Du 23 au 26 juin 2024 a eu lieu, à Salzbourg, un colloque sur la sainteté, regroupant Juifs, Protestants et Catholiques, avec des représentants de 25 pays. Pourquoi cela ? Il y avait de nombreuses choses à clarifier en effet ! Pour exemple, en ce qui nous concerne nous les catholiques, la sainteté a longtemps été considérée comme réservée aux baptisés fidèles à Rome, tous les autres humains en étant exclus : les Juifs depuis 2000 ans pour avoir (soit disant) crucifié Jésus, et les protestants étant considérés comme des hérétiques, et ne pouvant donc accéder à la sainteté, puisqu'ils ont tourné le dos à la "Sainte Eglise Catholique" !
Il faut avouer qu'aujourd'hui encore, la partie n'est pas gagnée. Nombre de catholiques demeurent méfiants vis-à-vis du Judaïsme, considéré comme une religion dépassée, totalement remis en cause, croient-ils, par la nouveauté du message de Jésus. Tandis que, ainsi que cela m'a été reproché à diverses reprises, pourquoi donnez-vous du temps et de l'importance aux protestants (sans parler des bouddhistes et des musulmans), au lieu d'assurer pleinement votre mission première de prêtre catholique, qui est de soutenir en priorité le catholicisme, afin d'éviter que nos églises ne se vident ?
Pendant 20 siècles donc, sans aucun scrupule sauf exception, le catholicisme s'est cru le seul dépositaire du "brevet" de sainteté ! Quelle erreur ! Quelle prétention ! N'étions-nous pas une religion au-dessus des autres ? Et même la seule vraie religion ? L'Esprit-Saint, ainsi mis de côté, à dû s'en mordre les doigts durant les deux millénaires passés ! Puis, dans les années 60, avec la réflexion menée lors du concile Vatican II, les choses ont commencé à bouger. L'on a enfin commencé à comprendre que le grand appel du Lévitique 19/2 s'adressait, aux Juifs évidemment, en premier lieu historiquement ; et pas seulement à eux, mais aussi à tous les membres des autres religions, ainsi d'ailleurs - ô surprise - qu'aux humanistes de tout bord et aux hommes et aux femmes dits "sans religion": "Soyez Saints ; car Je suis Saint, moi, l'Eternel, votre Dieu."
Question : mais alors, où va-t-on, si même des personnes qui ne connaissent pas Dieu, ou semblent le nier, peuvent avoir droit eux aussi à la sainteté ? Quel dommage que, pendant 20 siècles, l'on n'ait pas lu l'Evangile sérieusement. C'était pourtant bien expliqué... Je ne citerai que deux passages : les Béatitudes, et Matthieu 25 ; relisez-les, et vous comprendrez.
Quels sont les critères de la sainteté ? Valables pour tout humain, et non réservés aux seuls croyants. Ce que l'on appelle aujourd'hui "les signes des temps" ; c'est-à-dire : l'aspiration à la justice, à la liberté et à la paix, la fraternité universelle, dans le sens de l'Évangile, et la radicalité de l'amour ; poussé dans certaines circonstances jusqu'au don de la vie, en solidarité avec les plus faibles et au service de la justice pour tous ; tels en sont quelques exemples marquants. Au fond, tout ce qui sert l'homme concrètement et le sert en vue de sa pleine promotion et donc de sa libération de tout ce qui porte atteinte à sa dignité d'enfant de Dieu.
Sans aller chercher très loin, en ne parlant que d'aujourd'hui, je pense à ces centaines de volontaires, venus de toute l'Espagne, que la télé a su mettre en valeur, qui sont venus pour aider bénévolement les sinistrés, leur donner un coup de main pour aider à déblayer, témoigner de leur solidarité, leur manifester qu'ils ne sont pas seuls ni oubliés... "Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir en détresse, et de venir à toi ?" (Matthieu 25/37...)
La question des droits humains présente un tronc commun d'engagement pour tous ceux qui croient en l'immense dignité de l'homme ; tous s'unissant, au-delà de leurs religions ou de leurs croyances pour faire advenir un monde nouveau ; cela n'entre-t-il pas dans le projet de Dieu ?
A ce sujet, relisons Péguy : "Ce qu'il faut savoir, disait Charles Péguy, c'est que la géographie, la carte du catholicisme, de l'Eglise, ne recouvre pas la carte des créatures grâciées." Et le poète catholique, alors militant socialiste, de parler de "la Cité harmonieuse", là où sont assemblés dans l'amitié tous les hommes, de toutes nations et de toutes croyances, tel un peuple immense réuni autour du Père, dans la Cité nouvelle, la Cité de Dieu.