Un très grand merci à "Ouest-France pour cet intéressant témoignage paru le 28 mai dernier.
Martin Rosen, en exil à Sainte-Hermine (Vendée), a traversé le XXe siècle. Du chemin des Dames à Auschwitz-Birkenau, c’est dans les fracas des deux guerres, que son destin a basculé en 1944. Rencontre avec Philippe Barré, enseignant et maire, qui évoque la mémoire en partage.
Martin Rosen, herminois, fut déporté dans le convoi n° 68 en février 1944. La date exacte de son décès à ce jour est inconnue.
Philippe Barré, professeur d’histoire géographie, maire de Sainte-Hermine (Vendée) et conseiller Régional se confie sur un voyage en Pologne récent pour entretenir la mémoire de Martin Rosen, réfugié à Sainte-Hermine (Vendée), et envoyé dans les camps de la mort en 1944 sur dénonciation.
. Vous venez d’effectuer un séjour en Pologne, dans quel cadre ?
Mes collègues d’histoire-géographie du lycée Notre-Dame-de-Fontenay-le-Comte m’ont proposé de les accompagner dans le cadre d’un voyage pédagogique avec 25 élèves de Terminale. Nous avons été accompagnés par l’association « Mémoire Partagée » et Michael Butting dont l’objectif est de transmettre, d’entretenir la mémoire des victimes du fascisme, de l’Holocauste et de la Shoah. Ce projet pédagogique a aussi pu se faire grâce à différentes subventions dont celle du Comité International d’Auschwitz.
· · Parlez-nous de la fin tragique de l’Herminois Martin Rosen ?
Contraint de quitter Metz au début de la Seconde Guerre mondiale, il s’est réfugié avec son beau-frère, à Aytré (Charente-Maritime) en mars 1940. À l’automne, comme il était juif, il lui a été interdit de retourner à Metz. Après l’occupation de la zone libre, le 11 novembre 1942, Martin Rosen et son beau-frère ont été contraints par l’administration française de quitter Aytré au début de l’année 1943. Ils se sont réfugiés à Sainte-Hermine. Martin Rosen y était manœuvre. Dans la nuit du 30 au 31 janvier 1944, 36 juifs de Vendée ont été raflés. C’est le cas de Martin Rosen, qui a été arrêté à 2 h 30 du matin. Il a été conduit à la salle paroissiale Notre-Dame, rue Hoche, à La Roche-sur-Yon, puis au camp d’internement de Drancy, le 3 février 1944. Le 10 février, il est déporté dans le convoi n°68, en direction d’Auschwitz- Birkenau, où il a probablement été gazé dès son arrivée. Il allait avoir 54 ans.
Martin Rosen, Chil Mayer en hébreu, né le 18 août 1890 à Krosiewce en Pologne (russe à l’époque). En exil à Sainte-Hermine en 1943, il fut dénoncé, et arrêté dans la nuit du 30 au 31 janvier 1944. Déporté en février à Auschwitz.
L’antisémitisme est toujours présent en France. On a pu voir, entre autres, des tags antisémites à La Roche-sur-Yon. Quel est votre sentiment ?
L’antisémitisme et le racisme représentent ce qu’il y a de plus nauséabond dans nos sociétés. Pour les actes antisémites qu’on peut voir ces derniers temps en France, c’est incompréhensible. Les juifs français ne sont pas responsables de ce qui se passe en Israël ou en Palestine. Tout cela est entretenu par les discours populistes et simplistes. C’est inadmissible que nos principes républicains soient bafoués de la sorte, encore plus lorsque c’est par des élus de la République. On ne peut pas tout laisser dire et tout laisser faire. On ne peut pas être modérément républicain. La France contemporaine s’est construite à partir de la déclaration des droits de l’homme. Il ne peut pas y avoir de compromis avec l’antisémitisme et le racisme.
Que souhaitez-vous transmettre de ce voyage en Pologne ?
Cela fait 20 ans que je suis professeur
d’histoire-géographie et que j’enseigne sur la
Shoah. Cependant, lorsqu’on est sur place, l’horreur prend une
autre dimension. C’est difficile à expliquer. L’immensité de Birkenau rend encore plus compte
de l’industrialisation de la mort à grande échelle. À Auschwitz, plusieurs lieux m’ont marqué : les traces des ongles sur les murs de la chambre à gaz, une salle avec 1,5 tonne de
cheveux. Les salles remplies de valises, de chaussures… J’ai beau enseigner la Shoah depuis de
nombreuses années, lorsqu’on est sur place, on réagit en tant qu’être humain, qui ne peut qu’être
horrifié par ce qu’il est en train de voir. Enfin, à Birkenau, il y avait du soleil et de l’herbe
bien verte. Ce qui m’a paru complètement incongru lorsqu’on connaît
les conditions de vie des déportés, avec la neige, l’hiver, la boue.
En tant qu’homme, enseignant avez-vous un dernier mot ?
La folie des Nazis a conduit à la mort, la quasi-totalité de millions de déportés. Ils étaient juifs, homosexuels, tziganes, opposants politiques, handicapés. À Birkenau, lorsque j’étais à la Judenrampe, j’ai spontanément pensé à Martin Rosen, à tous ces résistants du Pays de Sainte-Hermine, qui ont participé aux parachutages d’armes en juin 1943 en Vendée.
Beaucoup ont été arrêtés puis déportés. La plupart ne sont jamais revenus. Ils sont morts pour nos valeurs, pour la France. Ce voyage pédagogique m’a renforcé dans ma volonté de rappeler notre mémoire et notre histoire. C’est indispensable pour ne pas oublier, mais c’est aussi un bon moyen pour combattre l’obscurantisme.
2 commentaires:
Merci Olivier pour ce partage.
Le témoignage des personnes ayant vécu cet enfer est primordial pour les jeunes.
Nous avons eu la chance d'emmener nos petites filles à une conférence de Lili Koller Rosenberg. Cette conférence avait lieu dans un lycée devant des centaines de jeunes et pendant son témoignage, on pouvait entendre une mouche voler. Et à la fin de la conférence, elle a échangé avec les jeunes dont beaucoup pour ne pas dire la majorité, avaient les yeux humides.
Aucun livre ne peut laisser une telle image de vérité de l'horreur.
Merci Olivier de nous avoir partagé ce témoignage. Il est nécessaire, en effet, de rappeler notre histoire pour combattre, aujourd'hui, l'antisémitisme et le racisme.
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