Vous vous souvenez ? Nous avions embarqué ensemble à bord du grand avion ecclésial spécial qui a décollé le 14 février dernier. Les conditions de vol étaient clairement précisées sur le rapport n° 2133 daté de ce même jour. Tout paraissait à peu près clair, et chacun, malgré une certaine appréhension, avait pris place avec confiance pour ce vol de croisière d'une quarantaine de jours en direction du ciel pascal..
En fait, comment le vol s'est-il déroulé ? Chacun y a-t-il trouvé son compte ? A-t-on eu raison de faire confiance au pilote ? Comment l'équipage a-t-il pris soin des passagers ? Reconnaissons tout d'abord que le parcours n'a pas été simple. Souvent, on ne savait pas exactement où l'on se trouvait. D'autre part, l'on entendait parfois des bruits suspects, comme si tel ou tel moteur allait tomber en panne. Quelquefois même, on a eu l'impression de tourner en rond, de ne pas avancer. Et les hôtesses étaient parfois absentes, juste quand on avait besoin d'elles bien sûr ; même si on ne s'est quand même pas sentis abandonnés.
On était tous ensemble, c'est vrai, et on a essayé de se soutenir. Mais on était quand même un peu les uns sur les autres, et cela pouvait être désagréable ; les autres, on les aime bien, mais, passer trop de temps avec eux, il faut reconnaître que ce n'est pas toujours très marrant ! Surtout qu'au cours du vol, certains, par exemple, ont fait savoir, à diverses reprises, qu'ils n'étaient pas d'accord avec le parcours proposé par le pilote : il aurait fallu passer par ici, ou faire un détour par là ; mais impossible de contenter tout le monde !
Quant à la lecture du "road book" qui avait été proposée, alias "ze Bible", pas mal de passagers se sont contentés d'entendre seulement quelques lignes chaque samedi soir ou dimanche matin. Or, ce n'est pas ce qui avait été prévu ! Il avait été suggéré au départ, en effet, pour sauvegarder la qualité du vol "Air Carême", que la lecture suivie, chaque jour, des textes bibliques proposés par la compagnie "Du haut du Ciel", serait une excellente façon de nous apaiser, de nous éclairer, de nous orienter et de nous nourrir convenablement. Mais, nonobstant notre réelle bonne volonté, nous nous sommes souvent égarés sur d'autres pensées bien plus médiocres, les nôtres particulièrement !
Chaque jour d'ailleurs, et je devrais même dire, chaque minute, pendant ce vol, le pilote a essayé de prendre contact personnellement avec chacun des nous les passagers ; mais, le plus souvent, malheureusement, de façon incompréhensible, nous avions coupé le contact et débranché nos écouteurs !!!
Et puis, récemment, tout à coup, tout a basculé ! Parmi les passagers, il s'est trouvé quelqu'un qui a voulu jouer au pilote, et faire se crasher notre avion. Il s'est levé, a liquidé froidement, au hasard, trois des passagers, et abattu un quatrième qui se dressait courageusement devant lui, dans le but de sauver l'une des passagères en difficulté.
O stupeur ! Cet homme, ce héros, qui a fait devant nous le sacrifice de sa vie, nous avons pensé un instant que c'était en personne le pilote même de l'avion ; en effet, il lui ressemblait beaucoup : même regard clair, même courage, même sens du sacrifice suprême, même souci de la vie et du bonheur des passagers, même idéal sauveur !
Ce pilote hors pair, c'est quelqu'un que certains d'entre nous, et je devrais dire, chacun d'entre nous, a condamné à payer gravement nos propres fautes et tous les ratés de notre moteur personnel. Car les erreurs de pilotage du vol "Air Carême", ce n'est pas lui qui les a commises, mais nous qui avons brouillé les commandes, appuyé sur les mauvais boutons, détourné le vol en fonction de nos propres souhaits et volontés...
Cependant, la merveille, c'est que le vol ne sera sans doute pas un échec, malgré tout cela ! Encore quelques jours, plus que quelques heures, et nous avons encore le temps, la possibilité, la force de nous repositionner dans le bon sens, avant l'atterrissage pascal : Jésus est toujours aux commandes et, malgré ses blessures, il va nous déposer à bon port, sur la piste terrestre du Ciel ; malgré nous, avec nous, pour nous les humains et pour notre salut !
Que la campagne renaissante
Ressemble à la convalescente
Dont le premier sourire est cher ;
Quand l’azur, tout frileux encore,
Est de neige éparse mêlé,
Et que midi, frais et voilé,
Revêt une blancheur d’aurore ;
Quand l’air doux dissout la torpeur
Des eaux qui se changeaient en marbres ;
Quand la feuille aux pointes des arbres
Suspend une verte vapeur ;
Et quand la femme est deux fois belle,
Belle de la candeur du jour,
Et du réveil de notre amour
Où sa pudeur se renouvelle,
Oh ! Ne devrais-je pas saisir
Dans leur vol ces rares journées
Qui sont les matins des années
Et la jeunesse du désir ?
Mais je les goûte avec tristesse ;
Tel un hibou, quand l’aube luit,
Roulant ses grands yeux pleins de nuit,
Craint la lumière qui les blesse,
Tel, sortant du deuil hivernal,
J’ouvre de grands yeux encore ivres
Du songe obscur et vain des livres,
Et la nature me fait mal.
René-François Sully Prudhomme, Les solitudes
SUIS-JE DU PRINTEMPS OU DE L'AUTOMNE ?
Pape François
"Être chrétien implique une nouvelle perspective : un regard plein d’espérance. Certains pensent que la vie réserve tous ses bonheurs dans la jeunesse et le passé, et que vivre est une lente dégradation. D’autres croient que nos joies ne sont qu’épisodiques et passagères, et que le non-sens est inscrit dans la vie des hommes. Et ceux qui, devant tant de catastrophes, disent : « Mais, la vie n’a pas de sens. Notre chemin est le non-sens. » Or, nous chrétiens, nous croyons ceci : nous croyons qu’à l’horizon de l’homme, il y a un soleil qui resplendit pour toujours.
Nous croyons que nos jours les plus beaux restent à venir. Nous sommes des gens qui appartiennent au printemps plutôt qu’à l’automne. J’aimerais vous demander maintenant, – que chacun réponde dans son cœur, en silence, mais réponde à la question – : « Moi, suis-je un homme, une femme, un garçon, une fille du printemps ou de l’automne ? Mon âme est au printemps ou en automne ?" Que chacun réponde à soi-même.
Nous apercevons les germes d’un monde nouveau plutôt que les feuilles jaunies sur les branches. Nous nous berçons de nostalgie, de remords et de plaintes : nous savons que Dieu veut que nous soyons les héritiers d’une promesse ainsi que d’infatigables cultivateurs de rêves.
N’oublions pas cette question : « Suis-je une personne de printemps ou d’automne ? » De printemps, qui attend la fleur, et qui attend le fruit, qui attend le soleil qui est Jésus, ou d’automne, qui est toujours le visage tourné vers le bas, aigri et, comme je l’ai souvent dit, le visage qui ressemble aux piments au vinaigre."
Joyeux printemps du coeur, à toutes et à tous !