Cet après-midi, sépulture en l'église St Hilaire de Talmont de l'abbé Michel Bocquier. Je vous ai déjà parlé de lui dans mon billet précédent, daté d'avant-hier jeudi. Voici le texte de l'homélie que j'ai faite à cette occasion.
Frères et sœurs, quelle chance nous avons de nous retrouver, vous toutes et tous, parents et famille, femmes de l’ACF (de l’Action Catholique des Femmes), prêtres, religieuses, diacres, anciens paroissiens, proches et amis, autour de Michel, pour l’honorer, pour le fêter, pour l’accompagner dans cette rencontre fantastique avec son Dieu ! Tout en partageant collectivement notre douleur de le voir nous quitter. C’est en tout cela à la fois que, pour les croyants, doit consister le deuil, si l’on en croit les Ecritures. D’ailleurs, Freud, le fameux psy, ne disait-il pas, avec une intuition étonnante : « Faire le deuil, c’est tuer la mort » ?
Plusieurs m’ont dit avoir aimé la citation biblique, tirée du psaume 26, insérée dans l’avis d’obsèques paru jeudi sur « Ouest-France », je la rappelle : « J’en suis sûr, je verrai les bontés de Dieu. » Telle était en effet la conviction profonde de Michel ; c’est vers là qu’il allait !
Le geste tout à l’heure, de dépôt de l’étole sur sa personne, effectué par Emile et Jacques, ses grands amis prêtres, a symbolisé l’engagement profond de Michel comme prêtre, au service du Peuple de Dieu, femmes et hommes, pour l’éternité. Et on peut l’imaginer, accueilli par Marcel Neau son oncle, Olivier Maire, Louis Morandeau décédés récemment, et tant d’autres prêtres, chantant à présent, avec Claude Raffin comme maître de chœur dans la chorale des Vendéens du ciel : « Je m’avancerai jusqu’à l’autel de Dieu, la joie de ma jeunesse. »
Car, et c’est notre aspiration la plus profonde, si Michel vient de vivre un dur chemin de croix pour sa fin de vie, s’il vient de traverser la nuit, celle-ci n’a pu le retenir en son pouvoir. En effet, nous le croyons, il vient de tourner le dos à la nuit. Et ni la souffrance, ni la mort n’ont le pouvoir d’effacer, ni de réduire à néant la richesse, la fécondité d’une existence. Ainsi que le disait le poète Victor Hugo avec confiance : « Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la lumière ! »
Regardons ce qui s’est passé, à propos de ces dix jeunes femmes invitées aux noces. Epuisées, incertaines, rendus soucieuses par une longue attente, ayant même l’impression d’avoir été oubliées, elles aussi ont traversé une longue nuit ! Cependant, face aux ténèbres de cette terre, les unes ont gardé de quoi maintenir leur lampe allumée, tandis que d’autres n’ont pas eu ce même souci.
Cette scène d’Evangile était proposée à notre méditation dans la liturgie de la messe d’hier vendredi. Elle a été reprise pour cette cérémonie en guise de clin d’œil aux femmes de l’ACF ; ce mouvement dont Michel a été l’aumônier fidèle et apprécié durant de nombreuses années, de 1995 à 2005 sur notre diocèse, et comme aumônier national de 2005 à 2012.
Tout à l’heure, avant le dernier Au-Revoir, des femmes de l’ACF nous partageront comment elles et Michel ont su œuvrer ensemble, en complémentarité, pour permettre à d’innombrables femmes, en Vendée et sur toute la France, de garder leur lampe allumée, et d’aider à cheminer celles qui, moins dans la course, avaient plus de peine à avancer.
J’en arrive au choix de la 1° lecture, qui nous a été faite par Henri, celui qui a succédé à Michel comme aumônier national de l'ACF. Dans cette lettre adressée aux chrétiens de la ville de Thessalonique, 1° lecture également de la messe d’avant-hier jeudi, nous avons entendu Paul exprimer deux choses : d’une part, ses remerciements aux chrétiens qui l’ont soutenu, tandis que d’autre part, Paul leur fait l’assurance qu’il les porte dans sa prière. Telles sont deux des missions essentielles du prêtre en effet.
