Le 15 mars 2012, Abel Chennouf, chrétien, et Mohamed Legouad,
musulman, mouraient assassinés par Mohamed Merah dans les bras du Père
Christian Venard, aumônier des parachutistes. A l'époque, Nicolas Sarkozy avait
suscité la polémique en parlant de "musulmans d'apparences" au sujet des deux
soldats, un incident réactivé par François Hollande, qui, récemment lors d'un
dîner du CRIF, en rendant hommage aux sept victimes de l'affaire Merah, a évoqué
"quatre juifs, trois musulmans". Attristé par cette confusion, le père d'Abel
Chennouf a adressé une lettre au président pour dénoncer le "mépris" manifesté
selon lui par François Hollande "envers les familles de victimes, notamment Abel
et Mohamed Legouad". Sollicité par La Vie, le Père Christian Vénard revient sur cette
double "erreur" de deux présidents à un an d'intervalle.

« Le 15 mars 2012, voilà
presque deux ans jour pour jour, Abel Chennouf et Mohamed Legouad rendaient leur
dernier souffle entre mes mains, lâchement assassinés par le terroriste Mohamed
Merah. C’est dire si la polémique issue des propos du Président de la
République, François Hollande, devant le CRIF, m’a touché.
Déjà en son
temps j’ai été choqué, comme tant de mes camarades par les confusions sur la
religion et les origines des différentes victimes militaires de Merah. Nicolas
Sarkozy alors Président avait parlé de « musulmans d’apparence » ; les médias
n’avaient vu que des maghrébins, donc des musulmans.
Rappelons qu’à
Montauban, sur les trois victimes, deux sont catholiques (Abel Chennouf et Loïc
Liber – seul rescapé) et une musulmane (Mohamed Legouad). Rappelons enfin que
Loïc est français d’origine guadeloupéenne et ses deux camarades français
d’origine algérienne.
Lors des célébrations religieuses des obsèques,
déjà nous avions été heurtés par la différence de traitement : aucune
représentation nationale à la messe pour Abel Chennouf (pourtant célébrée par
deux évêques) ; aucune représentation officielle même locale à Manduel pour sa
mise en terre. Qu’importe… cela est passé.
Et voilà que deux ans après,
il semble qu’aucune leçon n’ait porté, du moins chez les politiques. Est-ce de
l’amateurisme de la part des conseillers à l’Elysée ? Faut-il y voir du mépris
vis-à-vis des catholiques ? Sans doute est-ce, comme au moment des faits, une
espèce de grille de lecture idéologique, niant la réalité, ou pire, devenue
incapable de la saisir dans sa complexité. Les victimes sont colorées, elles ont
des noms à consonances arabes : elles ne peuvent être que maghrébines et
musulmanes. Il y a là, à tout le moins, une négligence grave. Cet anéantissement
de la pensée est inquiétant quand il touche de hauts responsables politiques.
Ce qui est certain, c’est que tout cela remue douloureusement nos cœurs
et nos âmes. Nous avons le sentiment d’un gâchis supplémentaire, d’une faute
contre ceux-là mêmes qui ont été tués. Je l’avais dit, lors de la mise en terre
d’Abel , dans son sacrifice il représentait tout ce que notre pays peut faire de
mieux : un jeune homme, dont la famille a choisi la France et qui a voulu la
servir dans le métier des armes. Par leurs maladresses coupables et répétées,
politiques et journalistes, interdisent non seulement l’instauration de la paix
dans le deuil, mais pire encore, ils retirent aux victimes de Merah,
l’exemplarité dont elles sont le symbole : juifs, musulmans ou chrétiens : tous
Français, tués par un terroriste qui haïssait la France en ce qu’elle a de
meilleur : cette capacité à transcender les origines et les religions pour
donner à chacun la possibilité de l’aimer, de la faire sienne et par là de se
mettre au service du Bien commun ».
Surtout, que cela ne nous entraîne pas à dire que les politiques sont tous pourris !
Certains le sont, malheureusement...
Mais pas tous, Dieu merci !
Pensons par exemple à ces dizaines de milliers de candidats auxquels je rendais témoignage dimanche sur ce blog, sincèrement dévoués à l'intérêt général !
Relisez le message des évêques de France que j'ai publié dans le billet précédent, n° 1.752, et vous comprendrez où se trouve le vrai chemin !
P - S : En outre, à titre de complément à l'article ci-dessus de l'hebdomadaire "La Vie", voici le texte de l'intervention d'Albert Chennouf, le père du militaire tué par Mohamed Merah à Montauban, publié par le journal de "La Croix" daté du 10 mars dernier : sa protestation samedi, contre les propos de François Hollande qui, au récent dîner du Crif, avait évoqué les victimes, "quatre juifs, trois musulmans" :
"Nous condamnons fermement votre inculture, votre agression verbale et votre mépris vis-à-vis de notre enfant Abel Samy Arnaud, qui est catholique de son état et non musulman."
"Mal nommer les choses..."