Voici l'homélie que j'ai partagée en cette nuit de Noël, dans l'église de Jard-sur-Mer.
Comme sous-titre possible : Jésus ne naît pas que dans les églises et pendant les messes...
Chut, entendez-vus ? Il se passe quelque chose. Tendez l’oreille, écoutez : on dirait un
souffle, comme un fin silence, ou le bruit discret d’une ombre, qui se faufile
furtivement, ici, là, au milieu de nous…
Est-ce la brise du
soir ? Le pâle reflet de la
lune ? Ou le bruit souple de la
vague arrivant sur la grève ? Oui, c’est sûr ! En cette nuit profonde, voici que quelqu’un
arrive, accroché à une étoile. Quelqu’un
qui n’a pas peur de nous, qui n’a pas peur de ce monde ; et cela, malgré
nos bassesses, nos misères, ce maudit virus et notre péché.
Alors que la peur étreint nos
cœurs, et que ce monde malade est en train de dépérir, voici que quelque part,
ça et là sur cette terre, et sans doute
même ici, quelqu’un, de totalement inattendu, sinon ignoré de beaucoup, est en
train de naître chez nous, en pleine pandémie.
Mais sommes-nous capables de
comprendre ce qui est en train de se passer ? Saint-Exupéry pourtant nous avait prévenu,
mais nous n’avons pas su l’entendre : « l’essentiel est invisible
pour les yeux », disait le petit Prince.
Mais qui donc, dans notre société, a été en mesure de nous expliquer la
différence exacte entre l’essentiel, et le non-essentiel ?
Et si, en cette nuit, c’était la
fin d’un mauvais jour, le terme d’un temps de tristesse, de découragement et
d’effondrement ? Et s’il était
possible que commence à présent, à l’aube de ce Noël hors-normes, un jour
nouveau, qui porterait enfin la trace de l’éternité ?
En ce monde dans lequel chacun de
nous avance un peu à tâtons, tous autant que nous sommes plus ou moins anormaux
ou abîmés par la vie, claudiquant dans l’existence, avançant cahin-caha, dans
un monde confiné et masqué, sans rien comprendre de la crise que nous sommes en
train de traverser ?Il y a en ce moment 30% de rendez-vous en plus dans les cabinets de psy, sans parler de la casse sociale...
Nous pensions que ce monde, et notre pays, se
gargarisant de ses soit-disant « lumières », serait capable de se
guérit tout seul de ses misères. Mais voici que les plus grandes puissances
mondiales semblent démunies, et que même les dirigeants de nos nations sont eux-mêmes
atteints, impuissants et ébranlés. D’où
pourra donc nous venir le Salut ?
Et comment donc alors, un petit
enfant, tout nu, né en marge de la société, qui ne sait même pas parler, né de
parents inconnus, pourrait-il nous être d’un réel secours ? Ah ! Autrefois, les choses se passaient
différemment ! Les Noëls se vivaient autrement ; ils étaient riches
d’une gaieté quelque peu insouciante… Mais aujourd’hui, l’on entend Michel
Polnareff déclarer : « Je déteste Noël », la solitude au moment
des fêtes ; pas moyen de se retrouver en famille comme on l’aimerait, ni
même de s’embrasser !
Mais cette situation justement,
Jésus l’a connue. Sa famille, restée à Nazareth, n’a pu être présente lors de
sa naissance. Seuls des bergers,
méprisés, marginalisés dans la société d’alors, se sont retrouvés autour de
lui ; avec peut-être un bœuf, un âne et quelques moutons comme seuls
compagnons. Symbole magnifique cependant
de ce que le Sauveur n’était pas venu seulement pour les bien portants, les
gens bien, les familles sans problèmes ou les personnages importants. Mais c’est bien au cœur de contraintes un peu
semblables aux nôtres que Jésus a pu naître lui aussi.
Et si, aujourd’hui, Jésus apparaissait,
naissait, non seulement ici, d’ailleurs, comme il nous l’a promis en Luc
12/36 : « Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée,
trouvera en train de veiller » ; en tout cas, honneur à vous, chers
amis, qui avez fait le choix, en cette nuit à nulle autre pareille, de faire une place au
Sauveur dans la crèche de votre cœur !
