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...Alors, en réponse à vos attentes, Olivier Gaignet vous propose de vous exprimer librement.
Ici, tout pourra être dit dans les limites de la courtoisie et du respect mutuel.

Merci d'avance de votre participation.


Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



lundi 18 octobre 2021

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2668 : Message urgent du Secours Catholique

 

Chers amis,

La question du respect des droits fondamentaux des personnes exilées est un axe fort du plaidoyer local et national du Secours Catholique tant ces droits sont en permanence bafoués.

La situation dans le Calaisis ne cesse de se détériorer. Les lieux de vie ou plutôt de survie des exilés sont « évacués » quasiment tous les jours. Les exilés se voient confisquer ou détruire leurs tentes et parfois leurs effets personnels. L’accès à l’eau et à l’alimentation sont restreints, les associations de solidarité sont empêchées d’agir par des arrêtés interdisant la distribution de vivres ou d’eau….

 Ces derniers jours, les choses ont encore empiré. Un jeune soudanais, Yasser, a été écrasé par un camion et les exilés soutenus par un collectif d’associations se sont mobilisés pour lui donner une sépulture décente.

 Alors que la situation semble de plus en plus bloquée, trois citoyens, dont Philippe Demeestère, aumônier de la délégation du Pas de Calais, ont décidé d’entamer une grève de la faim pour obtenir l’ouverture de discussions avec les autorités publiques autour de 3 demandes :

●        Suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements durant la trêve hivernale ;

●        Durant cette même période, arrêt de la confiscation des tentes et des effets personnels des personnes exilées ;

●        Ouverture d'un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l’État, portant sur l'ouverture et la localisation de points de distribution de tous les biens nécessaires au maintien de la santé des personnes exilées.

 Cette modalité d’action, la grève de la faim, n’est pas à l’initiative du Secours Catholique, mais nous comprenons cette action comme un appel ultime pour que soit restauré le minimum de respect et d’humanité dû à tout être humain.

 

C’est pourquoi, Le Secours Catholique vient d’adresser au Président de la République une demande de rendez-vous de toute urgence pour que s’ouvre l’espace de discussion demandé et que soient apportées des réponses concrètes, humaines, à cette situation dramatique.

C’est aussi pour cette raison que Véronique Devise, présidente nationale, et Hervé Perrot, aumônier général se rendront à Calais dimanche 17 Octobre pour rencontrer les citoyens engagés dans cette démarche.

Chaque bureau de délégation est invité à prendre toute initiative pertinente, et en appui aux démarches nationales .

Ainsi le bureau de la délégation de Vendée va relayer dès que possible un courrier aux  députés vendéens. 

Et nous vous invitons, si vous le souhaitez,  à signer la pétition nationale de soutien aux demandes des grévistes :

https://www.change.org/ FaimAuxFronti%C3%A8res

 

Pour le Bureau François Soulard, Délégué Diocésain

dimanche 17 octobre 2021

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2667 : Quelle suite donner au rapport Sauvé ?

29° dimanche du temps ordinaire B - 17 octobre 2021 - Jard-sur-Mer 

 Même si l’on ne voulait pas y faire allusion, impossible, en entendant cet évangile, de ne pas penser à la crise actuelle dans l’Eglise. Il y a en effet une ressemblance étonnante entre le désir de Jacques et Jean d’avoir les premières places dans le Royaume, et ce pouvoir illimité qu’au cours des siècles, se sont octroyés trop de cardinaux, d’évêques, et aussi des prêtres. Comment cela ? En se réservant les places de direction dans le peuple de Dieu ; en les recherchant même, parfois, sous les abords d’un pouvoir sacré, et donc difficile à contester - dans les diocèses comme dans les paroisses - sur l’ensemble des laïcs, et particulièrement par rapport aux enfants - on en voit les funestes résultats – et vis-à-vis de la place des femmes dans l’Eglise Alors que Jésus avait précisé ceci : « Les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. » Malheureusement, ce souhait de Jésus n’a pas été suffisamment entendu !

