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...Alors, en réponse à vos attentes, Olivier Gaignet vous propose de vous exprimer librement.
Ici, tout pourra être dit dans les limites de la courtoisie et du respect mutuel.

Merci d'avance de votre participation.


Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



mardi 29 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2792 : "Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez !" (Luc 10/23)

 Comme lors de chaque messe en la belle chapelle de Bourgenay, ce mardi matin, j'ai partagé quelques brèves réflexions autour des lectures de ce jour.  Avec beaucoup de bonheur aujourd'hui. En effet, relativement souvent, dans les évangiles, l'on entend Jésus exprimer ses déceptions : de ne pas être compris, d'être chagriné de l'attitude peureuse ou mesquine des uns et des autres ; on le voit même pleurer sur Jérusalem, supplier ses disciples de mieux le comprendre...

Par contre, l'évangile de ce jour commence par nous dire que "Jésus exulta de joie, sous l'action de l'Esprit-Saint."  Il vient d'accueillir les 72 disciples, qu'il avait envoyés en mission, quand "ils revinrent dans la joie, disant : "Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom." (Luc 10/17)

En cette période, où nous voyons surtout ce qui ne va pas, tant dans le monde que dans l'Eglise, une telle page d'Evangile nous fait grand bien !  En effet, après avoir pleuré sur nos péchés et ceux des autres, prenons-nous aussi le temps de regarder ce qui bouge, ce qui avance, ce qui grandit ?  En effet, comme le disait un ancien président des évêques de France, Mgr Duval, archevêque de Rouen : "Les pessimistes ne sont pas des modèles évangéliques !"  De la même façon, je cite souvent cette remarque impressionnante de vérité de Georges Bernanos : "Les chrétiens tristes sont des imposteurs !"

D'où le bien que nous fait cette magnifique béatitude citée dans l'évangile de ce jour : "Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez !"  Car à tous, il nous est donné de voir de belles choses, sans cesse, et, sans aller chercher au loin, déjà, tout près de nous.

Ainsi, quel bonheur d'avoir rencontré des personnes heureuses de leur messe de dimanche dernier, à St Pierre de Talmont, messe admirablement animée avec l'harmonie de la commune.  Enfin une messe joyeuse et festive !

Et toutes ces personnes qui, sans cesse, chaque jour, même par temps gris, viennent visiter notre chapelle de Bourgenay, s'incliner devant Notre-Dame de l'Espérance, allumer une bougie en faisant un signe de croix ; et parfois, en laissant un mot, une prière, sur le cahier d'intentions. 

Mimi, présente ce matin, nous a dit alors, au moment de l'homélie, combien elle avait trouvé très beau le climat de la célébration, lors de la cérémonie de sépulture de son époux Guy, pas plus tard que jeudi dernier.

On pourrait évoquer aussi cette paroissienne, qui a le souci, chaque semaine, de consacrer un après-midi, avec deux autres copines, pour aller passer un moment et jouer aux cartes avec une amie, isolée, et qui ne peut plus se déplacer.

Et il y avait la soirée de préparation au baptême vendredi dernier, avec les catéchumènes de notre paroisse, dont l'une participait à notre eucharistie ce matin.

C'est aussi cela, l'Eglise, qu'il nous faut voir, et savoir apprécier...  Quel malheur ce serait en effet, de ne repérer que ce qui est en train de s'écrouler...

Halte aux "cathos grognons", comme aime à les qualifier le philosophe Denis Moreau.

Et une petite réflexion pleine d'humour de l'écrivain Patrick Kéchichian en terminant : "Pourquoi chercher à faire bonne figure quand on a la gueule tordue ?  On pris avec ce qu'on est, avec ce qu'on a, même si ce n'est rien !"

samedi 26 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2791 : A propos de la démarche de Gad Elmaleh...

 A propos de Gad Elmaleh, tous les Juifs ne le suivent pas sur son chemin spirituel.


En mettant en scène dans « Reste un peu » sa proximité avec le catholicisme, le comédien réveille la sensibilité douloureuse du judaïsme aux conversions, héritée de l’histoire.

Par Pierre Jova, publié le 25/11/202. P. Jova est journaliste à "La Vie", "Le Monde", "Le Figaro", "Famille Chrétienne"...

Dans l’enthousiasme médiatique qui accompagne la sortie du film Reste un peu, où Gad Elmaleh met en scène son attrait pour le catholicisme, des voix n’ont pas été entendues : celles de la communauté juive francophone. Cette dernière, estimée à 500 000 personnes en France et quelque 300 000 en Israël, est très composite, même si la population séfarade, traditionaliste et d’origine nord-africaine, y est devenue majoritaire depuis la Seconde Guerre mondiale et l’exil des pieds-noirs d’Algérie. Elle a donc réagi diversement au « coming out » d’une de ses figures les plus populaires, née au Maroc et ayant étudié le Talmud dans une yeshiva, un établissement d’enseignement supérieur religieux.

Certains prennent le parti d’en rire, comme le site satirique Chlomo Hebdo : « Gad Elmaleh est tombé amoureux de la Vierge Marie. Qu’un juif s’extasie devant une mère juive et vierge ne devrait étonner personne. » D’autres, comme la chaîne israélienne francophone i24NEWS ou le média de divertissement JewBuzz, traitent le sujet avec curiosité et bienveillance. Néanmoins, ailleurs, une sourde réprobation mêlée de tristesse entoure la promotion du film.

Le souvenir des conversions au Moyen Âge

« Qu’un humoriste se sente attiré par la Vierge Marie et le catholicisme, c’est son problème, mais que cela prenne une telle ampleur dans les médias est plus gênant », écrit dans Actualité juive le rabbin Mikaël Journo, aumônier général israélite des hôpitaux de France, et candidat malheureux à l’élection du Grand Rabbinat en 2021. « Troquer les colères et les commandements de l’Éternel (la glorieuse intransigeance de l’Ancien Testament) pour la prosodie toute mollassonne des Évangiles, c’est comme de renoncer à la viande pour s’enamourer de tofu », glose sur Slate le journaliste Laurent Sagalovitsch, dans un billet au titre assassin : « Et Gad Elmaleh devint Goy Elmaleh » (le mot « goy » désigne un non-juif).

