J'ai été frappé par cette réflexion que vient de me faire une paroissienne : "Alors que tout va mal autour de nous, on a l'impression d'être dans une impasse ; pas étonnant : on n'a que des guides à l'envers !" Cela m'a rappelé cette réflexion de Jésus en Matthieu 15/14 : "Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou." Cette parole énigmatique de Jésus arrive tout à fait à point par rapport à la situation que nous vivons. Inutile de la rappeler : du bruit, des promesses, de l'impuissance, un grand manque de maturité de la part de nos responsables politiques au plus haut niveau ; sans parler d'une incapacité profonde à se remettre en cause, à écouter la raison ou à savoir oeuvrer ensemble pour le service du pays. Et encore sommes-nous heureux de vivre en France ! Que dirions-nous si notre "guide" s'appelait Orban, Trump, Xi Jinping, Poutine ou Netanyahu ?
Alors, maintenant qu'on a dit ça, comme disent les journalistes, que fait-on ? Je vais m'en tenir au plan de notre foi, et dans le cadre de notre préparation à Noël. Mais au fait, le vrai guide, nous l'avons déjà ! Notre monde aux racines chrétiennes et nous-mêmes l'aurions-nous par hasard mis de côté ? Sinon oublié ?
Pourquoi nous préparons-nous à Noël en effet, si ce n'est pour accueillir enfin, tant dans notre vie personnelle qu'au coeur de notre société, celui qui peut seul guider nos vies dans la bonne direction ? Il est vrai qu'il pourrait sembler difficile de croire, quand on voit l'état du monde, que Jésus nous a sauvés ; car tout semble nous mener vers la destruction : crise climatique, montée des extrêmes, perte des emplois, place de plus en plus inquiétante de "l'IA, l'Intelligence Artificielle", conflits et guerres un peu partout...
Et nous, chrétiens, on s'inquiète parce que les bancs de nos églises sont vides, parce que la jeunesse déserte nos célébrations, parce qu'on ne sait plus faire aussi bien que nos prédécesseurs (JOC, Jeunesse Ouvrière Croyante, JAC, pour les jeunes du monde rural, ACE, Action Catholique des Enfants,...) pour accompagner le peuple, les classes populaires par exemple, si oubliées par l'Eglise actuellement, avec la lumière de l'Evangile...
Un exemple étonnant de "guide à l'envers" : à l'occasion de la réouverture de la cathédrale, le chef de l'Etat se voyait accueillir l'archevêque de Paris à l'intérieur de l'édifice, pour lui remettre les clefs devant les caméras, puis prononcer un discours, en majesté, sous les voûtes gothiques. Réponse sans appel de la part de Mgr Ulrich : "Les clefs, je les ai déjà ! Ce n'est pas parce que Notre-Dame a brûlé que j'aurais perdu les clefs." Le pape François a fait le choix judicieux de ne pas participer à ces mondanités, à l'occasion de la réouverture de la cathédrale ; le seul guide en effet vers lequel Notre-Dame dirige nos regards, c'est le Christ !
Nous vivons des choses qui, dans le monde actuel, sont en contradiction avec le chemin que le Seigneur nous demande de vivre, avec le projet d'amour qu'il vient nous rappeler à Noël : mettre les plus défavorisés au centre de nos choix politiques, sociaux, ecclésiaux et familiaux, ouvrir davantage notre liturgie et nos prières à ce qui marque la vie des gens, oser tourner le dos au pouvoir des marchés pour défendre en priorité les droits humains là où ils ne sont pas respectés, nous comporter comme des serviteurs et des frères vis-à-vis des peuples ou des populations en difficulté...
Quand on va chercher au fond de soi-même, l'on sent que ce mal-être est de plus en plus pesant, et qu'il peut nous empêcher de voir positivement les événements, ainsi que l'Avenir que le Seigneur nous propose : "Le Peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l'ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, Ils se réjouissent devant toi..." ( (Isaïe 9/1) Mais une telle lumière, une telle allégresse, telles qu'elles nous seront proclamées dans la Nuit de Noël, sont-elles encore possibles, en 2024 ? Ou avons-nous dépassé les limites de la confiance dans le projet de Bethléem ?
Pour nous préparer à entendre à nouveau un tel projet, et à y répondre de notre mieux, ne nous trompons pas de guide dans notre cheminement. Devenons plus mûrs dans nos choix. Ne mettons pas notre Eglise à la remorque de nos lubies étroites, mais bien au service du Peuple de Dieu, fait de croyants et d'humanistes. Car ainsi que l'annonce l'évangéliste Luc (2/14) : "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre, bienveillance pour les humains."
Car à Noël, Jésus vient autrement que comme un "guide à l'envers", pour ses innombrables frères et soeurs en humanité !
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