Mais à présent, suite aux 45 recommandations du rapport Sauvé, ce souhait de Jésus, de façon un peu forcée, il va falloir y revenir ; on ne pourra plus y échapper ! Car la question que la société française pose à la hiérarchie épiscopale à présent, c’est la suivante : « Allez-vous enfin descendre de votre trône, faire le deuil de votre décorum, changer votre façon de gouverner, et lancer, comme y invite le pape François, un grand chantier en vue de ce renouveau si attendu dans l’Eglise ? Travail à réaliser, surtout pas entre évêques et prêtres seulement, mais avec les laïcs, absolument, et sous des formes à inventer. Evêques et prêtres apprenant peu à peu à se comporter à l’image du Fils de l’homme, « qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. » Avec la nécessité que nous, prêtres et évêques, nous nous comportions enfin, non comme des maîtres, mais comme d’humbles serviteurs ; si toutefois cela est encore possible ! 

D’ailleurs, imaginerait-on Jésus avec une mitre sur la tête, trônant au-dessus du Peuple de Dieu ? Exemple un peu absurde, mais combien éclairant … En tout cas, en mon nom propre, en tant que prêtre, je voudrais vous demander pardon, pour mes attitudes qui ont souvent sans doute été en contradiction avec ce que nous suggère l’évangile de ce jour.

 En tout cas, en ce 1° dimanche de la Semaine missionnaire, si nous voulons empêcher note Eglise de mourir, il n’y a pas d’autre attitude possible que celle de l’humble service. Je suis certain que tous, ici, nous souhaitons l’avènement d’une Eglise plus humble, plus vraie, plus humaine, moins secrète, moins cléricale, ainsi que le souhaite le pape François ; plus ouverte, à toutes comme à tous ; une Eglise sachant parler aux jeunes, ce serait une Eglise plus missionnaire ! En tout cas, une Eglise plus fidèle au Christ serviteur, plus priante ; non pas esclave de ses traditions et ses rites, mais d’abord fidèle aux enseignements de l’Evangile. Car c’est l’Evangile, et l’Evangile seulement, qui peut être entendu, et accepté par notre société ! 

Dans le monde d’aujourd’hui en tout cas, nous avons besoin de laïcs comme vous, fidèles à l’eucharistie, avançant chaque jour à la rencontre du Christ et en dialogue d’amour avec lui. Notre monde a besoin de chrétiens dont la vie soit lumineuse et joyeuse, pleine d’espérance et respirant la bonté. 

 Vous allez me demander : mais comment peut-on faire ? Vous avez peut-être appris que le pape François a solennellement ouvert au Vatican, samedi 9 octobre, une réflexion au niveau mondial sur le thème de la Synodalité, avec le processus suivant : inclure le plus largement possible les fidèles dans une réflexion de fond sur les structures de l'Eglise catholique. Un questionnaire préparatoire a été envoyé début septembre à tous les diocèses du monde. Ce dimanche 17 octobre était proposé pour la lancement de cette réflexion dans les diocèses. Le journal « La Croix » de vendredi nous expliquait que ce travail était déjà en route en Seine-Maritime par exemple. 

Dans le diocèse de Luçon, rien pour l’instant. Mais en attendant, n’hésitez pas à vous retrouver entre vous au besoin, entre proches ou amis, et à nous faire remonter, à nous les prêtres, et aussi à notre évêque, tous vos souhaits et suggestions. En nous souvenant de ce que disait le grand écrivain catholique Georges Bernanos : « On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité ! » 

 Ceci pour aider à ce que nos paroisses, notre Eglise puissent évoluer et se bouger davantage. Si rien ne se fait, si à notre niveau, rien ne bouge, le peuple de Dieu demeurera dans l’infériorité, alors que la mission, l’évangélisation, ce doit être - l’aurait-on oublié - l’œuvre de tous les baptisés ! Seigneur, ton Eglise, dont nous sommes les membres, est en grande souffrance. Merci de faire de chacune et de chacun de nous des artisans humbles, mais résolus, de son « aggiornamento », comme disait en son temps le pape Jean XXIII, c’est-à-dire, de son renouvellement ! Esprit-Saint, merci de nous y aider ! Amen ! 

_____________________________

Un mot pour vous signaler que, à mon grand regret, je vais suspendre la parution de mes billets jusque vers fin-octobre.

En effet, alors que je vais avoir seulement 79 ans dans quelques jours, le diocèse de Luçon vient pourtant de me confier deux nouvelles charges, en tant que délégué diocésain à l'oecuménisme, ainsi que pour les relations avec le Judaïsme.

Je vais donc devoir réorganiser ma vie et mes activités.

Dès que j'y verrai plus clair, je reviendrai vers vous.