Sans surprise, les coups les plus durs sont venus de rabbins orthodoxes. Sur YouTube, le rav (rabbin érudit) israélo-suisse Ron Chaya, suivi par 50 000 abonnés, met en garde contre « le danger spirituel » que représenterait Reste un peu, sans l’avoir vu : « Ce film, sous prétexte d’une comédie familiale, diffuse des idées à l’opposé de la loi juive et de la pensée juive. » De son côté, le rabbin franco-israélien David Touitou, habitué aux déclarations polémiques, interpelle le comédien du haut de ses 25 000 abonnés : « Tu veux déstabiliser la foi juive qui a été la garantie de notre existence jusqu’ici. »

Les catholiques l’ignorent ou l’ont oublié, mais Gad Elmaleh et son film heurtent de plein fouet la sensibilité à fleur de peau de la communauté juive à l’égard des conversions au christianisme. « Nous avons l’impression d’être ramenés aux disputatio du Moyen Âge ! », s’exclame spontanément un rabbin parisien anonyme : notre interlocuteur fait référence aux débats théologiques se tenant à Paris en 1240, Barcelone en 1263 et Tortosa en 1414, qui virent des juifs convertis au christianisme faire le procès de leurs anciens coreligionnaires, sommés de reconnaître en Jésus le Messie.

À l’issue de ces confrontations iniques, 10 000 volumes du Talmud furent brûlés à Paris en place de Grève, de nombreux juifs furent obligés de se convertir et la disputatio de Tortosa préfigure le décret de l’Alhambra, signé par les rois catholiques d’Espagne en 1492, ordonnant l’expulsion des juifs de la péninsule. Dans la mémoire israélite, ces faits sont aussi brûlants que s’ils avaient eu lieu il y a un demi-siècle.

Une corde sensible chez les juifs

« C’est clair que cela réveille quelque chose de très douloureux », abonde le rabbin Rivon Krygier, de la communauté Adath Shalom, à Paris. « Dans toute relation humaine, il faut remettre les événements dans l’histoire, les traumatismes, le contexte. Or, nous touchons là une corde sensible, qui rappelle la vieille oppression menée contre le peuple juif pour le convertir. Les acteurs sont les héros de la société moderne, beaucoup plus que les penseurs : leurs choix personnels prennent donc une dimension symbolique et affective. »

Rattaché au judaïsme massorti (« traditionnel »), qui se distingue des courants orthodoxe et libéral en empruntant à la modernité tout en conservant un fort attachement à la Halakha (« loi »), le rabbin est engagé dans le dialogue judéo-chrétien. En 2010, il a tenu une des conférences de carême à Notre-Dame de Paris, au grand déplaisir des catholiques intégristes. Son propos se veut mesuré : « Dans une société pluraliste, chacun doit être libre de choisir sa confession. De ce point de vue, il faut respecter la conscience individuelle. Mais il est normal que les juifs rappellent à d’autres juifs le devoir de mémoire et de fidélité à notre vocation. »

Par ailleurs, Rivon Krygier souligne la dissymétrie entre le judaïsme, comptant environ 15 millions de personnes dans le monde, dont 7 millions en Israël, et le christianisme, rassemblant plus de 2,6 milliards de croyants, dont 1,3 milliard de catholiques. « Le rapport de force n’est pas le même ! Le peuple juif est une petite minorité. Il y a un sentiment commun de rester vigilant pour perpétuer cette identité. »

Cette crainte de s’éteindre permet d’éclairer la stupeur de Jean-Pierre Elkabbach face à Véronique Lévy, sœur de Bernard-Henri Lévy et devenue catholique, dans une émission de 2015 sur Public Sénat : « Il vaut mieux pour les juifs que leur destinée ne soit pas de se fondre dans des conversions qui les fassent disparaître, pire que d’autres ont essayé de le faire », s’était ému le journaliste.

À la fois religion et communauté ethnique et culturelle

Selon la théologie juive, la conversion à une autre confession n’a aucun effet sur la judéité. « Si quelqu’un est né juif, il reste juif toute sa vie. Il ne peut pas le changer, il peut seulement rendre sa vie plus compliquée », répondit Menachem Mendel Schneerson, chef spirituel du mouvement loubavitch, au peintre Daniel Lifschitz, qui lui faisait part avec enthousiasme de sa conversion au catholicisme. « Si quelqu’un pense de sa maladie que c’est une chose saine, c’est seulement le signe que sa maladie est plus aiguë », sermonna durement le rabbin, dans une vidéo sans doute tournée à la fin des années 1980 et qui a été exhumée par les réseaux orthodoxes à la faveur de la sortie du film de Gad Elmaleh.

Les juifs qui devenaient chrétiens étaient mis au ban de la vie communautaire, et les plus radicaux ont conservé cette approche. De même, les mariages mixtes sont découragés par les juifs observants. Le malentendu entre juifs et chrétiens réside notamment dans le fait que le judaïsme, outre sa foi, est une communauté ethnique et culturelle, soudée par une tradition plurimillénaire, là où le christianisme valorise l’adhésion personnelle au Christ.

Cette complexité a permis à plusieurs convertis de continuer à se reconnaître dans l’histoire et les traditions du peuple juif, comme Aron Jean-Marie Lustiger. Disparu en 2007, le cardinal de Paris était parvenu à gagner l’estime de nombreux responsables juifs. Il est l’inspiration avouée de l’ancien rabbin orthodoxe devenu catholique Jean-Marie Élie Setbon, auteur du livre De la kippa à la croix (Salvator, 2013), dont le ton polémique choqua certains lecteurs, et de Gad Elmaleh, qui achève son film par les mots du prélat : « J’ai estimé que je devenais juif parce qu’en embrassant le christianisme, je découvrais enfin les valeurs du judaïsme, bien loin de les renier. »

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Dans la douloureuse histoire juive européenne, les conversions au christianisme furent nombreuses au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle. « C’était la période de l’émancipation, rappelle Rivon Krygier. Beaucoup ont adopté la religion ambiante, qui a façonné la culture occidentale pour entrer dans les sphères intellectuelles et culturelles. »

Cependant, lors de la Shoah, beaucoup de convertis furent traités comme les juifs : le poète français Max Jacob et la carmélite d’origine allemande Edith Stein moururent en déportation. De quoi persuader de nombreux juifs que se convertir est vain, en plus de les arracher à leur identité.

L’affaire Finaly, après la Seconde Guerre mondiale, est un autre traumatisme pour les Juifs français : deux enfants, Robert et Gérald Finaly, dont les parents ont disparu à Auschwitz, sont mis à l’abri en 1943 par une institution catholique pour les sauver du même sort. Une personne les recueille, et, refusant de les rendre à leurs tantes en 1945, les fait baptiser en 1948. Après avoir été dissimulés par la congrégation Notre-Dame de Sion, fondée par les frères Ratisbonne, juifs alsaciens convertis, les enfants sont rendus à leur famille en 1953.

