/202. P. Jova est journaliste à "La Vie", "Le Monde", "Le Figaro", "Famille Chrétienne"...

Dans l’enthousiasme médiatique qui accompagne la sortie du film Reste un peu, où Gad Elmaleh met en scène son attrait pour le catholicisme, des voix n’ont pas été entendues : celles de la communauté juive francophone. Cette dernière, estimée à 500 000 personnes en France et quelque 300 000 en Israël, est très composite, même si la population séfarade, traditionaliste et d’origine nord-africaine, y est devenue majoritaire depuis la Seconde Guerre mondiale et l’exil des pieds-noirs d’Algérie. Elle a donc réagi diversement au « coming out » d’une de ses figures les plus populaires, née au Maroc et ayant étudié le Talmud dans une yeshiva, un établissement d’enseignement supérieur religieux.

Certains prennent le parti d’en rire, comme le site satirique Chlomo Hebdo : « Gad Elmaleh est tombé amoureux de la Vierge Marie. Qu’un juif s’extasie devant une mère juive et vierge ne devrait étonner personne. » D’autres, comme la chaîne israélienne francophone i24NEWS ou le média de divertissement JewBuzz, traitent le sujet avec curiosité et bienveillance. Néanmoins, ailleurs, une sourde réprobation mêlée de tristesse entoure la promotion du film.

Le souvenir des conversions au Moyen Âge

« Qu’un humoriste se sente attiré par la Vierge Marie et le catholicisme, c’est son problème, mais que cela prenne une telle ampleur dans les médias est plus gênant », écrit dans Actualité juive le rabbin Mikaël Journo, aumônier général israélite des hôpitaux de France, et candidat malheureux à l’élection du Grand Rabbinat en 2021. « Troquer les colères et les commandements de l’Éternel (la glorieuse intransigeance de l’Ancien Testament) pour la prosodie toute mollassonne des Évangiles, c’est comme de renoncer à la viande pour s’enamourer de tofu », glose sur Slate le journaliste Laurent Sagalovitsch, dans un billet au titre assassin : « Et Gad Elmaleh devint Goy Elmaleh » (le mot « goy » désigne un non-juif).

Sans surprise, les coups les plus durs sont venus de rabbins orthodoxes. Sur YouTube, le rav (rabbin érudit) israélo-suisse Ron Chaya, suivi par 50 000 abonnés, met en garde contre « le danger spirituel » que représenterait Reste un peu, sans l’avoir vu : « Ce film, sous prétexte d’une comédie familiale, diffuse des idées à l’opposé de la loi juive et de la pensée juive. » De son côté, le rabbin franco-israélien David Touitou, habitué aux déclarations polémiques, interpelle le comédien du haut de ses 25 000 abonnés : « Tu veux déstabiliser la foi juive qui a été la garantie de notre existence jusqu’ici. »

Les catholiques l’ignorent ou l’ont oublié, mais Gad Elmaleh et son film heurtent de plein fouet la sensibilité à fleur de peau de la communauté juive à l’égard des conversions au christianisme. « Nous avons l’impression d’être ramenés aux disputatio du Moyen Âge ! », s’exclame spontanément un rabbin parisien anonyme : notre interlocuteur fait référence aux débats théologiques se tenant à Paris en 1240, Barcelone en 1263 et Tortosa en 1414, qui virent des juifs convertis au christianisme faire le procès de leurs anciens coreligionnaires, sommés de reconnaître en Jésus le Messie.

À l’issue de ces confrontations iniques, 10 000 volumes du Talmud furent brûlés à Paris en place de Grève, de nombreux juifs furent obligés de se convertir et la disputatio de Tortosa préfigure le décret de l’Alhambra, signé par les rois catholiques d’Espagne en 1492, ordonnant l’expulsion des juifs de la péninsule. Dans la mémoire israélite, ces faits sont aussi brûlants que s’ils avaient eu lieu il y a un demi-siècle.