Avec un très grand merci de la fidélité de votre amitié, ainsi que de votre compréhension ! 

dimanche 10 octobre 2021

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2666 : Eglise de France, que fais-tu, que faisons-nous de l'Evangile ?

 

Homélie du 28° dimanche B  -  Longeville-sur-Mer  -  10 octobre 2021

Il est très sympa, ce jeune homme riche, vous ne trouvez pas ?  La preuve, c’est que, comme le signale St Marc, « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. » Pensez donc, c’est quelqu’un de bien : depuis sa jeunesse, il observe tous les commandements ! Qui dit mieux ?

 Mais il y a une petite inquiétude en lui : « Maître, demande-t-il à Jésus, qu’est-ce que je dois faire de plus pour aller au ciel ? »  Que manque-t-il à donc à ce bon croyant ?  Doit-il allonger ses prières, multiplier les petites aumônes, envoyer un chèque plus important au CCFD ?

 Ce jeune homme, on pourrait penser, d’après ce qu’il dit de lui-même, que c’était un bon citoyen, honnête, travailleur. Il avait de grands biens, c’est sûr ; mais il avait beaucoup trimé pour réussir financièrement, et sans exploiter qui que ce soit.  De plus, c’était peut-être un bon voisin, un bon paroissien à la synagogue ; et aussi, un bon mari et un bon père.  En St Luc, on nous dit même que c’était un chef religieux juif : en résumé, il avait un bon CV !

 Mais voilà que Jésus, au lieu de le féliciter, lui fait comprendre que tout cela ne suffit pas, et qu’il doit faire plus encore ; et quoi donc ? Pas moins que de vendre tous ses biens et le suivre !  Ah mais là, Jésus, tu exagères !  Espérons quand même que tu n’en attends pas autant de nous !  Car alors, cela pourrait nous empêcher de dormir durant le reste de cette messe !

 Impossible cependant d’y échapper ! Car c’est bien à chacun de nous, qui sommes de bons citoyens, de bons paroissiens, de braves gens en somme, qu’à travers cet exemple, Jésus vient rappeler qu’on ne peut marcher à sa suite si l’on reste encombré de lourds bagages.  Or, qu’est-ce qui peut bien m’alourdir et me ralentir dans ma vie de prêtre, de chrétien ? Excellente occasion ce matin de rechercher quelle est la richesse qui me freine ; et pas forcément une richesse d’ordre financier ou matériel seulement.

 Je veux bien te suivre, Seigneur, mais laisse-moi continuer ma vie tranquille. Oui, je sais que la paroisse a besoin de bonnes volontés, pour assurer la catéchèse des enfants, participer à une équipe liturgique ou rejoindre un groupe du MCR (Mouvement Chrétien des Retraités) ; ou tout simplement pour prendre davantage le temps de prier chaque jour ; mais il faudrait que je lâche de temps en temps tel loisir, que j’accepte de donner du temps…

 Savez-vous que le mot « riche » - en grec : « plousios » - signifie « plein de », « rempli de »?  On peut même être assez démuni financièrement, et demeurer pourtant le cœur plein de, encombré de fausses richesses telles que notre mauvais caractère, notre suffisance, notre mépris de certaines personnes : on se rengorge, on se croit plus malin que les autres. Ne manquons-nous pas d’humilité ?  Et notre famille, est-elle ouverte aux autres ?  Ou encore, quelle est la place du partage dans notre vie ?  Quant à moi, en tant que prêtre, je me demande souvent si je ne suis pas riche de ce statut d’homme du sacré, qui me donne une place supérieure dans l’Eglise.  Non plus alors le jeune homme, mais le vieil homme riche, c’est peut-être moi ? Il y a là, pour moi comme pour vous, matière à réflexion !

 Allons plus loin : et si l’invitation de Jésus – « Va, vends tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres » - si cet appel ne s’adressait pas seulement à des personnes, prises individuellement, comme chacun de nous, mais aussi, par exemple, collectivement, à notre pays, la France, ou à l’Occident ?  Est-ce que cela ne signifierait pas une invitation à remettre les personnes démunies au centre des objectifs humains, au cœur des enjeux  politiques dont on parle beaucoup en ce moment, dans notre vie en société ?

