Homélie du 28°
dimanche B - Longeville-sur-Mer - 10
octobre 2021
Il est très sympa, ce jeune homme
riche, vous ne trouvez pas ? La
preuve, c’est que, comme le signale St Marc, « Jésus posa son regard sur
lui, et il l’aima. » Pensez donc, c’est quelqu’un de bien : depuis sa
jeunesse, il observe tous les commandements ! Qui dit mieux ?
Mais il y a une petite inquiétude
en lui : « Maître, demande-t-il à Jésus, qu’est-ce que je dois faire
de plus pour aller au ciel ? »
Que manque-t-il à donc à ce bon croyant ? Doit-il allonger ses prières, multiplier les
petites aumônes, envoyer un chèque plus important au CCFD ?
Ce jeune homme, on pourrait
penser, d’après ce qu’il dit de lui-même, que c’était un bon citoyen, honnête,
travailleur. Il avait de grands biens, c’est sûr ; mais il avait beaucoup
trimé pour réussir financièrement, et sans exploiter qui que ce soit. De plus, c’était peut-être un bon voisin, un
bon paroissien à la synagogue ; et aussi, un bon mari et un bon père. En St Luc, on nous dit même que c’était un
chef religieux juif : en résumé, il avait un bon CV !
Mais voilà que Jésus, au lieu de
le féliciter, lui fait comprendre que tout cela ne suffit pas, et qu’il doit
faire plus encore ; et quoi donc ? Pas moins que de vendre tous ses
biens et le suivre ! Ah mais là,
Jésus, tu exagères ! Espérons quand
même que tu n’en attends pas autant de nous ! Car alors, cela pourrait nous empêcher de
dormir durant le reste de cette messe !
Impossible cependant d’y
échapper ! Car c’est bien à chacun de nous, qui sommes de bons citoyens,
de bons paroissiens, de braves gens en somme, qu’à travers cet exemple, Jésus vient
rappeler qu’on ne peut marcher à sa suite si l’on reste encombré de lourds
bagages. Or, qu’est-ce qui peut bien m’alourdir
et me ralentir dans ma vie de prêtre, de chrétien ? Excellente occasion ce
matin de rechercher quelle est la richesse qui me freine ; et pas
forcément une richesse d’ordre financier ou matériel seulement.
Je veux bien te suivre, Seigneur,
mais laisse-moi continuer ma vie tranquille. Oui, je sais que la paroisse a
besoin de bonnes volontés, pour assurer la catéchèse des enfants, participer à
une équipe liturgique ou rejoindre un groupe du MCR (Mouvement Chrétien des
Retraités) ; ou tout simplement pour prendre davantage le temps de prier chaque jour ; mais il faudrait que je lâche de temps en temps tel loisir,
que j’accepte de donner du temps…
Savez-vous que le mot
« riche » - en grec : « plousios » - signifie
« plein de », « rempli de »? On peut même être assez démuni
financièrement, et demeurer pourtant le cœur plein de, encombré de fausses
richesses telles que notre mauvais caractère, notre suffisance, notre mépris de
certaines personnes : on se rengorge, on se croit plus malin que les
autres. Ne manquons-nous pas d’humilité ?
Et notre famille, est-elle ouverte aux autres ? Ou encore, quelle est la place du partage
dans notre vie ? Quant à moi, en
tant que prêtre, je me demande souvent si je ne suis pas riche de ce statut
d’homme du sacré, qui me donne une place supérieure dans l’Eglise. Non plus alors le jeune homme, mais le vieil
homme riche, c’est peut-être moi ? Il y a là, pour moi comme pour vous,
matière à réflexion !
Allons plus loin : et si l’invitation
de Jésus – « Va, vends tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres » -
si cet appel ne s’adressait pas seulement à des personnes, prises
individuellement, comme chacun de nous, mais aussi, par exemple,
collectivement, à notre pays, la France, ou à l’Occident ? Est-ce que cela ne signifierait pas une
invitation à remettre les personnes démunies au centre des objectifs humains,
au cœur des enjeux politiques dont on
parle beaucoup en ce moment, dans notre vie en société ?