Une corde sensible chez les juifs

« C’est clair que cela réveille quelque chose de très douloureux », abonde le rabbin Rivon Krygier, de la communauté Adath Shalom, à Paris. « Dans toute relation humaine, il faut remettre les événements dans l’histoire, les traumatismes, le contexte. Or, nous touchons là une corde sensible, qui rappelle la vieille oppression menée contre le peuple juif pour le convertir. Les acteurs sont les héros de la société moderne, beaucoup plus que les penseurs : leurs choix personnels prennent donc une dimension symbolique et affective. »

Rattaché au judaïsme massorti (« traditionnel »), qui se distingue des courants orthodoxe et libéral en empruntant à la modernité tout en conservant un fort attachement à la Halakha (« loi »), le rabbin est engagé dans le dialogue judéo-chrétien. En 2010, il a tenu une des conférences de carême à Notre-Dame de Paris, au grand déplaisir des catholiques intégristes. Son propos se veut mesuré : « Dans une société pluraliste, chacun doit être libre de choisir sa confession. De ce point de vue, il faut respecter la conscience individuelle. Mais il est normal que les juifs rappellent à d’autres juifs le devoir de mémoire et de fidélité à notre vocation. »

Par ailleurs, Rivon Krygier souligne la dissymétrie entre le judaïsme, comptant environ 15 millions de personnes dans le monde, dont 7 millions en Israël, et le christianisme, rassemblant plus de 2,6 milliards de croyants, dont 1,3 milliard de catholiques. « Le rapport de force n’est pas le même ! Le peuple juif est une petite minorité. Il y a un sentiment commun de rester vigilant pour perpétuer cette identité. »

Cette crainte de s’éteindre permet d’éclairer la stupeur de Jean-Pierre Elkabbach face à Véronique Lévy, sœur de Bernard-Henri Lévy et devenue catholique, dans une émission de 2015 sur Public Sénat : « Il vaut mieux pour les juifs que leur destinée ne soit pas de se fondre dans des conversions qui les fassent disparaître, pire que d’autres ont essayé de le faire », s’était ému le journaliste.

À la fois religion et communauté ethnique et culturelle

Selon la théologie juive, la conversion à une autre confession n’a aucun effet sur la judéité. « Si quelqu’un est né juif, il reste juif toute sa vie. Il ne peut pas le changer, il peut seulement rendre sa vie plus compliquée », répondit Menachem Mendel Schneerson, chef spirituel du mouvement loubavitch, au peintre Daniel Lifschitz, qui lui faisait part avec enthousiasme de sa conversion au catholicisme. « Si quelqu’un pense de sa maladie que c’est une chose saine, c’est seulement le signe que sa maladie est plus aiguë », sermonna durement le rabbin, dans une vidéo sans doute tournée à la fin des années 1980 et qui a été exhumée par les réseaux orthodoxes à la faveur de la sortie du film de Gad Elmaleh.

Les juifs qui devenaient chrétiens étaient mis au ban de la vie communautaire, et les plus radicaux ont conservé cette approche. De même, les mariages mixtes sont découragés par les juifs observants. Le malentendu entre juifs et chrétiens réside notamment dans le fait que le judaïsme, outre sa foi, est une communauté ethnique et culturelle, soudée par une tradition plurimillénaire, là où le christianisme valorise l’adhésion personnelle au Christ.

Cette complexité a permis à plusieurs convertis de continuer à se reconnaître dans l’histoire et les traditions du peuple juif, comme Aron Jean-Marie Lustiger. Disparu en 2007, le cardinal de Paris était parvenu à gagner l’estime de nombreux responsables juifs. Il est l’inspiration avouée de l’ancien rabbin orthodoxe devenu catholique Jean-Marie Élie Setbon, auteur du livre De la kippa à la croix (Salvator, 2013), dont le ton polémique choqua certains lecteurs, et de Gad Elmaleh, qui achève son film par les mots du prélat : « J’ai estimé que je devenais juif parce qu’en embrassant le christianisme, je découvrais enfin les valeurs du judaïsme, bien loin de les renier. »

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Dans la douloureuse histoire juive européenne, les conversions au christianisme furent nombreuses au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle. « C’était la période de l’émancipation, rappelle Rivon Krygier. Beaucoup ont adopté la religion ambiante, qui a façonné la culture occidentale pour entrer dans les sphères intellectuelles et culturelles. »

Cependant, lors de la Shoah, beaucoup de convertis furent traités comme les juifs : le poète français Max Jacob et la carmélite d’origine allemande Edith Stein moururent en déportation. De quoi persuader de nombreux juifs que se convertir est vain, en plus de les arracher à leur identité.

L’affaire Finaly, après la Seconde Guerre mondiale, est un autre traumatisme pour les Juifs français : deux enfants, Robert et Gérald Finaly, dont les parents ont disparu à Auschwitz, sont mis à l’abri en 1943 par une institution catholique pour les sauver du même sort. Une personne les recueille, et, refusant de les rendre à leurs tantes en 1945, les fait baptiser en 1948. Après avoir été dissimulés par la congrégation Notre-Dame de Sion, fondée par les frères Ratisbonne, juifs alsaciens convertis, les enfants sont rendus à leur famille en 1953.