D’autres cas sont encore plus complexes. On connaît bien celui d’Aron Lustiger, caché à Orléans par la directrice d’un établissement catholique, qui demande le baptême en 1940, à l’âge de 14 ans, malgré le désaveu de ses parents. On connaît moins celui de Jean-Jacques Francfort : né en 1931, ce jeune juif vivant à Metz est exfiltré en zone libre après l’arrestation de sa mère, entrée dans un réseau de résistance, et accueilli dans un milieu catholique. « Le curé pourtant pétainiste n’a jamais rien dit », témoigne sa petite-fille, Cécile.

À l’instar de tous les adolescents de son âge, il prépare sa première communion… tout en n’étant pas baptisé. « Mon grand-père vivait mal cette situation de mensonge, et il redoutait de commettre un sacrilège. Il a donc demandé à une autre enfant de le baptiser, sur un pont. Après la guerre, l’Église a jugé son baptême valide. De retour à Metz, on lui a dit qu’il avait l’âge de faire sa bar-mitsva (cérémonie d’entrée dans la majorité religieuse, ndlr), mais son père, juif pas très pratiquant, a répondu avec humour : “Il a donné à la concurrence. Ayant compris que sa maman ne reviendrait pas, il a demandé à la Vierge Marie de devenir sa mère." »

Jean-Jacques Francfort est mis au ban de sa communauté d’origine, et doit travailler dur pour payer ses études de médecine à Strasbourg. « Il a dû faire face à l’hostilité de certains médecins juifs, qui lui reprochaient sa conversion, et à la méfiance des catholiques, raconte sa petite-fille. Heureusement, il a fréquenté lors de ses études le groupe de jeunes de Pierre Bockel, prêtre résistant, où il a rencontré puis épousé ma grand-mère, une jeune veuve allemande catholique. » Ami de Lustiger, Jean-Jacques Francfort est décédé en 2009, et Cécile garde de cette épopée familiale une conscience profonde des racines juives du christianisme, qu’elle pratique avec ferveur.

Une palette de positions

L’État d’Israël né en 1948, tout en étant laïc et garantissant la liberté de culte, reprend cette mémoire douloureuse à son compte en encadrant strictement le prosélytisme chrétien. En 2020, la chaîne évangélique américaine GOD TV a été retirée des ondes israéliennes, de peur qu’elle ne diffuse un contenu chrétien aux spectateurs. Les juifs messianiques, convertis proches du protestantisme évangélique, sont parfois victimes d’agressions de la part de certains juifs ultraorthodoxes et militants nationalistes religieux.

En Israël comme en France, un usage répandu dans les milieux juifs traditionalistes consiste à ne pas mentionner le nom de Jésus. « Certains estiment qu’il y a un danger à le dire », note le rabbin Krygier, qui ne s’y retrouve pas : « C’est une stratégie un peu primaire de se confronter à l’autre, comme si on manquait soi-même de conviction ! »

Sur le plan théologique, le judaïsme a cependant connu une grande variété d’interprétations au sujet du christianisme, identifié, selon une certaine tradition exégétique, à la descendance d’Esaü, le frère brutal et désinvolte du patriarche Jacob. Même sous les pires persécutions, des sages médiévaux notaient que les chrétiens révèrent les enseignements de la Torah. Mais beaucoup ont conclu que cette confession est un culte « étranger », voire « idolâtre », à cause des images pieuses et de la croyance en la Trinité, et ont proscrit l’accès des juifs aux églises, contrairement aux mosquées. Enfant, Gad Elmaleh a bravé cet interdit en pénétrant dans une église catholique de Casablanca, qu’il désigne comme point de départ de sa quête spirituelle.

 « De nouveau, il y a une palette de positions, détaille Rivon Krygier : les plus radicaux vont dire qu’une église est un lieu idolâtre. Les religieux modernes ne voient pas le christianisme comme une idolâtrie mais comme un culte étranger, et qu’il n’y a aucun mal à s’intéresser à l’art et à l’architecture des églises. »

Passionné par les sources chrétiennes (textes des Pères de l’Église), le rabbin n’a pas hésité à se rendre aux funérailles du prêtre et théologien Jean Dujardin, apôtre du dialogue judéo-chrétien, en 2018. « Toutefois, un juif qui participerait activement au culte chrétien, ce n’est pas un acte indifférent. Je comprends qu’un chrétien puisse prier les psaumes dans une synagogue, puisque pour lui le judaïsme est le premier étage de la fusée ! Mais un juif qui prie le Christ, oui, il ne se renie. »

Conversions au judaïsme

Inquiet des conversions à d’autres confessions, le judaïsme ne ferme pas la porte aux croyants voulant le rejoindre. Conjoints de juifs, chrétiens subjugués par l’univers de la Torah ou individus en recherche, il y a toujours des adeptes pour prendre ce « sentier peu fréquenté », selon les mots de Didier Long, ancien moine bénédictin de l’abbaye Sainte-Marie-de-la-Pierre-qui-Vire, qui a vécu sa brit milah (cérémonie de circoncision) en 2016.

Pourtant, les conversions au judaïsme sont réputées difficiles et prennent plusieurs années, sauf chez les libéraux. « Il peut y avoir des conversions orthodoxes très expéditives, et des conversions libérales plus longues », nuance le rabbin massorti, rappelant que la conversion revient à intégrer le peuple juif, avant même de pratiquer tel ou tel rite, à la suite de Ruth la Moabite, citée dans la Bible : « Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu mon Dieu » (Ruth 1, 16). Dans la communauté de Rivon Krygier, des cours sur le judaïsme sont proposés au-delà des néophytes : « Il y a aussi des personnes qui ne veulent pas se convertir, et qui veulent découvrir le judaïsme ! Il y a aussi des juifs qui étudient à la Catho de Paris ou aux Bernardins ! »

En définitive, l’épisode Gad Elmaleh est-il un coup de pouce, ou un coup dur pour le dialogue judéo-chrétien ? Certains y voient un moment de vérité, désagréable pour les deux parties, telle Noémie Issan-Benchimol, philosophe juive française établie en Israël. « Je sais gré à Gad Elmaleh d’avoir mis le coup de pied dans la fourmilière », dit-elle dans un entretien au site d’éducation numérique juif Akadem. « Depuis Vatican II, il (le dialogue entre juifs et chrétiens) fonctionne, et plutôt bien, sur un non-dit, sur une décision commune de mettre certaines choses sous le tapis : les chrétiens renoncent à professer la conversion des juifs, et les juifs renoncent à la polémique antichrétienne, qui a pu être violente et grossière », explique-t-elle.

