Les catholiques sont-ils persécutés en France en 2020 ?
Il y a un gros mot que j'ai entendu à diverses reprises en ce mois de novembre, c'est celui de "persécution". 2 ou 3 exemples seulement : ces personnes de Chambéry déclarant, le 14 novembre : "Ne pas avoir le droit d'aller à la messe, c'est une persécution." Ou encore, ces paroissiens interviewés par le journal "La Croix" du 26 novembre : Les catholiques n'ont pas vocation à se laisser persécuter." Je repensais chaque fois à la fameuse réplique d'Albert Camus : "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde." Scandale aussi que cet homme criant face à la caméra, devant les portes fermées d'une église : "J'ai faim !" Je comprends sa faim de l'eucharistie, et sa douleur d'en être privé ; mais cependant, ce cri n'était-il pas un peu déplacé ? Ou encore cette photo parue dans le journal "M" du "Monde" du 21 novembre, montrant un homme à genoux sur les pavés, devant une église de Nantes, en train de se confesser à un prêtre en soutane. Cette exhibition, ce sentiment de persécution, tout cela est-il bien évangélique ?
A propos de persécution, soit dit en passant, il vaut mieux être blanc, catholique, que noir, musulman, en France ; en effet, l'on risque moins de se faire persécuter, insulter ou tabasser. Si je réagis ainsi, par rapport au terme de "persécution", et, depuis quelques semaines, vis-à-vis de ce sentiment d'incompréhension qui semble tétaniser un certain nombre d'évêques de France ainsi que pas mal de catholiques, c'est que j'ai aussi à l'esprit ce que c'est qu'une vraie persécution. Je vous raconterai peut-être un jour comment un jeune catéchiste de ma paroisse, au Mali, a été empoisonné en haine de la foi ; non par des musulmans, je crois important de le souligner, mais par des adeptes de la religion traditionnelle locale.
Une autre raison est d'ordre familial. Je suis profondément marqué, depuis ma jeunesse, par le fait qu'un de mes cousins, l'abbé Jean-Baptiste-René Gaignet, a été fusillé au nom de sa foi, sous la Révolution, son corps ayant été jeté ensuite dans une fosse commune. Je vous relate brièvement cette histoire, une vraie persécution celle-là.
L'exemple de Jean-Baptiste-René Gaignet, assassiné par la République à 34 ans
Jean-Baptiste-René est né au Gué de Velluire, en 1761. Je ne vais pas vous barber en vous racontant toute sa vie. Ordonné prêtre en 1785, il fut nommé vicaire à l'île de Ré, puis, envoyé en poste à Doix, près de Fontenay-le-Comte, dans le sud-Vendée. Mais il prit position publiquement contre les décisions visant à supprimer la liberté religieuse et fit partie des nombreux prêtres "non-jureurs" qui ont refusé le serment à la constitution civile du clergé ; il fut alors expulsé de Doix, condamné à l'exil, conduit aux Sables d'Olonne pour y prendre un bateau à direction de l'Espagne. Petite anecdote : à ceux qui l'avaient condamné, il répondit : "Vade retro, satana" ; la même réponse que fit l'abbé Jacques Hamel face à son assassin : "Retire-toi, satan."
Une fois débarqué à Bilbao, il se reprocha sa fuite et pris le bateau pour l'Angleterre, d'où il espérait pouvoir regagner la France afin d'y assurer un ministère, clandestinement. Le 16 juin 1795, il trouva enfin le moyen de rentrer ; le 27 juin, il débarqua à Carnac, avec 10 autres prêtres et un évêque. Malheureusement, ils furent presque aussitôt faits prisonniers. Jean-Baptiste-René arriva à s'échapper ; bon nageur, il regagna le bateau qui se trouvait encore au large. Mais, pris de remords, et ne voulant pas séparer son sort de celui de ses compagnons, il revint vers eux et se constitua prisonnier (!!!)