 Je me pince : est-ce que je rêve si j’imagine Jésus disant : « Toi, France, 6° ou 7° puissance parmi les plus riches du monde, va, et organise-toi pour que tes richesses profitent davantage aux Français qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté : les personnes en situation de handicap, certaines familles monoparentales qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois, des voisins que nous connaissons et qui n’ont pas les finances pour pouvoir faire soigner leurs dents ou leurs yeux ; sans parler des frères et sœurs d’autres continents, écrasés par la guerre, qui frappent à la porte de notre maison commune. Malheureusement, nous affirme-t-on, "il n'y a plus de place dans l'hôtellerie..."  Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?

 Que nous dirait Jésus, s’il revenait, de façon visible, parmi nous ?  Rappelons-nous les phrases incisives entendues dans la 2° lecture, tirée de la Lettre aux Hébreux : « Frères, la parole de Dieu est énergique, et plus coupante qu’une épée à deux tranchants. »  (fin de citation)  Oui, on l’a peut-être oublié, dans notre pays et dans notre Eglise : l’Evangile,  ce n’est pas de la guimauve !  Que nous dirait Jésus s’il revenait, visiblement, parmi nous ?  Si l’on paraphrasait l’Evangile, cela donnerait : « Mais la France, à ces mots de Jésus, devint sombre, et elle s’en alla toute triste, car ce pays avait de grands biens… »  Un fait positif cependant : les pauvretés, tel était l’un des grands soucis des maires de Vendée, qui se  retrouvaient avant-hier vendredi, lors de  leur assemblée annuelle aux Herbiers. Tout n’est peut-être donc pas perdu ?

 J’en arrive à un 3° et dernier point, pas le plus facile en ce moment !  Et si le jeune homme riche, c’était notre Eglise ?  Riche du statut quasi sacré de son clergé célibataire, riche de plus de 100 évêques en France pour seulement 2% de pratiquants ; une Eglise remplie de ces fausses richesses que sont la loi du secret de la confession mal compris, l’emprise de trop de ses membres, prêtres, mais aussi laïcs, dont des hommes mariés, sur des enfants qui ont été criminellement abusés.  Une Eglise maintenant son pouvoir et sa puissance sur les laïcs, ignorant trop la partie féminine du Peuple de Dieu.  Une Eglise qui dispose de grands biens, merveilleux, extraordinaires, ceux que lui a légués Jésus ; par exemple, l’Evangile, l’espérance, le respect des plus petits, la masse des enfants accueillis lors de leur baptême, etc.  Autant de richesses qui n’ont pas été partagées autant que Jésus l’aurait aimé, au sein du Peuple de Dieu ; une Eglise riche de ces biens de l’Evangile, mais des biens que l’on n’a pas su faire fructifier…  Ce qui explique que nos bâtiments églises se soient vidés…

 Je renouvelle ma paraphrase de l’évangile : « Jésus posa son regard sur l’Eglise de France et, malgré tout, il l’aima. Puis, il lui dit : « Eglise de France, une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors, tu auras un trésor au ciel.  Puis, viens, suis-moi. »  Mais l’Eglise de France, à ces mots, devint sombre, et s’en alla tout triste, car elle avait de grands biens. »   Pas forcément des biens financiers, vous l’avez compris ; quoique… Mais les grands biens que je vous ai cités, dont, entre autres, l’Evangile, les enfants, l’Espérance, et le peuple des fils et des filles de Dieu que, avec courage et foi, malgré tout, vous représentez.  Et de cela, merci à vous, chers paroissiens !

 Finalement, face à tous ces drames, faut-il se dire, comme les disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans la royaume de Dieu ?  Mais alors, qui peut être sauvé ? »  Jésus les regarde, il nous regarde également aujourd’hui en répondant : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »

 Face à tous ces tristes événements, ne sombrons donc pas dans la désespérance : si tous, nous en prenons les moyens, avec l’aide de Dieu, l’Evangile, la beauté, la lumière et la fraternité auront le dernier mot.  Nous le croyons, telle est notre foi, Amen !

vendredi 8 octobre 2021

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2665 : Le type d'Eglise qui a la faveur de Péguy

Face à l'ampleur des crimes commis par tant de prêtres - et de laïcs en responsabilité - vis-à-vis d'enfants et de jeunes, plusieurs m'ont demandé ce que j'en pensais.

Mais dois-je vous proposer une énième chronique sur cette question ?

Et si nous prenions du recul ?  Et si, pour nous purifier l'esprit, l'on relisait le poète Charles Péguy ?

