Il y a 25 ans environ, lorsque j'étais curé des Sables d'Olonne, nous avons lancé un groupe interreligieux, dont l'un des membres-fondateurs, Malika Pondevie, de culture musulmane, vient de nous quitter. Cette femme exceptionnelle, d'origine berbère, intellectuelle de haut niveau, nous a énormément aidés à réfléchir en profondeur et à agir au service de l'unité du monde et de la fraternité. Avec sa famille, nous avons organisé un hommage à sa mémoire au cours duquel, mardi, dans une salle de la paroisse des Sables, sont intervenus des juifs, Hélène et Roland, un moine bouddhiste, Thrinlé, mais aussi, des membres de la famille et de nombreux amis de Malika, le tout animé par Christian, protestant. De l'aveu de nombreux participants, l'on n'avait jamais vu un tel type de célébration ! En finale de celle-ci, voici le mot que j'ai prononcé.
Albert Camus, le compatriote
algérien de Malika, écrivait ceci, dans sa pièce de théâtre intitulée
« Les Justes » : « Nous voilà condamnés à être plus grands
que nous-mêmes ! »
Eh bien, n’est-ce pas à cela que,
sans cesse, Malika, nous a invités ?
Et devant un tel projet, ni la
mort ni le destin ne pourront avoir le dernier mot !
En effet, la vie, l’action,
l’espérance, les engagements de Malika, tels qu’ils viennent de nous être
rappelés, continueront d’être, pour chacun de nous, une semence féconde, nous
invitant sans cesse à aller de l’avant, à son exemple ; à aller au-delà de
nos petitesses, et à être plus grands que nous-mêmes ; et cela, quels que
soient les obstacles et les difficultés.
Nous arrivons au terme de cet
hommage, bien conscients que tant d’autres éléments auraient pu, auraient dû
être évoqués. Mais la vie de Malika fut si riche qu’aucune de nos paroles ne
saurait suffire à en en rendre compte !
Merci de votre compréhension !
Au terme de cette série de
témoignages, je vous propose, pour terminer, trois chantiers possibles, parmi
bien d’autres, à partir desquels l’on peut penser que Malika nous invite à nous
dépasser.
Le premier, c’est celui de
l’ouverture universelle ! Ne nous
laissons jamais enfermer dans une case seulement : « moi, je suis
catholique, toi tu es non croyant, ou autre … » D’ailleurs, pourquoi sommes-nous ici, plutôt
que dans une église, ou en lien avec une mosquée ? C’est justement pour symboliser cette
ouverture immense qui a caractérisé la vie de Malika. A l’exemple de ce qu’a vécu Gandhi, qui avait
coutume de dire, tout en demeurant d’ailleurs fondamentalement fidèle à sa
religion d’origine : « Je suis hindou, je suis chrétien, je suis
bouddhiste, je suis musulman, je suis juif. » C’est à une telle ouverture
que Malika a su œuvrer, en nous invitant à entrer pleinement dans la
compréhension de l’autre, quel qu’il soit !
Un deuxième point sur lequel
Malika nous invite sans doute à progresser, c’est qu’il nous faut sans cesse
continuer à travailler intellectuellement. Au cœur d’une société qui se laisse
balloter en tout sens à travers de multiples préjugés, qui aura le courage,
comme Malika, d’aller au fond des choses, de s’informer et de se former en
profondeur ? De la formation,
Malika a su nous donner le goût. Depuis près
de 25 ans, dans le cadre du groupe interreligieux du Pays des Olonnes, dont
elle est l’un des membres-fondateurs, Malika a su nous tirer vers le haut. Avec
cette date-clef, du 10 décembre 1999, lors de cette 1° intervention avant tant
d’autres, qui avait rassemblé, à la salle de conférences du Musée des Sables
d’Olonne, plus de 150 personnes sur le thème : « Mieux connaître
l’islam aujourd’hui. » Malika nous a appris à travailler avec
intelligence ; il nous faut continuer à poursuivre ce type de
réflexion !
Enfin, 3° chantier, apprendre à
tout donner ; à l’exemple de Malika, qui a sans cesse donné le meilleur
d’elle-même pour l’avancée de la connaissance et de la fraternité entre les
personnes, les peuples et les religions.
Toute sa vie, elle a donné largement de son temps, mais aussi, son
espérance, sa confiance, sa santé, sa culture, sa simpliciyté, son humilité, la
totalité de son cœur, et cela jusqu’au bout, puisqu’elle avait encore en tête
nombre de beaux projets.
Malika, mille mercis à
vous ! Rejoignez à présent le monde des immortels, avec Avicenne et Albert
Camus, Gandhi et Ibn Arabî, Martin-Luther King, Sr Emmanuelle, Moïse le
libérateur, Nagarjouna, ce grand philosophe du 1° siècle, en Inde, que Malika
connaissait, ainsi que tant d’autres grands prophètes de l’humanité.
Malika, dans ce monde infini et
profond que symbolise si bien ce superbe tableau réalisé par vos soins et
exposé sous nos yeux, vous avez été une lumière pour nous, et vous le resterez.
C’est ce qui va être symbolisé
par le geste, voulu par votre époux Jean-Claude et vos deux enfants, Sandra et
Rostan, ce geste collectif que nous allons accomplir à présent, en déposant des
petites lumières autour de votre belle photo-souvenir.
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