Blog de l'arche de Noé 85 n° 3042
Une mission aux " périphéries "
" Périphérie " : un terme souvent employé dans l’Église catholique à présent, depuis que le pape François l'a popularisé. Lui-même d'ailleurs aime bien aller aux périphéries, loin des endroits les plus importants. Ainsi, lorsqu'il a fait le choix de se rendre dans une île qui n'est pas au centre de la France, en Corse, plutôt qu'à Notre-Dame de Paris.
Que dit Jésus à l'apôtre Pierre, dans l'évangile de ce dimanche 9 février ? " Avance au large, et jette tes filets (Luc 5). Avance en périphérie ... C'est là que tu pourras faire une bonne pêche !
Sans vouloir encore parler de ma situation - je le fais déjà trop sur ce blog, même si personne n'ose me le dire - il me semble que, de même que Pierre était déjà fatigué d'avoir pêché toute la nuit, et ne souhaitait pas poursuivre encore sa pêche, moi non plus, je n'ai pas désiré du tout rejoindre l'une des plus pénibles périphéries de notre société, à savoir un hôpital ...
De même que Pierre, j'entends Jésus me dire en permanence depuis fin décembre ; " Olivier, avance au large, et jette tes filets pour la pêche ! "
Or, je l'avoue humblement, je n'ai vraiment pas choisi cet envoi, pour une vie de reclus dans un hôpital ; même si l'on me répète, pour me consoler, que je suis là pour une mission pastorale, envoyé par le Christ, mais rétif comme Jonas, qui refusait d'être envoyé en mission par Dieu à Ninive, cette ville perverse et sans foi. Si j'en avais eu la possibilité, de même que Jonas, j'aurais fui cette pénible mission.
Mais voilà qu'une fois encore, je me sens interpellé. Vous avez entendu dimanche, comme moi, cet appel du Seigneur s'adressant au prophète Isaïe, qui trouvait qu'il avait " des lèvres impures " : " J'entendis alors la voix du Seigneur qui disait : " Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? " Et j'ai répondu : " Me voici, envoie-moi ! " (Isaïe 6/1-8)
Or, moi aussi, j'ai les lèvres impures ; je suis loin d'avoir toujours vécu mon sacerdoce de façon exemplaire, loin d'être digne de l'appel de Dieu. Jonas et Pierre ont été réticents, face à l'appel de Dieu à avancer au large. Moi aussi, j'aurais préféré demeurer tranquille et en bonne santé dans ma bonbonnière à Bourgenay.
Oui mais, Dieu est venu à ma rencontre, et il m'a confié une mission : celle d'aller vivre quelque temps au milieu de ses enfants atteints dans leur santé, et du cœur de ce monde souvent très en détresse, parfois désespéré, de faire monter vers le ciel toutes ces souffrances, afin que de tout cela, rien ne soit perdu, mais que chacun puisse recevoir, de la part de Dieu, soulagement, espoir, lumière et peut-être guérison, et foi, pourquoi pas, dans le Dieu Sauveur.
Dans le billet précédent, je vous donnais quelques exemples de ce que j'ai le bonheur de vivre, en lien avec les autres malades et les soignants. Avec l'éclairage de l'évangile de ce dimanche, l'on peut vérifier que l’Église fait une pêche miraculeuse, dans cet hôpital comme partout où elle avance au large.
Étant donné cela, je me dis qu'après tout, même si je l'ai vécu à contre cœur, et si je ne suis pas encore sorti du pétrin, il valait sans doute la peine que je vive ce temps difficile, au large, pour remplir le filet de l’Évangile.
Je termine ce billet en osant reprendre (un peu) à mon compte les paroles de l'apôtre Paul aux chrétiens de la ville de Corinthe, dans la 2ème lecture de ce dimanche 9 février : " Je ne suis pas digne d'être appelé Apôtre (...) Mais la grâce de Dieu, venant en moi, n'a pas été stérile. Je me suis donné de la peine (...) ; mais à vrai dire, ce n'est pas moi, c'est la grâce de Dieu avec moi." (1 Corinthiens 15/9-10)
(texte du Père Olivier GAIGNET enregistré par son ami Jean-François)