Voici quelques extraits d'un article du P. Robert Scholtus, théologien, paru dans "Etudes" en décembre 2014, à l'occasion du 100° anniversaire de la mort de Péguy sur le front ?

 

Péguy s’était éloigné de la religion de son enfance qui lui avait enseigné la réalité de l’enfer éternel qui se présente comme l’effet d’une ex-communication divine et qui a pour équivalent, dans l’ordre temporel, la misère économique qui exclut des humains de la cité terrestre. C’est pour sauver l’humanité de la misère que précisément il avait adhéré au socialisme. Le héros dreyfusard qu’il a été va progressivement entrer en contact avec la réalité de cet enfer contre lequel il a voulu mobiliser toutes ses forces. Par une double expérience : celle de sa propre exclusion du monde moderne et celle de l’expulsion du monde moderne hors de la vie vraiment vivante.

 Au fil des années, il va éprouver dans sa chair ce qu’il appelle « l’enfer social moderne laïcisé », cette solitude où l’ont rejeté les modernes, ceux du parti socialiste et ceux du parti intellectuel. On fait peser sur lui et sur ses activités de gérant des Cahiers, sur ses œuvres elles-mêmes un impénétrable silence. Il connaît l’anxiété des échéances, les budgets difficiles d’une famille qui s’agrandit, le souci d’un enfant gravement malade. 

En 1908 c’est lui qui tombe malade, comme par un excès de déception dont témoigne le fameux texte Nous sommes des vaincus. Cette année-là il connaît dans un « grand épuisement d’espérance » la tentation suprême du suicide, à laquelle succédera, dans les affres de l’amour impossible qu’il voue à Blanche Raphaël, celle de l’infidélité conjugale dont les Quatrains qu’il écrivit en 1911-1912 sont l’aveu poignant et ironique  C’est durant ces années d’épreuve que Péguy va se tourner, non pas vers le christianisme, mais vers le Christ et relire le récit de sa Passion dans l’évangile de saint Matthieu.

Comme il le raconte dans le Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle, en 1909, il se cogne littéralement à ce « texte de l’appréhension de la mort » où se révèle l’humanité d’un Dieu qui a craint la mort, d’un Dieu vulnérable et blessé, un Dieu caché dans la détresse humaine. La mort de Jésus n’a de valeur rédemptrice que parce qu’elle fut celle d’un homme à part entière qui par « les fils innombrables » et les « points douloureux » qui nous unissent à lui nous ouvre au secret de l’inépuisable tendresse de Dieu.

 Mais Péguy va interrompre ce grand texte qui ne sera publié qu’après sa mort pour faire paraître sa seconde Jeanne d’Arc, dix ans après la première : la hantise du mal universel est transfigurée par le mystère de la charité et la présence au pied de la croix d’une autre femme, Marie, à laquelle Péguy ira offrir à la cathédrale de Chartres ses Tapisseries et ses suppliques d’homme vaincu par la miséricorde.

À sa parution, Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc provoque l’ironie de ceux qui, tel Lavisse, considèrent qu’il a mis « de l’eau bénite dans son pétrole », en même temps que l’admiration aussi enthousiaste qu’embarrassante de Barrès, de Maurras et de Drumont. En publiant six mois plus tard Notre jeunesse, c’est une fin de non-recevoir qu’il adresse à ces catholiques de la droite conservatrice et antisémite qui tentent de l’annexer et de transformer sa Jeanne d’Arc en héroïne de leur nationalisme et de leur monarchisme.

 Péguy ne fait plus mystère de son christianisme, mais ce n’est pas pour rallier les rangs d’une Église qui s’est honteusement employée à créer « cette illusion politique, que le mouvement dreyfusiste était un mouvement antichrétien ». L’Église qui a la faveur de Péguy est celle qui constitue socialement une communion, un peuple immense, « une religion peuple, la religion du tout un peuple, temporel, éternel », dans laquelle il revendique le statut d’excommunié qu’il définit comme « un témoin géographiquement mystiquement extérieur  », mais qui n’est pas pour autant hors de l’Église puisqu’il en subit les pénalités. 

Si Péguy dit cela c’est moins en référence à son refus de régulariser sa situation matrimoniale aux yeux de l’Église, comme l’y poussent avec peu d’élégance Maritain et Dom Baillet, que pour continuer à porter devant elle le témoignage des exclus et des vaincus de l’histoire,depuis à continuer à parler en somme depuis l’enfer, à tenir fidèlement la position qui a toujours été la sienne en marge des institutions et des partis, des pouvoirs et des cléricatures.

