Erwan Le Morhedec, avocat
et blogueur sous le nom de Koz, explique pourquoi le communiqué du
diocèse de Lyon concernant le refus par le pape de la démission cardinal
Barbarin invoque « la présomption d’innocence »
Le pape
François n’a pas voulu accepter la démission du cardinal Barbarin
au nom de « la présomption d’innocence ». Comment comprendre cette
mention alors que l’archevêque de Lyon a été condamné le 7 mars à six
mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’agressions
sexuelles ?
Erwan Le Morhedec : Quand une personne condamnée en
première instance fait appel, elle se retrouve exactement dans la même
situation qu’avant son premier procès. Elle bénéficie donc de la
présomption d’innocence, ce principe mentionné à l’article 9 de notre
"Déclaration des droits de l’homme et du citoyen" et qui veut que « tout homme (est) présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ».
En l’occurrence, ce sera le rôle du procès en appel que d’examiner à
nouveau l’éventuelle culpabilité du cardinal Barbarin. Ce n’est qu’après
l’appel que la condamnation devient définitive.
Mais pourquoi alors le pape a-t-il suggéré au cardinal Barbarin de se mettre en retrait de son diocèse de Lyon ?
E.
L. M. : Le cardinal Barbarin peut très bien être acquitté en appel. Le
pape a sans doute jugé prématuré d’accepter sa démission pour cette
raison. Cela ne me semble pas aberrant tant que son sort judiciaire n’a
pas été définitivement scellé. Si jamais le pape avait accepté la
démission du cardinal et que celui-ci était acquitté, à quoi cela
rimerait-il ? Peut-être la note envoyée par les avocats du cardinal
Barbarin a-t-elle eu un rôle et le pape François estime-t-il, comme
d’autres, que le cardinal "paye pour ses prédécesseurs" ?Toute la difficulté ici est que trois dimensions sont imbriquées : une dimension judiciaire (le cardinal Barbarin est à nouveau présumé innocent depuis qu’il a fait appel) ; l’opportunité ecclésiale locale (le bien du diocèse de Lyon) ; et le contexte international. Le pape ne peut pas faire abstraction de ce dernier : dans un État de droit comme la France, la procédure est respectée ; mais, dans un pays qui ne le serait pas, il n’est pas compliqué de déstabiliser un évêque avec une procédure judiciaire. Je peux comprendre que François ne souhaite pas envoyer ce signal.
Est-ce en raison de cette
imbrication que cette décision est si difficile à comprendre, au point
d’« étonner » même le président de la Conférence des évêques de France ?
E.
L. M. : Sans doute. Si le cardinal Barbarin avait présenté sa démission
au pape avant le verdict le 7 mars, le grand public aurait mieux compris
que seul le bien du diocèse était en jeu. Mais là, étant donné le
calendrier, qui peut croire que les éléments sont dissociés ?On sent que le pape a eu aussi le souci du bien du diocèse en « suggérant » à son archevêque de se mettre en retrait, à l’abri de l’exposition médiatique aussi.
Dans quel délai le procès en
appel du cardinal Barbarin pourrait-il se tenir ? L’appel du parquet
est-il susceptible d’accélérer sa tenue ?
E. L. M. : Non, ce n’est
pas certain. L’appel fait par le parquet a une seule incidence :
lorsque seul le condamné fait appel, la décision du juge d’appel ne peut
être que la même ou plus favorable. Lorsque le parquet aussi fait
appel, la décision est entièrement reprise, elle peut éventuellement
aussi être défavorable au prévenu. Cet appel du parquet est systématique
en cas d’appel du prévenu.Recueilli par Anne-Bénédicte Hoffner, le 20 mars 2019, pour le journal "La Croix".
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