Les prêtres n'avaient pas d'armes, bien sûr, et avaient débarqué en soutane. Le 27 juillet 1795, ils furent condamnés à mort ; je possède d'ailleurs le texte du "jugement", qui commence par les quatre mots suivants : "Liberté, Humanité, Egalité, Justice". Quelle dérision ! Quel mensonge ! Quelle impudence ! C'était vraiment se moquer du monde ; notre pauvre République est vraiment née dans le sang et sous de mauvais auspices ! Voilà pourquoi, de temps à autre, sur ce blog, je me permets de rappeler vertement aux dirigeants de notre nation qu'ils doivent purifier leur conception idéologique de la Liberté, l'Humanité, l'Egalité et la Justice. Même si les révolutionnaires avaient, comme par hasard (!), oublié l'essentiel : la FRATERNITE, heureusement rajoutée à nos idéaux en 1848, mais que nous avons tant de peine à faire exister, dans nos petits esprits limités.
"Qu'un sang impur abreuve nos sillons !"
Les soldats républicains témoignèrent du sang-froid des condamnés, l'indice d'une grande paix intérieure. Le 27 juillet, à Vannes, les condamnés, les mains liées derrière le dos, entre deux colonnes de soldats, au son du tambour, devant la foule assemblée, marchèrent vers le lieu du supplice. A la vue de ces condamnés, les habitants, émus et saisis de respect, versaient des larmes. Une fois arrivés, ces prêtres récitèrent la prière des morts, présidée par l'évêque de Dol de Bretagne. On aligna les condamnés le long d'un mur, le long de l'Allée des Soupirs, pour ceux qui connaissent Vannes. On les fit mettre à genoux, l'attitude qui convenait pour une dernière prière. Ils furent alors fusillés.
Rouget de l'Isle, témoin de la scène, mais extérieur à cette affaire, déclara par la suite : "Ils moururent avec courage et dignité." (lire "Historique et Souvenirs de Quiberon", p. 428). Merci, Rouget, pour cet hommage posthume ! Ensuite, après la fusillade, les exécuteurs dépouillèrent les prêtres de leurs vêtements, qu'ils allèrent vendre chez les fripiers de la ville. Les corps des suppliciés restèrent sur le lieu de l'exécution, dénudés et baignant dans leur sang. Selon les dires des témoins, les chiens purent venir à leur aise s'abreuver à ce "fleuve", devant la population indignée, mais impuissante. "L'étendard sanglant est levé... Qu'un sang impur abreuve nos sillons." Dire que, dans les écoles de la République, l'on force les enfants à reprendre en choeur de telles paroles, porteuses de haine, un exemple magnifique pour les terroristes de Daech et autres, aujourd'hui ! Commis également dans la Vendée martyre et ailleurs, de tels massacres représentent le péché originel de notre République, toujours prégnant, bien qu'injustement poussés sous le tapis de l'Histoire Ensuite, les corps furent jetés anonymement dans une fosse commune : pas de sépultures ! Cependant, par la suite, une inscription en marbre, toujours visible, fut placée sur le lieu de l'exécution. Puis, le 7 novembre 1814, les ossements mêlés furent transportés solennellement en la cathédrale de Vannes et, au terme d'une grand-messe pontificale du souvenir, en présence d'une immense foule, descendus dans un caveau creusé sous le dallage de cette cathédrale.
Il n'y avait personne pour filmer ! Mais je tiens tous ces détails du livre écrit en 1925 par le chanoine Boutin, non seulement sur Jean-Baptiste René Gaignet, mais aussi à propos de deux de ses compagnons fusillés avec lui : Jacques-Pierre Gouraud, ex-curé de Mareuil, et François-Pierre de Rieussec, ex-vicaire général de Luçon. Ce livre a été écrit à partir de nombreux témoignages recueillis et validés historiquement. En se basant entre autres sur un ouvrage intitulé "Les Martyrs de la Foi", écrit dès 1799 et publié en 1821 par un abbé Guillon. Quant à moi, je respecte la République, mais je n'oublie pas !... En tout cas, voici le genre de fait qui mérite vraiment le mot de "persécution" !