Je me pince : est-ce que je
rêve si j’imagine Jésus disant : « Toi, France, 6° ou 7° puissance
parmi les plus riches du monde, va, et organise-toi pour que tes richesses
profitent davantage aux Français qui vivent au-dessous du seuil de
pauvreté : les personnes en situation de handicap, certaines familles
monoparentales qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois, des voisins que
nous connaissons et qui n’ont pas les finances pour pouvoir faire soigner leurs
dents ou leurs yeux ; sans parler des frères et sœurs d’autres continents,
écrasés par la guerre, qui frappent à la porte de notre maison commune. Malheureusement, nous affirme-t-on, "il n'y a plus de place dans l'hôtellerie..." Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?
Que nous dirait Jésus, s’il
revenait, de façon visible, parmi nous ?
Rappelons-nous les phrases incisives entendues dans la 2° lecture, tirée
de la Lettre aux Hébreux : « Frères, la parole de Dieu est énergique,
et plus coupante qu’une épée à deux tranchants. » (fin de citation) Oui, on l’a peut-être oublié, dans notre pays
et dans notre Eglise : l’Evangile, ce
n’est pas de la guimauve ! Que nous
dirait Jésus s’il revenait, visiblement, parmi nous ? Si l’on paraphrasait l’Evangile, cela
donnerait : « Mais la France, à ces mots de Jésus, devint sombre, et
elle s’en alla toute triste, car ce pays avait de grands biens… » Un fait positif cependant : les
pauvretés, tel était l’un des grands soucis des maires de Vendée, qui se retrouvaient avant-hier vendredi, lors
de leur assemblée annuelle aux Herbiers.
Tout n’est peut-être donc pas perdu ?
J’en arrive à un 3° et dernier
point, pas le plus facile en ce moment !
Et si le jeune homme riche, c’était notre Eglise ? Riche du statut quasi sacré de son clergé
célibataire, riche de plus de 100 évêques en France pour seulement 2% de
pratiquants ; une Eglise remplie de ces fausses richesses que sont la loi
du secret de la confession mal compris, l’emprise de trop de ses membres,
prêtres, mais aussi laïcs, dont des hommes mariés, sur des enfants qui ont
été criminellement abusés. Une Eglise
maintenant son pouvoir et sa puissance sur les laïcs, ignorant trop la partie
féminine du Peuple de Dieu. Une Eglise
qui dispose de grands biens, merveilleux, extraordinaires, ceux que lui a légués
Jésus ; par exemple, l’Evangile, l’espérance, le respect des plus petits,
la masse des enfants accueillis lors de leur baptême, etc. Autant de richesses qui n’ont pas été
partagées autant que Jésus l’aurait aimé, au sein du Peuple de Dieu ; une
Eglise riche de ces biens de l’Evangile, mais des biens que l’on n’a pas su
faire fructifier… Ce qui explique que
nos bâtiments églises se soient vidés…
Je renouvelle ma paraphrase de
l’évangile : « Jésus posa son regard sur l’Eglise de France et,
malgré tout, il l’aima. Puis, il lui dit : « Eglise de France, une
seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as et donne-le aux
pauvres ; alors, tu auras un trésor au ciel. Puis, viens, suis-moi. » Mais l’Eglise de France, à ces mots, devint
sombre, et s’en alla tout triste, car elle avait de grands biens. » Pas forcément des biens financiers, vous l’avez
compris ; quoique… Mais les grands biens que je vous ai cités, dont, entre
autres, l’Evangile, les enfants, l’Espérance, et le peuple des fils et des
filles de Dieu que, avec courage et foi, malgré tout, vous représentez. Et de cela, merci à vous, chers
paroissiens !
Finalement, face à tous ces
drames, faut-il se dire, comme les disciples : « Comme il sera
difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans la royaume de
Dieu ? Mais alors, qui peut être
sauvé ? » Jésus les regarde,
il nous regarde également aujourd’hui en répondant : « Pour les
hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à
Dieu. »
Face à tous ces tristes
événements, ne sombrons donc pas dans la désespérance : si tous, nous en
prenons les moyens, avec l’aide de Dieu, l’Evangile, la beauté, la lumière et
la fraternité auront le dernier mot.
Nous le croyons, telle est notre foi, Amen !