 C’est aussi peut-être par refus d’être le paroissien d’un de ces curés modernes coupables de la lourde faute de mystique  qui est à l’origine de la déchristianisation : « Ils ont méconnu, dit-il, oublié et méprisé le temporel, ils ont refusé de faire les frais d’une révolution temporelle », ils ont travaillé à la désincarnation du christianisme, ils n’ont pas voulu voir que « dans tout notre socialisme même il y avait infiniment plus de christianisme que dans toute la Madeleine ensemble avec Saint-Pierre de Chaillot, et Saint-Philippe du Roule, et Saint-Honoré d’Eylau».

 Ce qu’on a appelé « l’anticléricalisme chrétien » de Péguy contraste étonnamment avec l’admiration que jusque dans ses derniers écrits il a portée aux juifs. Parce qu’il fut leur allié dans la défense du juif Dreyfus, et parce qu’il a appris d’eux cette patience inquiète qui est l’autre nom de leur fidélité. Un jour, il dira à Havély : « Je marche avec les Juifs, parce qu’avec les Juifs je peux être catholique, avec les catholique, je ne le pourrais pas." Catholique, Péguy a appris à le devenir de manière juive, si l'on peut dire, dans une tension permanente entre la colère prophétique et la patience de la fidélité, entre l’emportement du visionnaire et le retrait du scribe à sa table d’écriture. Une tension qui donne à son œuvre une incroyable sonorité : « Il écrit à tue-tête », disait Claudel très justement.

 La position qu’entend occuper Péguy est celle-là même que définit Bergson « quand il nous arrache aux asservissements du passé, aux infécondités d’un temps mort, quand il nous replace exactement dans le présent… et déjà par cela seul nous réintroduit dans une situation et dans une position chrétienne, dans la seule situation et dans la seule position chrétienne […]. Car il nous remet dans le précaire et le transitoire, et dans ce dévêtu qui fait proprement la condition de l’homme. »

Péguy n’a pas attendu les sociologues du XXIe siècle pour annoncer la naissance d’« une société inchrétienne, postchrétienne », mais il est toujours là pour convaincre les chrétiens d’aujourd’hui de la beauté inédite des « saintetés modernes », pour peu qu’ils se souviennent que le christianisme, cet « exact ajustement du temporel et de l’éternel », ne peut se vivre que sur « le tranchant de la liberté » et que la christianisation relève d’« une opération moléculaire, intérieure, histologique  ». 

 

A chacun de méditer ces lignes, et d'y rechercher ce qui peut donner un nouveau sens à ce que nous sommes appelés à vivre aujourd'hui, dans le droit fil de l'Evangile !


dimanche 3 octobre 2021

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2664 : Qu'en est-il de "la côte d'Adam" ?

 

Homélie du 27° dimanche du T.O., 2 octobre 2021, au Bernard

Pour mieux comprendre ce qui va suivre, il ne sera pas superflu de relire le texte de la 1° lecture de ce dimanche, tiré du Livre de la Genèse, 2/18-24.

Avec la 1° lecture et l’enseignement de l’évangile, deux textes autour du lien entre l’homme et la femme sont proposés à notre méditation en ce jour. Mais je m’en tiendrai, faute de temps, au texte tiré de la Genèse, dans lequel il est question de la fameuse côte d’Adam, d’où Eve aurait surgi. On a souvent ironisé à propos de cette côte d’Adam ; essayons donc de découvrir pourquoi la Bible a présenté les choses ainsi.

La 1° chose à bien enregistrer  -  et je pense que, de nos jours, vous ne serez pas scandalisés par ce que je vais vous dire  - c’est que le but de ce texte, ce n’est pas de nous décrire comment la femme est apparue sur la terre, ni de quelle façon Adam, le 1° homme, a été créé.

Cela, de toute façon, pour une raison bien simple : au moment de la création de l’homme et de la femme, personne n’était présent pour immortaliser la scène, et pouvoir ensuite la raconter, sur facebook et sur les réseaux sociaux.

La Bible n’étant pas un livre d’histoire au sens où nous l’entendons aujourd’hui, ce récit de la Création de l’homme et de la femme n’est pas à lire avec les yeux d’un journaliste, mais plutôt, de façon symbolique.