Le dialogue judéo-chrétien en question

Or, avec l’affaire Elmaleh, « on a l’impression que les juifs découvrent, face à la joie des chrétiens d’accueillir un nouveau converti juif célèbre, que le désir de conversion n’a pas complètement disparu ; et les chrétiens face aux réactions communautaristes ou réservées des Juifs découvrent que l’amitié n’est peut-être pas si profonde ».

Selon Rivon Krygier, le dialogue judéo-chrétien constitue un héritage à préserver. « Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, on peut s’écouter, se respecter et travailler ensemble ! C’est un vecteur d’humanisation qui reste d’une actualité brûlante, et qui peut avoir une incidence sur les autres spiritualités, notamment l’islam. C’est un enjeu important de civilisation, pour construire une spiritualité qui permet à la fois le respect des particularismes et la vision universaliste », plaide-t-il.

En 2023, le rabbin fêtera le vingtième anniversaire du groupe interreligieux Agir pour la fraternité, cofondé avec l’ancien journaliste de La Vie Laurent Grzybowski, qui rassemble, à l’échelle du XVe arrondissement de Paris, sa communauté, la paroisse catholique Saint-Léon, et une mosquée voisine. « Le fait d’être encadré dans un groupe désamorce la peur de se faire récupérer. Cela rassure et cela construit quand on est accompagné. »

De son côté, le jésuite Marc Rastoin, très investi dans les relations avec le judaïsme et critique de cinéma, d’abord méfiant devant le battage médiatique autour de Reste un peu, a signé une appréciation élogieuse du film sur son site personnel. « Il est très respectueux du judaïsme comme du catholicisme. Il est excellent pour montrer qu’une recherche “individuelle” n’est jamais que cela car on appartient toujours à une famille, un cercle d’amis, et que “changer de religion” (…) est toujours un tremblement de terre collectif et pas seulement personnel, souligne le prêtre cinéphile. Au-delà de son cas personnel, Gad invite au fond chacun à chercher, à laisser parler sa soif de métaphysique et de spiritualité. Il dit : “Chiche, cherchez, questionnez, dialoguez avec des interlocuteurs variés” : une attitude au fond très juive. » Gageons que l’audace du comédien permettra aux juifs et aux chrétiens de continuer à mieux se connaître et se fréquenter.

dimanche 20 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2790 : Ce n'est pas la fin de l'Eglise !

 Avec tout ce que l'on apprend en ce moment, l'on serait tenté de penser que s'en est fini de l'Eglise, et que nous en arrivons au commencement de la fin.  D'ailleurs, dans son ouvrage "L'Archipel français", publié au Seuil en 2019, le politologue Jérôme Fourquet déclare même ceci : "Il y a une déchristianisation croissante qui mène à la "phase terminale" de la religion catholique... Si cette tendance se confirme, on estime que 2048 pourrait être l'année du dernier baptême, et 2031 celle du dernier mariage catholique.  On pourrait même voir la disparition totale des prêtres français en 2047 !"

Sans doute l'Eglise catholique traverse-t-elle une étape difficile, il ne faut pas se boucher les yeux !  Mais n'en est-il pas ainsi depuis 2000 ans ?  Me reviennent à l'esprit les cours d'histoire de l'Eglise reçus au grand séminaire, lorsque le prêtre qui était notre professeur d'histoire, le père Arsène Bulteau, que nous surnommions avec affection "mon bon Monsieur", nous permettait de découvrir la vie de l'Eglise au travers des siècles ; avec son lot de scandales, de croisades, de massacres, d'inquisition, de fourberies, de guerres de religions, d'opprobre et en un mot, de péché.

Bien sûr, il ne nous parlait pas que de ce qui était négatif, et il a su nous apprendre à aimer l'Eglise ; il nous a surtout permis de comprendre qu'elle était à la fois pécheresse et sainte, que le mal n'aurait pas sur elle le dernier mot, et qu'elle avait les paroles de la vie éternelle.  A la suite des faits ci-dessus, l'Eglise aurait dû s'écrouler 100 fois ! J'ai retenu l'un des bons mots du père Bulteau, plus qu'une boutade, une réflexion qui garde encore toute son actualité de nos jours : "Si l'Eglise n'était pas divine, il y a longtemps que les curés l'auraient tuée !"

Lorsque, comme nous le rappelons en cette fête du Christ-Roi, Jésus a été mis en croix, les politologues de l'époque auraient sûrement pu prédire qu'il en était fini de sa royauté, et que son message de délivrance serait vite oublié.  De la même façon, même en nos jours enténébrés, veillons à ne pas enterrer trop vite l'Eglise - Corps du Christ, qui est beaucoup plus large que "l'église-hiérarchie".  Pour ne prendre que cet exemple, la conduite scabreuse de papes comme Nicolas V, Pie II, Sixte IV, ou encore Alexandre VI, qui a eu plusieurs enfants (revoyez votre histoire), rien de cela n'a fait chuter l'Eglise définitivement...  Et pourtant !

Puisse l'Eglise actuelle fixer davantage son regard sur le Christ roi-serviteur, et se laisser ainsi renouveler en profondeur, dans l'esprit des Béatitudes.  Ceci est d'ailleurs une tâche qui est confiée à chaque membre du Peuple de Dieu, et non pas au clergé seulement.

En tout cas, comme le disait justement Georges Bernanos : "La grande entreprise divine ne saurait être compromise par la médiocrité de ses instruments."

De son côté, François Mauriac déclarait : "A ceux qui me demandent si je désespère de l'Eglise, je réponds ce que je crois profondément : qu'elle est la dernière chance au monde."

vendredi 18 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2789 : Un appel fraternel de la Petite Communauté Saint Claire

 Merci de prêter attention à cet appel, accompagné d'une prière pour l'Eglise de demain.

Chers amis,


Nous savons que vous partagez notre souci d’un monde plus fraternel, qui est pour nous relié à notre désir de fidélité à l’Evangile. Aujourd’hui, nous vous rejoignons pour vous parler d’un  projet, en lien avec notre engagement de 30 ans à la Petite Communauté Sainte Claire :
 
Depuis 2006, la Petite Communauté a la chance de pouvoir déployer ses activités et rencontres dans la Maison du 42, mise à la disposition par le Diocèse de Luçon.
Nous y vivons une vie d’amitié, de services mutuels, d’activités variées avec des hommes et des femmes marqués  par des vies difficiles.


