Homélie de la nuit de Noël à Longeville-sur-Mer
En ce monde dans lequel nous
vivons, alors que l’on a voulu écarter le surnaturel de l’Histoire,
qu’avons-nous fait, qu’est-ce que notre civilisation a fait du message de
Noël ? Ainsi que le demandait récemment
le célèbre musicien André Manoukian sur le plateau du « Jour du
Seigneur » : « Y a-t-il encore une place pour la parole de Jésus
dans le monde d’aujourd’hui ? »
Mais ce soir, je vous le disais au début de cette cérémonie, votre
présence nombreuse et rayonnante, en cette église de Longeville, est une
réponse éclatante à cette interrogation : tant que vous êtes là, tant que
vous êtes vivants, grâce à vous, impossible de tuer Noël !
Alors que pourtant, en ce moment même,
sur notre planète, toutes les composantes du malheur et de la mort sont réunies
- pandémie, violences, problèmes de migrants, que sais-je encore… - tandis que
nous sommes en train de nous faire manger par la haine, la peur, la
désespérance, voici que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants font le
choix ce soir, un peu partout à travers le monde, de se retrouver, en frères et
soeurs, pour accueillir le Sauveur, et respirer un peu du bon air de
l’Evangile !
D’ailleurs, qui d’entre nous
serait insensible à cette fabuleuse image de l’Enfant-Jésus, entre Marie et
Joseph, reposant dans la crèche, tendant ses petits bras vers nous, qui que
nous soyons, avec un regard de tendresse et d’amour, et comme pour nous
dire : « Me voici ! A présent, je suis là, avec toi, pour
toujours, et plus rien de mal ni de
mauvais ne pourra plus t’arriver, si tu as confiance en moi. » Noël, le vrai Noël ! « Et si
c’était vrai ? » Ainsi que le
chantait jadis Jacques Brel : « et si c’était vrai ? »…
Le plus merveilleux, c’est que
nous avons tous dans notre entourage des personnes non croyantes qui se retrouvent
dans l’esprit du message de Noël. Citons par exemple cette réflexion de
l’écrivain-explorateur Sylvain Tesson : « Je ne suis pas croyant,
mais je suis atterré par l’entreprise de détournement spirituel de Noël. On
part de la naissance d’un enfant qui annonce le dénuement et le
renoncement aux vanités du monde, pour en faire un grand carnaval de la
consommation ! »
Quand on pense par exemple que,
malgré la misère du monde, on n’a jamais autant acheté de champagne, en France,
qu’en ce Noël 2021, cela laisse rêveur… Alors que, Véronique Fayet, présidente
du Secours Catholique, le rappelait encore récemment, il y a dans notre pays 10
millions de personnes sous le seuil de pauvreté ! Ah mais c’est vrai, le christianisme dérange,
quand il dit des choses comme ça, et rappelle qu’il y a trop de pauvreté dans
notre pays ! Mais c’est
l’Enfant-Jésus lui-même, né pauvre dans une étable, qui nous pose ce type
d’interrogation…
Mais, chers amis, heureux
êtes-vous, parce que vous n’avez pas voulu, en cette nuit de Noël, vous
contenter de nourritures terrestres, si appétissantes soient-elles - bravo les
cuisinières - mais qui avez fait le choix de venir d’abord accueillir le
Sauveur, de répondre au rendez-vous d’amour qu’il vous avait donné. Car c’est à
chacun de vous personnellement que le Sauveur veut parler au cœur,
maintenant !
Heureux êtes-vous, qui avez fait
votre possible pour que votre famille puisse se retrouver, malgré des
divergences parfois, dans un esprit de paix ! C’est cela, Noël !
Heureux êtes-vous, les enfants,
qui avez su penser à d’autres qu’à vous-mêmes, à l’image des enfants de l’école
publique Jules Verne de cette commune de Longeville ; ceux-ci, en menant
des actions, ont récolté 427 € pour le Téléthon et réalisé 96 colis pour les
Restos du cœur. C’est encore cela,
Noël !
Heureux êtes-vous, qui avez su
prendre quelques moments, même très brefs, durant le temps de l’Avent, devant
votre petite crèche à la maison, pour confier vos intentions, et l’avenir un
peu inquiétant de ce monde, à l’action du Sauveur !
Ainsi, vous avez réalisé le vœu
du poète Guillaume Apollinaire, je le cite : « C’est Noël ! Il est grand temps de rallumer les
étoiles. » Telle est en effet notre mission !
A propos, est-ce que je peux
demander à ceux qui ont installé une crèche chez eux de lever le
doigt ? C’est pour avoir une
idée !
Je termine avec cet acte de foi
de Noël du philosophe protestant Paul Ricoeur : « Sur cette terre,
l’on constate une sorte de renfermement sur le mal. Et pourtant, aussi radical que soit le mal,
il n’est pas aussi profond que la bonté de Dieu. Jésus se faufile à travers ce mal, pour le
vaincre et le dépasser. Et le devoir des
croyants, c’est, dans leur prière, d’acclamer, envers et contre tout, dans la
joie, la bonté de Dieu ! »
Eh bien, justement, c’est ce que nous vivons
durant cette messe de Noël ! Et
c’est ce que nous avons vécu avec les enfants tout à l’heure, quand Jésus, pour
reprendre l’expression de Paul Ricoeur, s’est faufilé entre les rangs de cette
église, pour prendre place dans notre crèche, avec nous, chez nous !
Amen !