Mais peut-être qu’en ce moment,
Jésus est aussi à l’extérieur, hors les murs et loin des églises ; par
exemple, en train de frapper à la porte
de familles qui ne sont pas venues à la messe, mais sont en train de vivre des
retrouvailles familiales. Car, et ce fut un scandale lors de sa vie publique,
le Sauveur est venu pour les chrétiens pratiquants, mais pas que…
Rappelons-nous comment il s’était annoncé : « Je ne suis pas
venu pour les bien portants, mais pour les pécheurs. » Ou encore :
« Je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Nous pouvons donc sans peine
l’imaginer sillonnant le monde en cette nuit, plus déconfiné que
jamais ! En train de naître dans
telle famille en deuil ou en détresse, ou au cœur d’un village amérindien dans
la forêt amazonienne ; et pourquoi pas en Chine, dans un de ces immenses
camps de travail et de rééducation où des centaines de milliers de musulmans
Ouïghours sont parqués de façon ignoble, sous le silence peureux de nos
autorités politiques ; ou aussi dans une embarcation surchargée et prête à chavirer
en Méditerranée… Qui peut savoir
jusqu’où peut aller le salut de Dieu ? Et si Noël a vraiment un sens,
invisible, pour toute l’humanité ?
Dans sa célèbre chanson « La
France », Jean Ferrat lançait l’appel suivant : « Il faut que le
malheur succombe. » C’était déjà
bien le projet de Jésus, si bien développé dans son beau programme des
Béatitudes : tuer la peur, et permettre à tous les humains de vivre en
frères. Vous connaissez cette injonction du pasteur M-L King : « Nous
devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons mourir
tous ensemble comme des idiots. »
Je termine avec un dernier point.
Ces temps-ci, j’ai entendu plusieurs personnes semblant navrées de ce que notre
société ait fermé à Dieu la porte de notre terre. Quelle erreur, quel manque de
foi ! Comme si Dieu était désormais absent de notre terre, alors qu’un
minimum de réflexion nous apprend qu’il est plus vivant que jamais, au sein de
notre société. Lisez le journal : de partout, l’on voit surgir des gestes
de tendresse. Prenez par exemple le « O-France » de ce jour, relisez
la dernière page, qui présente une multitude de projets solidaires à travers le
monde entier : « j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger, etc. » Ceci, c'est l'Evangile en actes ! Avant cette célébration, je viens de suivre l'émission "C dans l'air" intitulée "Noël quand même" ; j'ai été impressionné par la touche positive des échanges quant au sens de Noël, ainsi que par la multiplicité des initiatives de gestes de solidarité qui ont été présentés. Je voyais littéralement Jésus naître ainsi en plein coeur de notre monde, que l'on prétend égoïste et allergique aux affaires de Dieu.
Il y a de quoi être émerveillés
par les innombrables gestes de solidarité qui illuminent notre monde. Je
pourrais vous en citer une tonne. Deux seulement : le président de la
Banque alimentaire de Vendée vient de faire savoir ceci : « les
Vendéens ont fait preuve d’un élan du cœur exceptionnel. La collecte 2020 est
la plus importante jamais réalisée en Vendée. » 2° fait : parmi les multiples actions du
Secours catholique sur le Talmondais, ce coup de fil d’un monsieur proposant
une trentaine de repas antillais à emporter ce soir, le 24 décembre.
Ah ! Question : est-ce
qu’on parle de Dieu en distribuant les repas ? Je ne sais pas ! Mais
à Bethléem non plus, Jésus ne parlait pas ! Je vais aller plus loin, en
citant un cardinal récemment nommé par le pape, et qui est même son théologien
personnel, le cardinal Cantalamessa ; il dit en gros ceci : contrairement à
ce que l’on peut croire, ce qui intéresse Dieu, ce n’est pas d’abord qu’on
parle beaucoup de lui ; ce qui plait
surtout à Dieu, c’est quand les hommes apprennent enfin à vivre en
frères. Et avec cette pandémie, qui nous oblige à remettre l’humain au
coeur, ce n’est pas le mal, le négatif, qui auront le dernier mot, mais bien Jésus
qui, à travers nos gestes de foi et de charité, trouve peu à peu sa place dans cette
crèche immense que représente pour lui notre société.
Viens, Seigneur Jésus, viens, viens nous sauver !
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Aujourd'hui, on va changer de style ! Un petit "Minuit Chrétiens", ça vous ferait plaisir ? Avant la messe d'hier soir, l'un des musiciens présents m'a demandé s'il pouvait jouer cet air durant la célébration, en ajoutant que c'était quand même "un chant païen". Je me suis écrié : "Non, pas du tout : ce chant honore le Rédempteur." Oh, il y a bien cette phrase : "Et de son Père apaiser le courroux" ; mais quand j'étais en paroisse, on la remplaçait par : "Et de son Père manifester l'Amour"... Les images de la vidéo vous étonneront, je les ai choisies exprès : elles montrent bien que c'est toute la société qui s'est emparée de ce grand Mystère ! Joyeux Noël à vous !
https://youtu.be/rQZ6N8aN6JU
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C'est sans doute plus qu'une coïncidence :
- lors de l'office en l'église méthodiste de Rome, en Eurovision, ce matin, superbe interprétation, chez des Protestants ! du "Minuit Chrétiens", en italien.
- puis, à l'offertoire de la messe en Eurovision célébrée en Suisse, re "Minuit Chrétiens" !!!