Avec les années, la configuration des lieux (notamment des marches !)  est de plus en plus cause de souci : La Maison du 42 devient  difficile d’accès aux plus fragilisés.  Si nous voulons continuer à accueillir largement, nous devons améliorer d’urgence l'accessibilité de la maison.  Celle-ci passe par des rampes, une allée sécurisée et accessibles à un fauteuil pour aller à l’oratoire  et la construction d’une terrasse mettant de plain-pied la maison et l'espace vers le jardin.  En lien  avec le  Diocèse, nous avons décidé de travaux indispensables: Il nous faut trouver 24 000 € pour compléter l’apport de l’Association Diocésaine.
 
 Nous avons besoin d’un large soutien pour rassembler cette somme et c’est pour cela que nous faisons  appel à vous !
 
Dans cette  période rude sur bien des plans, en premier pour les plus fragiles, nous croyons plus que jamais à ces « tiers lieux » où s’expérimente concrètement une fraternité  qui fait du bien à tous et qui est le signe  qu’un autre monde est possible ».  Nous croyons aussi  en ce qui nous concerne, que l’Evangile continue de s’écrire partout où les plus fragiles redeviennent   membres actifs  du corps social ou ecclésial.
 
Si vous vous sentez, d’une façon ou d’une autre, concerné(e)s…..
Rendez-vous sur le site Hello asso  « amis de la maison du 42 . Par le lien :

https://www.helloasso.com/associations/les-amis-de-la-maison-du-42/collectes/des-travaux-pour-ameliorer-l-accessibilite-de-la-maison-du-42
Vous y trouverez des vidéos  présentant la communauté et le projet d’aménagement  et un formulaire de don en ligne.
 
Un grand merci d’avance si vous pouvez :
 
- Contribuer financièrement au projet et permettre ainsi  à la Petite Communauté de continuer à animer cette  maison fraternelle. Vous le ferez selon votre désir et vos moyens via le site internet ou par chèque aux « amis de la maison du 42 » 42 Bd Briand 85000 LA ROCHE SUR YON


mais aussi :
- Transférer notre appel sur vos propres réseaux, (mails, twitter, facebook...) 
 
Nous vous tiendrons au courant de l’avancée de la campagne, et vous donnons rendez-vous pour fêter les 30 ans de la Petite Communauté en septembre 2023. 
Au nom de tous nos amis de la Petite Communauté, merci !


Elisabeth Avrit - Jacques Bailly et les membres de la Petite Communauté Sainte Claire

 



Prière de la Petite Communauté ( qui avait été faite pour les 700 ans du Diocèse de Luçon)

EGLISE DE DEMAIN

A l’Eglise de demain, tu  redis,   ô Dieu Trinité,  ce désir qui habite ton cœur de Père : que chaque être humain sache qu’il est aimé de Toi,  que sa vie est sacrée, précieuse, encore  plus quand elle est abîmée.

 
A l’Eglise de demain, tu donnes Jésus  comme modèle et  source pour que  nos paroles, nos gestes soient toujours  plus fidèles à sa façon d’aimer et de servir.


Que ton Esprit aide l’Eglise de demain à être toujours plus diaconale : diaconie du lavement des pieds qui se prolonge autour de la table  ouverte, pain et tendresse multipliés, prière et Parole partagées. Merci pour nos petites et grandes communautés, pour tous les hommes de bonne volonté  qui sont tes mains, ta bouche, tes pieds dans nos villes, nos villages, nos quartiers….


A ton Eglise de demain, tu donnes un trésor :  les plus petits, les plus fragiles d’entre nous, ceux qui viennent ou reviennent de loin :  C’est à eux d’abord que tu révèles tes mystères.

Par eux, nous apprenons que nos fragilités ne sont pas des obstacles, mais passages pour ta grâce. Avec eux,  l’Evangile devient livre vivant écrit par nous tous.


Par toi, Dieu Trinité de tendresse et avec  eux,  nous devenons Bonne Nouvelle pour un monde qui en a bien besoin. A l’Eglise de demain tu redis : « vivez en frères  et le monde me connaîtra »
.


                   

lundi 14 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2788 : Le ressenti d'une ancienne paroissienne face aux scandales

Bonsoir Olivier,

Je me permets de vous transmettre tel quel le message que je viens de recevoir d'une ancienne paroissienne, très active dans la vie de l'Eglise.

Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi poster un commentaire, ou m'envoyer un mail à publier, sur ce sujet.

Cela pourra aider, soulager, éclairer d'autres lecteurs...  Merci à vous !              

 

  Comment vas-tu ? J'espère que ton problème de santé est résolu ou sur le point d'y être. C'est mon souhait le plus cher pour toi.    Merci encore pour tes billets si vivifiants, relatant l'actualité douloureuse de ces dernières semaines concernant notre Eglise en particulier Tu nous invites sans cesse au discernement. Oui, de tout cœur, merci !

                Comme beaucoup, j'ai très mal, j'ai honte, je suis choquée, je pense et je prie d'abord pour les victimes qui vivent un chemin de croix interminable pour la plupart. Des souffrances cachées qui brisent des vies. Quel supplice !

                Je suis stupéfaite des révélations concernant M. Santier, et J.P. Ricard, mais ma foi reste intacte, elle est même renforcée car je me tourne vers tous les prêtres intègres, qui se donnent sans compter au service de la mission, à qui je renouvelle ma confiance.

                 Qui suis-je pour juger ? Je suis pécheresse moi aussi et mes parents m'ont appris "A tout péché miséricorde " Dieu est Amour !  Je garde le positif de ce j'ai reçu de M. Santier tout en rejetant et condamnant fermement les faits dont il est coupable. Je prie pour lui, et tous ses confrères englués dans le mal qui a détruit tant de victimes., et qui déboussole bien des gens chrétiens ou pas... 

                Je demande à l'Esprit-Saint d'éclairer nos responsables de l'Eglise afin qu'elle se renouvelle. Vivre en vase clos est nocif ! L'opacité est mauvaise conseillère. En plus, il est temps de donner la parole à des personnes en dehors du cercle habituel de décisions. Des femmes en particulier. Nous sommes le Peuple de Dieu "Hommes et Femmes". Nous sommes complémentaires...

