Homélie partagée en ce 4° dimanche de l'Avent, autour de l'évangile de l'Annonciation (Luc 1/26-38), en l'église St Pierre de Talmont.
Voici que, tout à coup, dans la longue histoire du peuple de Dieu, du peuple juif, sans crier gare, débarque une femme qui sort d'on ne sait où, et que l'on n'attendait pas.
Par contre, Dieu, lui, connaissait l'adresse de ce petit village de Galilée, sans renommée particulière. Du haut de son ciel, si l'on peut dire, de façon imagée, il avait repéré cette jeune femme. En effet, dans le monde obscur d'alors, invisible aux yeux des humains, émergeait ce visage de foi et de lumière. Un de ces visages comme l'on en rencontre trop rarement, mais de ceux qui sauvent le monde de ses bassesses.
Et voici que, scène inconcevable, Dieu, à travers son ange, son messager, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le grand Dieu maître de l'Histoire, dans une attitude inouïe, semble s'incliner devant cette simple femme, pour la louer, la féliciter de sa foi : "Je te salue, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi..."
Et que fait Dieu alors ? Rien de moins que de lui demander la permission de faire alliance avec elle ; pour que, à eux deux, ils puissent donner la vie humaine au Sauveur.
L'Evangile nous dit que, "à cette parole, Marie fut toute bouleversée..." On le serait à moins ! Elle aurait pu répondre... ; enfin, nous, nous aurions répondu, comme nous le faisons souvent : "ah non, Seigneur ; moi, je ne suis pas capable ; demande plutôt à la femme d'en face ou à l'autre là-bas, qui sont bien plus douées que moi."
Les prophètes aussi, quand Dieu les appelait, commençaient par dire, comme Moïse également (Exode 4/10) : "Je bégaye, va chercher quelqu'un d'autre." D'ailleurs, comment se fait-il que dans ce monde plutôt machiste de l'époque, Dieu demande à une femme la permission de passer par elle pour sauver le monde, plutôt que par un bon prophète ? Choisir une femme, ce n'était pas anodin ! A ce moment-là en effet, c'était déjà des hommes qui dirigeaient tout, qui décidaient de tout, y compris dans le domaine religieux bien sûr, et surtout pas les femmes...
Mais revenons à Marie. Au lieu de se terrer, d'essayer de se défiler ou de se taire, elle engage le dialogue avec l'ange, afin de tenter de comprendre ce que l'on attend d'elle : "comment cela pourra-t-il se faire, puisque je ne connais pas d'homme ?" Réponse de l'ange : c'est Dieu lui-même qui est le père de cet enfant !
Or, en général, quand on vous demande quelque chose, lorsque l'on est fier, orgueilleux, on commence par se regarder, et on pense que l'on n'est pas capable. Marie réagit autrement ; elle ne perd ni temps ni énergie à se demander si elle est capable ou pas. Elle est humble en effet ! Ce qui lui permet de répondre : "Dieu, si c'est toi qui parle, OK ! Si c'est toi, Seigneur, qui me le demande, j'accepte."
Pourtant, quantité de questions auraient pu amener Marie à refuser. Mais, de son expérience profonde de la vie du peuple de Dieu, elle sait que jamais Dieu n'a conduit son peuple dans une impasse, et donc elle non plus.
Remarquez que, Dieu n'a pas décidé à sa place. Il a pris le temps de dialoguer avec elle ; et cela, dans une relation d'égalité profonde, qui peut nous laisser pantois ! Au point que, sans la réponse positive de Marie, le plan de Dieu n'aurait pu aboutir !
D'ailleurs, ainsi, c'est un beau visage de Dieu, peu connu, que nous révèle cette scène : Dieu est arrivé auprès d'elle en ami ; et Marie, contrairement à ce qu'il nous arrive parfois, n'a pas eu peur de Dieu, ne s'est pas trouvée complexée devant lui.
Nous avons aussi sous les yeux le visage d'un Dieu qui croit en la capacité profonde de cette femme. Marie n'est pourtant ni une femme de renom dans le peuple juif, ni une supérieure générale ; mais simplement, une femme qui a cru.
Il y a même, vous l'avez remarqué, un certain suspense dans cette histoire. Marie allait-elle accepter ? Peut-être même que Dieu a appréhendé son refus... Sinon, cela voudrait dire que Dieu n'aurait pas respecté sa liberté de choix. Or, Dieu n'aurait pas pu agir sans cette réponse positive de Marie... Ceci, Péguy l'a bien saisi quand il écrit : "Toute l'histoire de l'humanité est suspendue à ce "oui".
