Samedi, nous nous sommes retrouvés à la Roche s/Yon pour une riche journée de réflexion autour du théologien nantais Jacques Musset, à propos du projet libérateur de Jésus. Comme rappelé lors de l'épisode de sa rencontre avec la femme de Samarie, Jésus fut l'initiateur d'une religion "en esprit et en vérité" (Jean 4/23). Quand on relit les évangiles, il semble clair que le but de Jésus fut avant tout de permettre aux humains à la fois de se tourner vers le Père et de servir leurs frères. Sans cesse, l'on sent Jésus soucieux de purifier la foi de ses contemporains, tandis qu'en même temps, on le voit très attentif à tous les besoins humains.
Si surprenant que cela puisse paraître, l'objectif de Jésus, d'après les évangiles, ce ne fut pas d'abord de constituer une Eglise ou même de fonder une religion ; plutôt, sans cesse il annonçait l'avènement imminent du royaume. Et il invitait les gens à se préparer à accueillir la venue de Dieu : "convertissez-vous, le royaume de Dieu est proche." (Matthieu 4/17) Pour lui, c'était urgent. Et ses consignes étaient claires ! On en retrouve le coeur dans l'exposé des Béatitudes, ou en Matthieu 25, dans l'évocation du jugement dernier. Et pour y parvenir, Jésus invitait à se mettre à l'écoute du Père. Son désir, c'était un monde où chacun pourrait vivre dans la vérité, vivre la fraternité, en attention aux rejetés de la vie, très nombreux au sein de la société juive de l'époque. Il a demandé à ses disciples de faire en sorte que les gens vivent de la façon la plus humaine possible.
Mais pour cela, Jésus a dû combattre le culte de l'argent, le mépris des pauvres ; défendre sans cesse la cause de l'homme, contre un monde religieux qui n'était plus fidèle aux messages de la grande lignée des prophètes. L'on voit Jésus se heurter sans cesse à un certain ritualisme, à une hiérarchie qui a le culte des apparences. Il a même dû, à plusieurs reprises, remettre en question la vision de ses disciples rêvant déjà d'être à la première place dans le royaume des cieux ; ou lorsqu'ils le considéraient comme un "messie" politique qui allait restaurer le royaume terrestre de David et chasser l'occupant romain.
Mais le projet de Jésus était d'un autre ordre. Il n'était pas non plus d'instaurer une institution qui durerait des siècles et se donnerait des hiérarques sacrés pour la diriger. D'ailleurs, Jésus n'a fait aucune ordination ; il n'a pas sacralisé ses apôtres. Il leur a par contre clairement demandé d'annoncer la bonne nouvelle du royaume au monde entier. Dans une attitude de serviteurs et non de chefs ; rappelons-nous le geste central du lavement des pieds, l'exemple du Christ se mettant à genoux devant l'homme ! "Si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il soit l'esclave de tous." (Marc 10/44) Cardinaux, évêques, prêtres, avons-nous compris que nous devons nous comporter comme les esclaves de tous ?
Impossible de résumer l'ensemble d'une journée dans un aussi bref billet ! Cependant, nous avons retiré quelques appels pour notre Eglise d'aujourd'hui, dont la hiérarchie a trop souvent perdu le sens de cet humble service demandé par Jésus. Le cléricalisme actuel, en tout cas, n'a rien à voir avec le projet de Jésus, qui n'a pas créé de hiérarchie sacrée, monarchique, cléricalisée ; il n'a fait aucune ordination ! Jésus a, il est vrai, reconnu en Pierre un meneur, mais c'en est resté là. En fait, c'est à toute la communauté des chrétiens que Jésus a confié la responsabilité de proclamer l'Evangile au monde entier ; et pas seulement à quelques responsables considérés comme "plus sacrés que les autres". Même si l'Eglise, par la suite, a conçu les choses comme cela.
Or, il suffit de relire les textes, les premières communautés chrétiennes étaient animées collégialement, comme chez les Juifs ; avec des "Anciens", élus !!! Et des "épiscopes", qui étaient chargés de guider des ensembles plus larges. Mais, par la suite, une hiérarchie s'est créée, qui a un peu "pris le pouvoir", jusqu'à aujourd'hui. Finies alors, vers la moitié du 2° siècle, les élections des "Anciens" qui étaient choisis par les communautés pour les guider ! Or, c'était à la communauté entière des chrétiens que Jésus confiait son héritage. Ceux-ci devenant alors de plus en plus, au cours des âges, des personnes mineures, en situation de dépendance totale par rapport à un clergé dominant. Bien que Jean XXIII aussi l'ait rappelé, il a été oublié que ce qui fait la dignité essentielle du chrétien en Eglise, ce n'est pas une ordination, mais le baptême !
Aujourd'hui, Dieu merci, le pape François vient de remettre les pendules à l'heure, en août dernier, dans sa lettre aux chrétiens laïcs du monde entier :
"il est impossible d'imaginer une conversion de l'agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu. Plus encore, chaque fois que nous avons tenté de supplanter, de faire taire, d'ignorer, de réduire le peuple de Dieu à de petites élites, nous avons construit des communautés sans vie (...) Cela se manifeste dans une manière déviante de concevoir l'autorité dans l'Eglise (...) Le cléricalisme, cette attitude qui annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l'Esprit-Saint a placé dans le coeur de notre peuple."
L'esprit de Evangile retrouvera-t-il sa place au coeur de notre institution-Eglise ? Le pape sera-t-il entendu ? Cela dépend de chacun de nous désormais !
lundi 11 mars 2019
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2261 : Notre Eglise correspond-elle au projet de Jésus ?
Publié par
Olivier Gaignet
à
18:25
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