                Voilà simplement mon ressenti partagé avec toi. Je t'en souhaite bonne réception en t'assurant de mon amitié priante et fraternelle. 

                                          Vévette

 

jeudi 10 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2787 : "Le règne de Dieu est au milieu de vous !" (Luc 17/21) Et l'Eglise ?

 En ce moment, nombre de catholiques se demandent si vraiment le règne de Dieu avance, avec tout ce que nous vivons.  Même s'il ne faut évidemment pas dire trop vite que les uns les autres sont des pharisiens, nous sommes un peu dans la position de ces pharisiens qui, dans l'évangile de ce jeudi (Luc 17/20-25), "demandent à Jésus quand viendrait le règne de Dieu ?" Car ils doutent fort de sa venue... La fin de l'évangile de ce jour dit aussi : "Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, et qu'il soit rejeté par cette génération."  On a vraiment le sentiment que cette déclaration de Jésus est faite pour aujourd'hui, tandis que nous éprouvons comme une certaine absence de Jésus, fort douloureuse pour tous  !  Comme les pharisiens, nous sommes plongés dans un doute légitime, à vue humaine du moins !

Cependant, dans son message évangélique, Jésus dit aussi : "Voici que le règne de Dieu est au milieu de vous." (Luc 17/21)  Mais alors, si Jésus le dit, c'est que c'est vrai !  Et que, malgré les turpitudes et la désolation, le règne de Dieu est bien là ; Jésus ne nous a pas quittés...

Je disais cela ce matin aux participants à la messe en la chapelle de Bourgenay, dans le but de nous aider à garder confiance en l'avenir du l'Evangile et de l'Eglise. J'ai cité alors deux exemples :

-  lundi soir, avec l'équipe locale du Secours Catholique, composée de 20 à 25 personnes très motivées, nous avons passé plus de deux heures à partager nos rencontres avec des personnes en détresse, préparé la prochaine journée nationale du Secours Catholique, commencé à prévoir l'arbre de Noël pour les enfants des familles accompagnées, etc.   Le règne de Dieu était là !

- autre fait :  hier soir mercredi, rencontre du Conseil d'administration de notre association interreligieuse "Dialogue pour la Paix" sur le Pays des Olonnes. Avec des personnes venant du bouddhisme, du judaïsme, du protestantisme et du catholicisme.  Quand je vois ces personnes de différentes religions rechercher quelles initiatives prendre ensemble pour oeuvrer en faveur de la fraternité, il me semble aussi que le règne de Dieu est déjà là !

Comme disait l'écrivain et théologien protestant danois Kirkegaard : "Le salut marche invisible avec les affligés sur la route."  En conséquence, ne nous décourageons pas, et continuons à guetter, tout près de nous comme à travers le monde, les multiples signes de la présence et de l'avancée du règne de Dieu. C'est cela, une partie de notre travail de baptisés !

De toute façon, même après tous les crimes sexuels commis par des gens d'Eglise, n'oublions jamais cette supplique de Bernanos dans "Les Grands cimetières sous la lune" (1938).  Elle prend aujourd'hui tout son sens :

"L'Eglise, écrit-il, je ne la souhaite pas parfaite, elle est vivante.  Pareille aux plus humbles, aux plus démunis de ses fils, elle va clopinant de ce monde à l'autre monde ; elle commet des fautes, elle les expie, et qui veut bien détourner un moment les yeux de ses pompes, l'entend prier et sangloter avec nous dans les ténèbres."

samedi 5 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2786 : Quel avenir pour l'Eglise ?

 Voici une réflexion très intéressante du Père Laurent Stalla-Bourdillon, aumônier des parlementaires, parue dans le journal "La Vie".

 

L’Église catholique de France, fragilisée par les révélations du rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels (Ciase) n’échappera pas à un audit de ses modes de fonctionnement. Elle vient d’y consentir en adoptant, le 8 novembre 2021, des mesures courageuses et nécessaires au terme de l’Assemblée plénière des évêques de France réunis à Lourdes.

Ils y furent encouragés par la vaste réflexion synodale voulue par le pape François. Un chemin d’écoute et d’humilité pour se réorienter, sortir des impasses et se donner les moyens de remplir sa mission. Du recrutement de ses prêtres à leur formation, de la promotion à de hautes fonctions dans la hiérarchie ecclésiastique aux outils de contrôle, tout le système d’administration de l’Église catholique appelle un examen profond. Il en va de sa place dans un monde en pleine mutation qu’elle peine à rejoindre et à comprendre.

Interroger les procédures d'admission

Peut-être faut-il rappeler avant toute chose que, selon la foi chrétienne, l’Église catholique n’épuise pas à elle seule l’Église du Christ, c’est-à-dire son Corps ressuscité vivifié par l’Esprit saint, amour éternel source de vie éternelle. Bien qu’assombrie par des divisions et encore captive de logiques de pouvoir, d’autorité qui finissent par dégénérer en abus, l’Église demeure au service d’une espérance intacte dans et pour le monde, semée dans la vie de tous les baptisés.

Si plusieurs chantiers sont prévus, dont l’accompagnement du ministère des évêques et des prêtres, il faudra oser interroger les procédures d’admission, de suivi et de « promotion » du clergé catholique afin qu’elles ne relèvent plus d’une cooptation discrétionnaire. Tout membre du clergé « naît » au terme de décisions prises par des conseils selon des modalités qui restent inconnues en dehors du cercle restreint de ceux qui participent au choix.

Ce conseil demeure souvent constitué exclusivement d’hommes eux-mêmes déjà engagés dans le sacerdoce, de sorte que l’institution sélectionne son clergé sur des critères correspondant à la reproduction indéfinie d’un idéal établi. Si les évêques ont voté la participation d’au moins une femme au conseil de chaque séminaire avec droit de vote, qu’en sera-t-il de la nomination des évêques ?

La faible capacité de l’Église catholique à renouveler ses cadres la conduit à affecter les prêtres à des missions sans en préciser clairement les objectifs et sans s’assurer qu’ils présentent les conditions requises pour l’exercice des ministères qui leur sont confiés.

Lorsque prime le besoin d’assurer la continuité des activités, ce sont les compétences, acquises ou requises, qui cessent d’être correctement évaluées. En somme, l’absence criante d’anticipation des besoins et des moyens nourrit l’impression d’une gestion hasardeuse. Il n’y a pas de mal à ne pas avoir toutes les compétences, mais il est dangereux de ne pas le reconnaître.