Certains, aux USA particulièrement, mais aussi dans certains cercles en France, des personnes qui lisent la Bible de façon littérale, considèrent que tout ce qui est écrit dans la Bible raconte exactement comment les choses se sont passées.

Question : ce que dit la Bible ne serait-il donc pas vrai ?  N’est-ce pas un manque de foi que de douter de ce qui est décrit dans la Genèse à propos de la façon dont ont été créés l’homme et la femme ? En réalité, malgré ce que l’on pourrait déduire de la description donnée dans ce texte de la Genèse, l’objectif n’était pas de raconter comment l’homme est apparu ici bas.  Et pourtant, la Bible dit la vérité ; en ce sens que, cette Création, elle en donne le sens profond.

Je m’explique : ce qui est vrai dans le texte que nous venons d’entendre, c’est, premièrement, que l’homme ne s’est pas créé tout seul et deuxièmement, qu’il n’est pas non plus le produit d’une nature-mère infinie qui, par elle-même, en vertu de je ne sais quel bouleversement de molécules, aurait pu donner naissance à la vie.

Ce qui est vrai dans ce texte, c’est que c’est Dieu qui a créé l’homme, ainsi que les animaux, la nature et tout ce qui existe. Evidemment, Dieu n’a pas créé telle montagne ou tel animal en particulier.  Pour être plus précis, disons que c’est Dieu qui est à l’origine de toute la Création ; celle-ci ayant suivi ensuite une évolution progressive, peu à peu, l’homme et la femme ont émergé.  Ce qui n’empêche pas de dire que Dieu a tout créé.

En tout cas, c’est Dieu qui a permis que, de l’évolution naturelle, surgissent l’homme et la femme, comme un ensemble inséparable, de même nature.  Cependant, l’image d’Eve tirée de la côte d’Adam n’est pas à jeter à la poubelle ni à mépriser. Il faut la prendre pour ce qu’elle est : c’est une façon de parler symbolique, imagée, pour faire comprendre que l’homme et la femme sont issus d’une même chair, autrement dit, qu’ils sont de même nature.

Et dans cette image, ce n’est pas seulement la femme qui sort de l’homme, c’est-à-dire, qui a un lien fondamental avec lui, mais la nature elle-même nous dit que l’homme lui aussi sort de la femme : n’est-il pas engendré par une femme, sa mère ?

Malgré tout, certains se sont basés sur ce texte de la Genèse pour prétendre que l’homme est supérieur à la femme, car la Bible nous dit que c’est de sa côte qu’est sortie la femme. Ceci est une grosse erreur d’interprétation.  Il n’y a pas là un 1° terme, l’homme, puis un second, inférieur, qui serait la femme.  En effet, les deux forment un ensemble qui se complète, et où chacun ne peut rien sans l’autre, où nul n’est supérieur à l’autre.

Quel est le 1° mot prononcé par l’homme, selon la Bible ?  C’est le mot « femme » ; on l’a entendu dans la lecture. La Bible fait dire au 1° homme en effet : « La chair de ma chair, on l’appellera femme. »  Et si le 1° mot, c’est « femme », cela peut signifier aussi une certaine prééminence de la femme par rapport à l’homme.

D’autre part, on a entendu deux mots hébreux dans le texte : « Isha », qui signifie « femme », et « Ish », qui signifie « homme ».  A ce propos, il est significatif de savoir que si l’on place ensemble ces deux mots, « Ish » et « Isha », cela signifie, en hébreu, « feu divin ». Ceci est évocateur, non ?

En conséquence, chacun des couples ici présents, saviez-vous qu’ensemble, unis l’un à l’autre, vous représentez le feu divin ?  La femme est prise dans l’homme  - c’est le symbole de la côte  -  et l’homme est épris de la femme ; et cette relation unique, trop souvent dévalorisée, galvaudée de nos jours, est assimilée dans la Bible au feu divin !

D’où, et je termine par là, l’éminente dignité de l’amour entre l’homme et la femme, invités à rester unis à tout jamais et, comme le disent la dernière phrase de la Genèse ainsi que l’évangile, appelés à ne faire plus qu’un !

 Puisse chaque couple vivre de ce feu divin, dans leur foyer !   Le foyer, ce mot si évocateur…

 Et cela, éternellement !  Amen !