La première, savoir dire merci. Vous me permettrez cet exemple émouvant. La tante de Michel, Paulette, est parmi nous. C’est la sœur de Marcel Neau, bien connu de tous. Elle avait 8 ans seulement de plus que Michel. Michel aimait répéter que c’était elle qui lui avait appris à prier ; ainsi, dès l’âge de 4 ans, il connaissait déjà le Notre Père et le Je vous salue Marie, puis assez vite, le Je crois en Dieu. Tout cela appris en tournant l’écrémeuse, avec sa tante, qui n’avait que 11-12 ans. Michel apprenait très vite, se souvient-elle ; il la remerciait et lui disait que, « quand il récitait le Je crois en Dieu, il pensait à moi. »
Autre merci, à l’ACF. Ayant eu le privilège de vivre plusieurs années avec Michel, dans la même équipe de prêtres, sur la paroisse de Fontenay-le-Comte, je l’ai entendu maintes fois répéter combien était enrichissant pour lui le travail pastoral mené en lien avec l’ACF. Il disait, dans un éclat de rire émerveillé, que ces femmes avaient fait son éducation, et qu’il ne voyait plus de la même façon la vie de l’Eglise et du monde. L’Eglise, par exemple, lui semblait affreusement masculine, comme si on avait oublié que Jésus était pourtant né et offert au monde par une femme.
Pour paraphraser Martin-Luther King, on pourrait dire que Michel avait fait un rêve, le rêve d’une belle complémentarité, d’une plus grande égalité de responsabilité et de respect entre femmes et hommes, au sein de l’Eglise. Si je parle de cela, c’est parce que nous sommes le 28 août, et que c’est un 28 août que le pasteur Martin-Luther King a fait part au monde de son rêve d’égalité, le 28 août 1963, on en parlait aux infos ce matin, à Washington.
Et Michel tempêtait en se demandant pourquoi on n’offrait pas aux femmes la possibilité de prendre leur place spécifique, comme Jésus avait su le faire ! Pour toutes ces raisons, il savait les remercier de leur engagement.
Vous toutes et tous qui êtes ici, vous avez apprécié Michel ; vous l’avez soutenu, vous l’avez aimé. A votre tour, soyez remerciés car, comme le disait St Augustin, « Ce sont les bonnes brebis qui font les bons pasteurs ! » En tout cas, Michel entre au paradis par la porte que vous lui avez ouverte, grâce à votre façon de l’accompagner.
En tout cas, merci à tous les paroissiens de Michel ; partout où il est passé, me disait-on, il a laissé de bons souvenirs. Je me souviens de la qualité de ses homélies à Fontenay-le-Comte. Merci à ses amis prêtres, qui ont su le visiter, à Daniel, notre curé de Talmont, navré de ne pouvoir être des nôtres, avec lequel Michel a fait du ski de fond à diverses reprises.
Avec un merci tout spécial à ses frères, et à sa petite sœur Nicole, avec laquelle il a vécu tant de riches moments, et qui l’a tant écouté et fort soutenu ; qui lui a fait tant de bons petits plats, qui a beaucoup échangé avec lui, lui a donné la possibilité de se détendre, de vivre de belles vacances en famille aussi.
Car un prêtre, c’est d’abord un homme, ce que nombre de nos contemporains risquent parfois d’oublier, le réduisant à quelqu’un qui doit être parfait, un genre de personnage hors sol et hors sexe, quasi sacré. Alors que Michel était profondément humain. Il avait tant de cordes à son arc en effet : arbitre de pétanque, grand collectionneur de timbres - il en avait une quarantaine de classeurs - passionné par les fleurs, amateur de la pêche à pied, à Noirmoutier, à la palourde ou à la crevette, aimant la gaieté, très cultivé, etc.
A travers tout cela, Michel, et on en parlait ensemble, avait le souci de faire passer ce monde en Dieu, et Dieu en ce monde. Etait-il parfait ? Sûrement pas ! D’ailleurs, il n’aurait pas aimé ce qualificatif… Mais, ainsi que le disait Eric-Emmanuel Schmitt : « S’il n’y a pas de faille en nous, par où la lumière pourrait-elle passer ? »… Pour tout ce que tu nous as apporté, merci Michel !