Une relation verticale

Allons plus loin. Lorsque des prêtres sont appelés à l’épiscopat, leur gouvernance vient révéler leur personnalité, et malgré leurs qualités, leurs difficultés à user d’un pouvoir de décision très exclusif et selon des processus trop incertains quand ils existent. L’essentiel de la vie ecclésiale apparaît aujourd’hui trop concentré sur la relation verticale fondée sur l’évêque et son autorité.

Les trois charges d’enseigner, de sanctifier et de gouverner, qui sont la responsabilité de l’évêque selon le concile Vatican II, souffrent d’une lecture trop personnalisée et prive l'Église de précieuses collaborations. La centralité de l’autorité, doublée de l’obéissance religieuse qui lui est due, fait perdre en capacité d’analyse et augmente les risques.

Autrement dit, sans réel contre-pouvoir, l’autorité spirituelle se décline en autorité fonctionnelle, induisant une nouvelle confusion entre des ordres de natures différentes. Les attentes que suscite aujourd’hui le ministère épiscopal font peser sur les évêques une charge excessive au point d’épuiser leur capacité de rayonnement personnel.

Faire évoluer les pratiques

Les processus d’accès à la charge épiscopale méritent une attention particulière. Ne ressort-il pas d’un processus trop discrétionnaire et opaque pour être compris des fidèles ? Ceux-ci n’ont-ils pas un avis à donner sur celui qu’ils vont recevoir comme évêque ?

Après tout, les modes de désignation des évêques ne sont pas immuables. L’usage établi de dire que le pape nomme les évêques est et demeure une fiction. En vérité, le pape confirme un choix, résultant d’une sélection préalable, de prêtres qu’il ne connaît, sauf rares exceptions, pas du tout.

Pour marquer ces processus humains du sceau de la volonté divine, on nimbe l’appel à l’épiscopat du surnaturel. Le procédé n’est pas sans risque, car il déclasse la logique de l’écoute, et nourrit les intrigues de pouvoir. Rien de nouveau dans ce domaine. Les évêques reconnaissent volontiers qu’ils sont eux-mêmes surpris par l’annonce des nominations.

L’Église catholique n’aura pas fait évoluer ses pratiques à la manière d’autres institutions qui ont instauré des codes de bonnes pratiques. Sa singularité religieuse justifiait-elle son isolement auquel elle s’est progressivement condamnée sous ce rapport ?

On peut se le demander, tant ses logiques d’organisation paraissent aujourd’hui à bout de souffle. Sa manière souvent improvisée d’habiter le débat public et de communiquer a produit, contre son gré, une grande impression d’amateurisme.

Renouer le dialogue avec le monde

Dans ce monde nouveau de la communication numérique, l’heure est venue pour l’Église catholique de redéfinir ses priorités et de choisir les mots qui les énoncent. À cette condition seulement, elle évitera un nouveau déclassement et sortira de sa marginalisation. En conjuguant une plus grande participation des fidèles, une écoute des pulsations du monde et un engagement fidèle au service des plus pauvres, elle vaincra le discrédit moral qui l’affecte aujourd’hui.

L’heure est venue pour l’Église d’accepter humblement l’aide qui lui est indispensable pour développer une réflexion critique et renouer son dialogue avec le monde. L’heure est venue pour l’Église de renoncer à sa présomption d’excellence mal fondée. L’heure est venue de retrouver le primat spirituel de sa mission et la vie mystique de toute personne.

L’Église catholique trouvera une aide précieuse dans les regards que la société porte sur elle, dans ce qu’elle attend d’elle, comme vient de le faire la commission présidée par Jean-Marc Sauvé. Elle ne peut se désintéresser de ce qu’elle représente pour l’opinion.

Elle doit savoir que la confiance se fonde sur quatre piliers que sont la fiabilité, la crédibilité, la proximité et la transparence. Ainsi, sans abandonner la beauté de son message, elle doit au monde une considération qui l’illuminera d’unemême beauté

vendredi 4 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2785 : Dieu attend d'être caressé non par des mots, mais par des actes." (pape François)

 Voici, publiés par l'agence Zénit, quelques écho de l'homélie du pape François lors de la messe du 2 novembre à Rome.

Il s'agit d'un commentaire du célèbre passage de St Matthieu, au chapitre 25, à propos du Jugement dernier : "J'ai eu faim, j'étais malade, j'étais étranger..."  

Question du pape François à méditer : dans notre société, prenons-nous au sérieux ces appels de Jésus ? N'avons-nous pas tendance à les édulcorer ?

 

Le pape François met en garde contre la tendance à « atténuer le message de Jésus » et à « édulcorer ses paroles ». « Nous sommes devenus assez bons pour faire des compromis avec l’Évangile », déclare-t-il.

Célébrant la messe du 2 novembre 2022 en mémoire des cardinaux et évêques décédés lors de l’année écoulée, le pape s’est attardé sur deux notions : « l’attente » et « la surprise ». Il s’agit de l’attente « de la rencontre avec Dieu » et de la surprise que nous éprouvons en apprenant que « dans le tribunal divin, le seul chef de mérite et d’accusation est la miséricorde envers les pauvres et les exclus ». Au cours de l’homélie, le pape a aussi mis en garde contre les « compromis avec l’Évangile ».

Le pape a commenté un extrait de l’Évangile de saint Matthieu en disant : « La surprise est grande à chaque fois qu’on écoute le chapitre 25 de Matthieu. Elle est semblable à celle des protagonistes, qui disent : ‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ?’ (v. 37-39). À quel moment? Ainsi s’exprime la surprise de tous, l’émerveillement des justes et la consternation des injustes. »

Comme réponse, le pape a cité les paroles du Christ : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (v. 40). « Le Très-Haut semble être dans les petits, a expliqué le pape. Celui qui habite dans les cieux habite parmi les plus insignifiants du monde.  Quelle surprise! » Alors, pour « nous préparer » à la « rencontre avec Dieu », « nous savons quoi faire », a-t-il poursuivi: « aimer gratuitement » et « sans attente de réciprocité, ceux qui sont inscrits sur sa liste des préférences, ceux qui ne peuvent rien nous donner en retour, ceux qui ne nous attirent pas, ceux qui servent les petits ».

Évoquant encore les paroles des « justes » des « injustes » du 25e chapitre de saint Matthieu, le pape a noté que ce « quand » « étonné, qui revient quatre fois dans les questions que l’humanité adresse au Seigneur (vv. 37.38.39.44), arrive tard, seulement ‘lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire’ (v. 31) ».