D’autres cas sont encore plus complexes. On connaît bien celui d’Aron Lustiger, caché à Orléans par la directrice d’un établissement catholique, qui demande le baptême en 1940, à l’âge de 14 ans, malgré le désaveu de ses parents. On connaît moins celui de Jean-Jacques Francfort : né en 1931, ce jeune juif vivant à Metz est exfiltré en zone libre après l’arrestation de sa mère, entrée dans un réseau de résistance, et accueilli dans un milieu catholique. « Le curé pourtant pétainiste n’a jamais rien dit », témoigne sa petite-fille, Cécile.

À l’instar de tous les adolescents de son âge, il prépare sa première communion… tout en n’étant pas baptisé. « Mon grand-père vivait mal cette situation de mensonge, et il redoutait de commettre un sacrilège. Il a donc demandé à une autre enfant de le baptiser, sur un pont. Après la guerre, l’Église a jugé son baptême valide. De retour à Metz, on lui a dit qu’il avait l’âge de faire sa bar-mitsva (cérémonie d’entrée dans la majorité religieuse, ndlr), mais son père, juif pas très pratiquant, a répondu avec humour : “Il a donné à la concurrence. Ayant compris que sa maman ne reviendrait pas, il a demandé à la Vierge Marie de devenir sa mère." »

Jean-Jacques Francfort est mis au ban de sa communauté d’origine, et doit travailler dur pour payer ses études de médecine à Strasbourg. « Il a dû faire face à l’hostilité de certains médecins juifs, qui lui reprochaient sa conversion, et à la méfiance des catholiques, raconte sa petite-fille. Heureusement, il a fréquenté lors de ses études le groupe de jeunes de Pierre Bockel, prêtre résistant, où il a rencontré puis épousé ma grand-mère, une jeune veuve allemande catholique. » Ami de Lustiger, Jean-Jacques Francfort est décédé en 2009, et Cécile garde de cette épopée familiale une conscience profonde des racines juives du christianisme, qu’elle pratique avec ferveur.

Une palette de positions

L’État d’Israël né en 1948, tout en étant laïc et garantissant la liberté de culte, reprend cette mémoire douloureuse à son compte en encadrant strictement le prosélytisme chrétien. En 2020, la chaîne évangélique américaine GOD TV a été retirée des ondes israéliennes, de peur qu’elle ne diffuse un contenu chrétien aux spectateurs. Les juifs messianiques, convertis proches du protestantisme évangélique, sont parfois victimes d’agressions de la part de certains juifs ultraorthodoxes et militants nationalistes religieux.

En Israël comme en France, un usage répandu dans les milieux juifs traditionalistes consiste à ne pas mentionner le nom de Jésus. « Certains estiment qu’il y a un danger à le dire », note le rabbin Krygier, qui ne s’y retrouve pas : « C’est une stratégie un peu primaire de se confronter à l’autre, comme si on manquait soi-même de conviction ! »

Sur le plan théologique, le judaïsme a cependant connu une grande variété d’interprétations au sujet du christianisme, identifié, selon une certaine tradition exégétique, à la descendance d’Esaü, le frère brutal et désinvolte du patriarche Jacob. Même sous les pires persécutions, des sages médiévaux notaient que les chrétiens révèrent les enseignements de la Torah. Mais beaucoup ont conclu que cette confession est un culte « étranger », voire « idolâtre », à cause des images pieuses et de la croyance en la Trinité, et ont proscrit l’accès des juifs aux églises, contrairement aux mosquées. Enfant, Gad Elmaleh a bravé cet interdit en pénétrant dans une église catholique de Casablanca, qu’il désigne comme point de départ de sa quête spirituelle.

 « De nouveau, il y a une palette de positions, détaille Rivon Krygier : les plus radicaux vont dire qu’une église est un lieu idolâtre. Les religieux modernes ne voient pas le christianisme comme une idolâtrie mais comme un culte étranger, et qu’il n’y a aucun mal à s’intéresser à l’art et à l’architecture des églises. »

Passionné par les sources chrétiennes (textes des Pères de l’Église), le rabbin n’a pas hésité à se rendre aux funérailles du prêtre et théologien Jean Dujardin, apôtre du dialogue judéo-chrétien, en 2018. « Toutefois, un juif qui participerait activement au culte chrétien, ce n’est pas un acte indifférent. Je comprends qu’un chrétien puisse prier les psaumes dans une synagogue, puisque pour lui le judaïsme est le premier étage de la fusée ! Mais un juif qui prie le Christ, oui, il ne se renie. »

Conversions au judaïsme

Inquiet des conversions à d’autres confessions, le judaïsme ne ferme pas la porte aux croyants voulant le rejoindre. Conjoints de juifs, chrétiens subjugués par l’univers de la Torah ou individus en recherche, il y a toujours des adeptes pour prendre ce « sentier peu fréquenté », selon les mots de Didier Long, ancien moine bénédictin de l’abbaye Sainte-Marie-de-la-Pierre-qui-Vire, qui a vécu sa brit milah (cérémonie de circoncision) en 2016.

