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Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



jeudi 26 septembre 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2996 : Les "bienfaits" de la colonisation en Indochine

 Pour nombre de nos contemporains, très mal informés, la colonisation a été une oeuvre civilisatrice merveilleuse, qui a eu de très beaux effets sur les populations concernées.  La République a su faire avaler cette grave erreur et ce mensonge à nombre de ses enfants.  Alors que la réalité était tout autre !  Ainsi qu'en a témoigné la célèbre journaliste du "Petit Parisien", principal quotidien de l'époque, Andrée Viollis, dans son livre "Indochine SOS", paru à la NRF en 1935, et dont voici l'Avant-Propos  : Cela était prémonitoire !  Que ne l'a-t-on écoutée ???  On a vu les résultats que cette attitude a donnés, les guerres coloniales que cela a entraînées, les conflits qui se perpétuent encore aujourd'hui, en Nouvelle Calédonie par exemple...


Les notes qui suivent furent prises en marge d'un voyage que je fis en Indochine dans

les trois derniers mois de 1931. Attachée en qualité de journaliste
à la mission de
M. Paul Reynaud, alors ministre des Colonies
, je l'avais devancé à Saïgon d'une dizaine
de jours et m'étais arrangée pour demeurer dans le pays un peu plus d'un mois après

son départ, avant de gagner la Chine, puis le Japon.

J'avais été profondément émue par la belle et solide enquête que Louis Roubaud

venait de publier sur les troubles d'Indochine
. Je savais qu'ils n'étaient encore
qu'imparfaitement apaisés. Je pus bientôt me convaincre comme lui que la cause

principale de ces troubles réside d'une part dans la crise économique, la famine,

l'excessif fardeau des impôts, d'autre part, dans l'attitude prise par les autorités devant

les pacifiques cortèges et les diverses manifestations d'un peuple désespéré.

J'apporte sur la répression de ces troubles, leurs causes et leurs conséquences, un
témoignage pour ainsi dire nu, car je ne fais que transcrire mon carnet de notes, me
bornant à y joindre les éclaircissements et les précisions indispensables, et, autant qu'il
se peut pour un sujet aussi brûlant, à y ajouter mes références. Le lecteur suivra donc le
même chemin que moi. Il verra comment je parvins à rencontrer, du côté indigène, quelques-uns, les « meneurs », comment je pus m'entretenir avec des chefs de la jeunesse nationaliste, des « vieux-révolutionnaires », des constitutionnalistes et divers partisans de la coopération franco-annamite. Et il se rendra compte que j'ai également consulté de nombreux Français, avocats, ingénieurs, médecins, colons, fonctionnaires de la Sûreté et de l'Administration.

Ces notes et les documents qui leur sont annexés constituent, malgré moi, un
témoignage accablant contre la façon dont les troubles furent réprimés en Indochine et
la manière dont la justice y est rendue.


Mais le verdict de Saïgon intervint en mai 1933, provoquant l'émotion la plus
profonde et la plus justifiée, aussi bien dans les esprits pour lesquels les considérations
d'humanité et de justice ont encore du poids que chez les Français soucieux du principe
et de l'application de nos méthodes coloniales. Il fut suivi par le procès d'Hanoï (juin
1933) qui se termina par l'acquittement de cinq légionnaires, dont deux sergents,
convaincus d'avoir torturé puis assassiné onze Annamites, innocents et reconnus
comme tels. Acquittement justifié par le fait que les accusés prétendirent n'avoir fait
qu'exécuter les ordres des autorités civiles.


Révoltée, comme tous ceux qui lurent le compte rendu des débats de ces procès,
j'attendis cependant encore. Mais, malgré des assurances venues de très haut, aucune
mesure gouvernementale n'a jusqu'ici atténué l'iniquité de ces deux verdicts. Des
condamnés ont été exécutés ; d'autres et par milliers pourrissent encore dans des
bagnes et des geôles dont je connais l’horreur. Les amnisties promulguées au cours de
ces derniers mois ne se sont étendues que d'une façon insuffisante aux prisonniers
politiques et n'ont tenu aucun compte des injustices commises.

 Par ailleurs, la misère et la famine restent endémiques dans les campagnes ; les paysans accablés de trop lourds impôts, protestent et s'insurgent. Et si de récentes mesures ont quelque peu allégé
la dette fiscale des indigènes cochinchinois, elle n'ont pas diminué le fardeau des
populations si éprouvées de l'Annam. Aucune réforme sérieuse n’est intervenue pour
adoucir les maux et éliminer les abus que je signale dans ces notes.