« Frères et sœurs, ne soyons pas surpris nous aussi, a invité le pape. Faisons très attention à ne pas adoucir la saveur de l’Évangile. Car souvent, par commodité … on a tendance à atténuer le message de Jésus, à édulcorer ses paroles. »

Nous faisons « toujours des compromis », « ce sont les compromis que nous faisons avec l’Évangile », a affirmé le pape. « Nous faisons de la vie un compromis avec l’Évangile », a-t-il souligné: « De simples disciples du Maître, nous devenons des maîtres de la complexité, qui argumentent beaucoup et font peu, qui cherchent des réponses plus devant l’ordinateur que devant le Crucifix, sur internet plutôt que dans les yeux de leurs frères et sœurs. »

En ce qui concerne ce « quand » – cette question que posent les justes et les injustes – « il n’y a qu’une réponse, a expliqué le pape : le quand est maintenant, aujourd’hui, à la sortie de cette Eucharistie ». La réponse est « entre nos mains, dans nos œuvres de miséricorde: pas dans des éclaircissements et des analyses raffinées, pas dans des justifications individuelles ou sociales. Entre nos mains, et nous sommes responsables ».

Aujourd’hui, a poursuivi le pape « le Seigneur nous rappelle que la mort vient faire la vérité sur la vie et supprime toute circonstance atténuante à la miséricorde. Frères, sœurs, nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas ».

« Dieu attend d’être caressé non par des mots, mais par des actes », a conclu le pape François.

 

 


mardi 1 novembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2784 : Les catholiques pratiquants seront-ils les seuls à être sauvés ?

 Homélie de la Toussaint à Jard-sur-Mer

 

En ce jour où nous fêtons solennellement celles et ceux qui ont été reconnus justes aux yeux de Dieu, notre souffrance est grande de voir combien notre Eglise catholique est en butte à trop de scandales en ce moment ; et nous pourrions être tentés de penser que l’idéal de la sainteté n’intéresse plus nos contemporains, et que notre monde s’est éloigné de Dieu.

Pourtant, malgré ce mal qui nous écrase, et c’est un paradoxe de le dire, nous vivons une époque extraordinaire, en ce qui concerne la bonne compréhension du paradis.  Si l’on réfléchit en effet, pendant près de 20 siècles, l’on a proclamé avec assurance : « Hors de l’Eglise catholique, pas de salut. »  Autrement dit, seuls les catholiques, et seulement les catholiques pratiquants, ceux qui allaient à la messe tous les dimanches, pouvaient devenir des saints, et entrer au Paradis. Tandis que tous les autres, protestants, non pratiquants, non croyants, et à plus forte raison, juifs, musulmans, francs-maçons ou autres, étaient irrémédiablement voués à l’enfer, et pour l’éternité.  En d’autres termes, impossible, pour les non catholiques, d’accéder à la sainteté qui, aux bons catholiques seuls, était réservée.

Comme me l’a confié un jour un ami juif : « L’on a sans doute oublié, au Vatican, pendant 20 siècles, de lire et de méditer l’évangile des Béatitudes ! », c'est-à-dire, l’évangile de ce jour.  C’était bien plus simple en effet de dire, à l’époque : « Tu vas à la messe, donc tu iras au ciel, mais si tu n’y vas pas, tu seras en état de péché mortel, et tu seras condamné à aller en enfer. »  Voilà pourquoi un peu tout le monde allait à la messe, à l’époque, plus souvent peut-être par peur de l’enfer qu’en vertu d’une foi profonde en Dieu, dans le Christ et en l’Esprit-Saint…

Heureusement, dans les années 60, à l’occasion du Concile Vatican II en particulier, l’Eglise catholique a retrouvé la raison, si l’on peut dire.  Elle a arrêté de vouloir mettre seulement les catholiques dans le paradis, et tous les autres en enfer.  Qu’avait dit Jésus en effet ?  Non pas : « Heureux les catholiques pratiquants, ils iront au ciel », mais, bien plus largement : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, heureux les doux, heureux les miséricordieux, le royaume des Cieux est à eux. »  Cette formulation est bien plus large en effet, et cet appel concerne bien au-delà des seuls catholiques pratiquants.  Autrement dit, ce sont tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, ayant aimé et servi leurs frères, qui, d’après Jésus, pourront trouver place, en tant que saints, dans le royaume des Cieux.

Et pour nous, catholiques pratiquants, chic, c’est une joie de savoir que nous ne serons pas seuls au ciel, mais que pourront s’y retrouver aussi celles et ceux qui, non croyants, ou d’autres religions, auront mis en pratique les commandements des Béatitudes, en étant des acteurs en faveur de la douceur, de la justice, de la miséricorde,et dans le soutien aussi des plus démunis.

Nous pouvons d’ailleurs appeler ces personnes  : des « pratiquants de l’Evangile ».  Toussaint, tous saints, tous des saints, c’est ce que souhaite notre Dieu. Certains humains sont catholiques, d’autres non ; mais ne sommes-nous pas tous fils et filles du même Père ?  Nous connaissons tous des non croyants qui se dévouent pour les autres : le Dalaï-Lama, Albert Camus, Axel Khan...) ; comment un Dieu bon ne pourrait-il pas les accueillir dans son ciel ?  C’est-à-dire, faire d’eux aussi des saints ? Car, si Dieu réserve la sainteté aux seuls catholiques pratiquants, et aux catholiques pratiquants parfaits, il y aura bien peu de monde à être sélectionné pour le Ciel ; quel échec pour Dieu.  Alors qu’en chaque être humain, y compris ceux qui ne seront pas venus à la messe en ce jour, il y a quelque chose de beau !

Ainsi que l'a déclaté dimanche dernier 30 novembre le Pape François avant l'Angélus : "Dieu ne s'arrête pas à notre passé plein d'erreurs ; il regarde et appelle les pécheurs que nous sommes à la sainteté."

Chers amis, soyons pleins d’espoir, car la 1° lecture, tirée de l’Apocalypse, nous rappelait ceci : « J’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toute nations, tribus, peuples et langues. »  Cela est bien le signe que la sainteté est offerte à tous ceux et celles qui, catholiques ou non, auront mis en pratique l’évangile des Béatitudes, à l’exemple des grands saints du ciel. 

 Ceci dit, nous qui sommes des catholiques fidèles, soyons fiers de notre foi, qui nous donne la force nécessaire de vivre les Béatitudes dans la joie et la paix de Dieu !   Amen !