Ces derniers temps, plusieurs d'entre vous m'ont fait savoir qu'ils attendaient un billet sur ce blog par rapport à l'abbé Pierre. J'ai beaucoup hésité ! Que puis-je apporter de plus, en comparaison avec tout ce qui est dit ou écrit sur le sujet ? Finalement, je vais quand même me lancer !
Remarquons, une fois encore, qu'il ne fait pas bon être un personnage emblématique dans l'Eglise catholique. Tant de responsables de communautés charismatiques ou autres nous ont ainsi profondément déçus... Ne vaut-il pas mieux être à la dernière place, où les risques d'adulation sont nettement moins importants ?
Drame de ces femmes, qui ont sans doute 70, 80 ans ou plus aujourd'hui, et qui viennent seulement de faire savoir combien elles ont souffert des attitudes déplacées de l'abbé Pierre ! Quelle vie elles ont dû mener depuis, suite à ce que l'abbé Pierre leur a fait subir ! Impossible de dédouaner l'abbé de tout cela !
Surtout que ceci s'est passé dans l'ombre, en cachette. Pourtant, dans l'entourage de l'abbé Pierre, un certain nombre de proches étaient au courant, en partie, de la façon dont l'abbé se comportait vis-à-vis de femmes qui pouvaient avoir à faire à lui. Question : comment comprendre que, si la hiérarchie n'a pas su alors écouter la plainte de ces femmes, d'autres femmes, féministes ou non, n'aient pas pris le relais et fait résonner largement leurs cris de douleur ? Car notre problème, c'est de toujours attendre tout de la hiérarchie, souvent bien loin du peuple !
Cependant, à présent, entre colère et sidération, quelle attitude nous faut-il avoir ?
Ma première remarque serait la suivante : "Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre !" (Jean 8/7) En effet, je suis toujours interloqué par ces belles âmes qui s'effarouchent devant les péchés des autres !!! Quelle pauvreté de coeur ! Me revient aussi cette réponse du pape François, alors qu'on l'interrogeait à propos de sa position vis-à-vis des homosexuels : "Qui suis-je pour juger ?" Cela ne voulait pas dire que Jésus excusait ou disculpait la femme pécheresse, ni que le pape François ne se posait pas des questions vis-à-vis de l'homosexualité, évidemment. Mais ils ont refusé de se laisser enfermer dans une perspective de critique, de supériorité, de jugement, de rejet, de condamnation.
J'ose espérer que, malgré certains enseignements actuels, nul ne va penser que l'abbé Pierre, suite aux gestes déplacés qui lui sont reprochés, a pu être envoyé directement en enfer. Rappelons-nous que le fils prodigue, qui avait fréquenté des prostituées, ayant finalement regretté son péché, a donc pu être accueilli par son Père les bras grands ouverts.
Bien entendu, il ne s'agit pas de disculper l'abbé Pierre de ce qu'il a fait de répréhensible, mais de se souvenir de l'immense miséricorde de Dieu. Je repense souvent à ce passage d'Isaïe 1/18 : "Venez et discutons, dit le Seigneur. Si vos péchés sont comme l'écarlate, ils deviendront blancs comme la neige. S'ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront comme de la laine."
Il y a aussi cette remarque très éclairante de St Jean (1° Lettre, 1/20) : "Si notre coeur nous accuse, Dieu est plus grand que notre coeur et il discerne tout." Ne nous improvisons pas "juges" à la place de Dieu !
J'ai reçu aujourd'hui même le message suivant d'une fidèle de ce blog, qui connaissait l'environnement dans lequel vivait l'abbé Pierre : "Il faut voir avec qui l'abbé Pierre vivait, prostituées, familles en guenilles, voleurs, etc... Je n'ai jamais été dans ces foyers, mais j'ai été dans ceux du père Christian (voir commentaires) et j'avoue qu'il fallait avoir la Foi chevillée au corps et l'Esprit Saint et Jésus très profondément ancrés au fond de son cœur pour ne pas tomber, pour ne pas chercher un peu de chaleur et d'affection."
Il y a trois choses à ne pas oublier :
- le témoignage des femmes qui ont été victimes de ce prêtre.
- le fait que l'abbé Pierre a donné sa vie pour les pauvres et les personnes en détresse, au nom de son amour pour le Christ.