Il ne m'était donc plus possible de les garder dans mon tiroir. Les voici. J'en avais déjà

publié une partie il y a quelques mois, dans Ia revue
Esprit . Ce qui me valut certaines
critiques de tous genres et sur tous les tons, mais qui n'allèrent jamais néanmoins

jusqu'à mettre ma bonne foi en cause
.


On me reprocha de faire œuvre antifrançaise en négligeant les résultats
considérables de notre œuvre en Indochine pour n'en souligner que les défauts et les
tares, et de donner ainsi une idée fausse tant de I'Indochine que de la France. Mais, je le
répète, mon enquête ne porte guère que sur les causes et la répression des troubles.

 
Je ne me propose nullement de donner un tableau complet de l'Indochine ni d'embrasser
dans son ensemble le problème de Ia colonisation et du fait colonial en soi. Je laisse aux
lecteurs le soin de situer mes impressions sur un plan plus général et d'en tirer eux-
mêmes leur conclusion. J'ajoute qu'aucun Français ne peut ignorer les résultats de
l'activité française en Indochine et que, s'il en était, besoin, les « chargés de mission »
et les rédacteurs des journaux coloniaux se chargeraient abondamment de rafraîchir les
mémoires.


Je ne sentais vraiment pas la nécessité de m’étendre une fois de plus sur les édifices, les chemins de fer, les routes et les canaux créés par nous en Indochine. 

 
Tout au plus pouvais-je me demander en quoi routes et voies ferrées sont utiles à l'indigène, rivé dans son village par la misère et la difficulté de se procurer un passeport ; et aussi pourquoi ces fameux moyens de transport n'ont même pas servi à apporter dans les régions de I’Annam, atteintes par une terrible famine, les stocks de riz accumulés au Tonkin et en Cochinchine, sans espoir de vente ni d'exportation. 

Mon enquête ne portait pas davantage sur le point de savoir s'il est opportun, s'il est possible, d'empêcher de germer les idées que l'on a semées, d'étouffer les espoirs que l'on a fait naître; si l'on peut continuer à tenir éternellement en servage les peuples majeurs qui réclament les droits de leur majorité ; ces droits solennellement proclamés chez nous il y a plus de cent cinquante ans, et confirmés par la Conférence de la Paix de 1919. Ni si la France n'aurait point avantage à accorder aux Indochinois, sinon l'indépendance totale, du moins une plus large part dans les affaires publiques de leur patrie. Pour poser et résoudre de tels problèmes, il m’eût fallu plus d'autorité et plus de temps. Je reçus également, et en plus grand nombre, de précieuses approbations.

On m'a également reproché de faire œuvre antifrançaise en publiant au grand jour
les erreurs et les scandales dont l’Indochine est le théâtre. Je viens de dire les hésitations
et les scrupules qui m'ont longtemps retenue. Si cependant on persiste encore à estimer
que c'est desservir la France que de servir la vérité, j'accepte volontiers le blâme.


N. B. — Il est utile de signaler qu'on nomme indistinctement « communistes » en

Indochine non seulement les nationalistes désireux de voir appliquer à leur pays les

principes démocratiques qu'ils ont puisés chez nous, mais les miséreux qui supplient

qu'on leur vienne en aide, et tous ceux qui, pour une raison quelconque, n'ont pas le

don de plaire à l'administration ou à la police. À leur tour, ceux-ci relèvent cette

dénomination et s'en font gloire. Le régime est tel d'ailleurs « qu'il est difficile de concevoir qu'un Annamite courageux soit autre chose qu'un révolutionnaire !"

1 commentaires:


Marie-France Dauce a dit…

Ce texte résonne profondément en moi pour plusieurs raisons:

C'est à la suite d'une conférence d'un pasteur revenant du Vietnam, à propos de la torture infligée à des "indigènes" dont des enfants, c'est après le cri de ce pasteur
"Laisserons-nous encore longtemps défigurer le visage du Christ ?"
que deux femmes, protestantes, furent à l'origine de l'ACAT, (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture), plus tard, de la peine de mort, et aussi pour un soutien aux migrants, cette association œcuménique que j'ai rejointe en 1978.
Cela me touche aussi car j'ai vécu 26 ans au Maroc dont les années de troubles qui ont mené à l'indépendance.
Et enfin, j'ai passé quelques mois en Algérie, fin 61 début 62...des propos que j'ai pu entendre dans le contexte où je me trouvais, m'avaient choquée...

Je comprends tout à fait les mots de cette journaliste qui pour l'époque devaient être révolutionnaires !!!
La colonisation ne fut pas une bonne chose, elle a mené à des retours violents.
Qui sème le vent récolte la tempête !