Pourtant, les conversions au judaïsme sont réputées difficiles et prennent plusieurs années, sauf chez les libéraux. « Il peut y avoir des conversions orthodoxes très expéditives, et des conversions libérales plus longues », nuance le rabbin massorti, rappelant que la conversion revient à intégrer le peuple juif, avant même de pratiquer tel ou tel rite, à la suite de Ruth la Moabite, citée dans la Bible : « Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu mon Dieu » (Ruth 1, 16). Dans la communauté de Rivon Krygier, des cours sur le judaïsme sont proposés au-delà des néophytes : « Il y a aussi des personnes qui ne veulent pas se convertir, et qui veulent découvrir le judaïsme ! Il y a aussi des juifs qui étudient à la Catho de Paris ou aux Bernardins ! »

En définitive, l’épisode Gad Elmaleh est-il un coup de pouce, ou un coup dur pour le dialogue judéo-chrétien ? Certains y voient un moment de vérité, désagréable pour les deux parties, telle Noémie Issan-Benchimol, philosophe juive française établie en Israël. « Je sais gré à Gad Elmaleh d’avoir mis le coup de pied dans la fourmilière », dit-elle dans un entretien au site d’éducation numérique juif Akadem. « Depuis Vatican II, il (le dialogue entre juifs et chrétiens) fonctionne, et plutôt bien, sur un non-dit, sur une décision commune de mettre certaines choses sous le tapis : les chrétiens renoncent à professer la conversion des juifs, et les juifs renoncent à la polémique antichrétienne, qui a pu être violente et grossière », explique-t-elle.

Le dialogue judéo-chrétien en question

Or, avec l’affaire Elmaleh, « on a l’impression que les juifs découvrent, face à la joie des chrétiens d’accueillir un nouveau converti juif célèbre, que le désir de conversion n’a pas complètement disparu ; et les chrétiens face aux réactions communautaristes ou réservées des Juifs découvrent que l’amitié n’est peut-être pas si profonde ».

Selon Rivon Krygier, le dialogue judéo-chrétien constitue un héritage à préserver. « Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, on peut s’écouter, se respecter et travailler ensemble ! C’est un vecteur d’humanisation qui reste d’une actualité brûlante, et qui peut avoir une incidence sur les autres spiritualités, notamment l’islam. C’est un enjeu important de civilisation, pour construire une spiritualité qui permet à la fois le respect des particularismes et la vision universaliste », plaide-t-il.

En 2023, le rabbin fêtera le vingtième anniversaire du groupe interreligieux Agir pour la fraternité, cofondé avec l’ancien journaliste de La Vie Laurent Grzybowski, qui rassemble, à l’échelle du XVe arrondissement de Paris, sa communauté, la paroisse catholique Saint-Léon, et une mosquée voisine. « Le fait d’être encadré dans un groupe désamorce la peur de se faire récupérer. Cela rassure et cela construit quand on est accompagné. »

De son côté, le jésuite Marc Rastoin, très investi dans les relations avec le judaïsme et critique de cinéma, d’abord méfiant devant le battage médiatique autour de Reste un peu, a signé une appréciation élogieuse du film sur son site personnel. « Il est très respectueux du judaïsme comme du catholicisme. Il est excellent pour montrer qu’une recherche “individuelle” n’est jamais que cela car on appartient toujours à une famille, un cercle d’amis, et que “changer de religion” (…) est toujours un tremblement de terre collectif et pas seulement personnel, souligne le prêtre cinéphile. Au-delà de son cas personnel, Gad invite au fond chacun à chercher, à laisser parler sa soif de métaphysique et de spiritualité. Il dit : “Chiche, cherchez, questionnez, dialoguez avec des interlocuteurs variés” : une attitude au fond très juive. » Gageons que l’audace du comédien permettra aux juifs et aux chrétiens de continuer à mieux se connaître et se fréquenter.