- et les prêtres qui, tout en étant attachés au Christ ainsi qu'au salut du Peuple de Dieu, restent des hommes, et des êtres de désir, avec leurs richesses et leurs fragilités.
Seul Dieu sait ce qui s'est passé exactement dans la vie de l'abbé Pierre, et dans son coeur. Seul Dieu pourra pleurer avec ces femmes qui se sont senties trahies par lui. Lui comme elles, nous osons les confier au Dieu miséricordieux, ainsi que les associations et mouvements héritiers de l'action impulsée par l'abbé Pierre, en France comme dans le monde entier.
7 commentaires:
Livre écrit sur le Père Christian, dont nous parle Marie-Françoise, que je cite dans mon billet : "Une écharpe rouge, le Père Christian, prêtre parmi les pauvres"
Le « Père Christian » (1905-1989), de son nom civil Christian Roussin, est une grande figure de l'Église des pauvres, comme l'abbé Pierre et le Père Wrésinski. Il s'est voué durant tout son ministère aux déshérités des bidonvilles, de l'après-guerre et du quart-monde, notamment à la paroisse Sainte-Colombe à Villejuif. Après vingt années passées dans l'ordre des Picpuciens, il est devenu prêtre du diocèse de Paris, grâce au cardinal Suard, pour se consacrer entièrement aux pauvres. Ce livre retrace son itinéraire, y compris la période où il fut prisonnier en Allemagne, en s'inspirant de ses lettres et de nombreux témoignages.
Olivier merci pour ton billet,je n'ai rien à ajouter ou modifier.il est clair plein de l'amour d'un frère qui souffre et pardonne dans l'amour.immense de Dieu. Il a eu des.faiblesses,mais sa vie.fut offerte.aux déshérités c'est cela qu'il faut.retenir.
Merci Olivier pour ce témoignage.
Je ne suis qu'une paroissienne humaine avec ses pêchés tout au long de sa vie.
Je ne veux ni juger ni absoudre l'Abbé Pierre, ce n'est pas ma légitimité.
Mais j'ai beaucoup de difficulté à accepter que l'on accable des gens qui sont
morts et ne peuvent pas répondre aux accusations. C'est quelque chose qui
m'a toujours choquée. S'il est coupable, il a déjà dû en rendre compte au Seigneur.
Mais n'oublions pas tout ce qu'il a fait de beau et de bon pour tous ces gens
qui n'avaient personne vers qui se tourner.
" Drame de ces femmes, qui ont sans doute 70, 80 ans ou plus aujourd'hui, et qui viennent seulement de faire savoir combien elles ont souffert des attitudes déplacées de l'abbé Pierre ! Quelle vie elles ont dû mener depuis, suite à ce que l'abbé Pierre leur a fait subir ! "
Seulement, non. Emmaüs savait, le diocèse de Grenoble savait, d'autres savaient... et tout le monde s'est tu. Les victimes n'ont pas mis 30 ans à parler. L’Église, nous, avons mis 30 ans à les entendre. Et c'est bien ça le drame dans le drame.
Merci à Cybersister pour cette importante question posée à Emmaüs et à l'Eglise (hiérarchie, prêtres, religieuses, Emmaüs et autres)..
Qui complète bien ce que je disais, à savoir que nombre de personnes étaient au courant.
Tandis que j'étais en mission pastorale sur Paris, une religieuse m'avait mis au courant.
C'était en 1990 !
On s'était dit alors : que faire ?... Et on n'est pas allés plus loin, ni elle ni moi.
Déjà, personne ne bougeait !
Il est interpellant de savoir que ces femmes, alors, n'ont pas été entendues !
A se le faire savoir, et à en tenir compte à l'avenir !
Puisque l’église emploie aujourd’hui des prêtres mariés, maronites, anciens anglicans, anciens orthodoxes pourquoi ne pas envisager que pour les prêtres pour qui le célibat est difficile ils puissent être mariés pour donner le meilleur d’eux même à l’église
Je pense que cette proposition ci-jointe est envisagée et étudiée, "en haut lieu"...
Mais, cher ami qui avez posté ce commentaire, puissiez-vous être entendu !
Merci !
Enregistrer un commentaire