Dieu donne le salut ; mais il fait participer une femme, en première ligne, à cette histoire du salut. Entre parenthèses, d'un tel type de choix, notre Eglise catholique n'a pas tellement su tirer la leçon ; en effet, elle considère toujours un peu, sans l'avouer, les femmes comme moins capables, moins dignes, inférieures et subordonnées à une certaine domination culturelle ancestrale du pouvoir masculin. Ceci est d'ailleurs l'un des points sur lequel travaille le pape François, sensible à cette question.
Pas forcément d'ailleurs pour que des femmes deviennent prêtres tout de suite, ou évêques, mais pour que l'on sache, dans l'Eglise catholique, leur donner des responsabilités fortes. Par exemple, en tant que théologiennes compétentes, biblistes, formatrices dans les grands séminaires ; ou encore, comme conseillères avec de vrais pouvoirs dans les conseils auprès des évêques comme au Vatican. D'autre part, quand on considère les assemblées d'évêques à Lourdes, totalement masculines, l'on peut aussi se poser des questions quant au respect accordé aux femmes dans notre religion ! Les idées ne manquent pas. Encore faut-il que les hommes au pouvoir dans l'Eglise catholique méditent davantage cette parole biblique de la Genèse : "il n'est pas bon que l'homme soit seul" ; et ceci, pas seulement dans le mariage, mais y compris dans le pouvoir ecclésial. Les tristes événements récents qui ont mis à jour une certaine perversité dans le monde clérical, certains évêques et même le Nonce à Paris y compris, ont illustré ce manque de façon évidente !
C'est peut-être pour cette raison que Dieu, pour trouver la femme qu'il fallait pour enfanter son fils, n'a pas demandé aux responsables religieux juifs de l'époque de lui en chercher une : pas plus qu'aujourd'hui, ils n'auraient pas su faire...
Je termine, avec une constatation étonnante : au moment de la conception de Jésus en elle, Marie ne fait rien : pas de grands gestes, ni de mouvements d'humeur. Elle ne fait pas non plus de grandes considérations ni de grands projets. Pas plus qu'une grande action miraculeuse. Elle laisse simplement son coeur s'ouvrir, elle accueille Dieu qui veut naître en elle ; nous montrant ainsi l'attitude qui doit être la nôtre à l'occasion de Noël : laisser nous aussi Jésus naître et grandir en nous, chaque jour un peu plus, pour le salut du monde.
Un monde blessé, malade et replié sur lui-même ; qui risque même, en dépit de tous les vaccins, d'étouffer, de mourir, si ne naît pas en nous, et pour tous, le Sauveur !
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J'invite ceux qui le veulent à poursuivre en musique leur prière à Marie, mère du Sauveur. Pour cela, nous allons nous déconfiner un peu, en allant entendre à Moscou un choeur d'enfants chantant un Ave Maria composé en 1970 par le compositeur russe Vavilov (1925-1973).
2 commentaires:
Merci Olivier pour ce beau commentaire de l'annonciation qui nous ouvre des chemins d'espérance. Il est quand même étonnant ce Dieu qui pour s'approcher de nous, va chercher cette petite femme perdue dans cette petite bourgade de Nazareth en Galilée. Une région rejetée, méprisée par les hautes autorités religieuses, qui estimaient que les Galiléens ne pourraient même pas prétendre à la résurrection. " Que pouvait-il sortir de bon de Nazareth ?".
Et pourtant, c'est là que Dieu vient implanter sa "résidence secondaire". C'est de là que Jésus le Messie va partir pour transmettre son message d'Amour et nous révéler toute la tendresse de son Père.
Dieu continue de naître aujourd'hui chez les sans grades, les gens sans toit, sans terre, sans droit...Mais il ne peut naître que si comme Marie, nous répondons oui pour faire vivre la fraternité universelle.
Joyeux Noël à toi et tous tes fidèles lecteurs.
Quelle belle histoire tu nous racontes là, Olivier !
Un grand merci de nous faire partager cette homélie. C'est un vrai cadeau de lire ce récit et les réflexions qui l'accompagnent (notamment sur la place que l'on accorde aux femmes dans l'Eglise).
La surprise, l'inédit, l'inattendu... Dieu sait toujours se présenter et s'offrir à nous là où on ne l'attend pas forcément.
Je salue l'audace, la confiance et le don de soi dont a fait preuve cette Marie qui a participé à toute l'oeuvre de Dieu et à la naissance de son fils Jésus. Elle sans qui tout cela n'aurait pas été possible non plus !
Merci aussi pour le très beau chant de Choeur que tu nous proposes en partage, Olivier !
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