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Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



vendredi 10 novembre 2023

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2881 : "Des lumières dans la nuit"

 Bertrand, adhérent au groupe interreligieux et interconvictionnel "Dialogue pour la paix" sur le Pays des Olonnes, me fait parvenir cette réflexion de Pierre Ouzoulias : "Entre l’hypocrisie de l’extrême-droite pour masquer son racisme et la confusion intellectuelle à gauche entretenue par des positions outrancières, ci-dessous, le texte lumineux du sénateur communiste Pierre Ouzoulias" :


"À l’Est, chaque jour accueille son cortège de morts toujours plus nombreuses. Israéliennes d’abord, victimes des atrocités commises par les terroristes du Hamas.
Palestiniennes ensuite, victimes des opérations déclenchées par l’armée israélienne.
En France, l'antisémitisme connaît une recrudescence insupportable et la raison semble avoir déserté pour de bon le débat public.
Que faire ?

L’air est irrespirable.

À l’Est, chaque jour accueille son cortège de morts toujours plus nombreuses. Israéliennes d’abord, victimes le 7 octobre dernier des atrocités commises par les terroristes du Hamas. Palestiniennes ensuite, victimes des opérations déclenchées par l’armée israélienne dans la bande de Gaza.

À l’Ouest, la raison semble avoir déserté pour de bon le débat public. Des étoiles de David ont été taguées à Paris, dans les Hauts-de-Seine et en Seine–Saint-Denis, ce qui nous a immanquablement rappelé les périodes les plus sombres de notre histoire, durant lesquelles notre République s’est suicidée pour laisser la place aux idées les plus macabres. De manière générale, le ministère de l’Intérieur note une recrudescence très inquiétante des actes antisémites, que certains imputent avec grande violence et sans la moindre preuve, à nos compatriotes de confession musulmane.

Au milieu de ce marasme politique, propice aux invectives en tous genres, je me demande, non sans vertige, à quoi je peux bien servir, moi, petit parlementaire communiste des Hauts-de-Seine. Mon introspection est d’autant plus grande que je me sens investi d’une charge particulière en tant que petit-fils d’un illustre résistant et mari d’une femme libanaise qui a vécu dans sa chair les atrocités de la guerre. Que puis-je faire dans cette période où tout semble confus et sacrifié sur l’autel de la petite phrase, carburant inépuisable des chaines d’information ? La première réponse qui me vient m’incite à rappeler quelques évidences et à dresser des perspectives politiques.

La première évidence consiste à affirmer que le Hamas est une force terroriste islamiste dont la vocation n’a jamais été de parvenir à la paix, mais bel et bien de contraindre tous les acteurs israéliens et palestiniens qui ont voulu s’inscrire dans cette voie. Demandez-vous donc pourquoi le Hamas s’est systématiquement trouvé du mauvais côté de la barrière, notamment lors du processus d’Oslo, parfois avec la complicité de responsables israéliens et arabes, qui ont compris que le terrorisme islamiste constituait la planche de salut d’une politique colonisatrice contraire aux résolutions de l’ONU. Le Hamas est un mouvement antisémite, phallocrate, homophobe et fondamentalement anti-lumières. Il faut le dire et le répéter jusqu’à plus soif. C’est un devoir moral que nous avons vis-à-vis de nos valeurs universelles, mais aussi vis-à-vis des Palestiniennes et des Palestiniens qui sont aujourd'hui captifs de tous les extrémistes : ceux du Hamas et ceux de l'extrême droite israélienne, laquelle se réjouit des frappes destructrices en cours à Gaza.

Car de la première évidence dépend la deuxième évidence, dont je crains hélas qu’elle devienne de plus en plus minoritaire. Fidèle à une tradition gaullo-mitterandienne, notre pays revendique une solution à deux États, laquelle est la seule souhaitable pour les peuples israéliens et palestiniens. Elle est l’unique garantie de la paix dans cette région du monde soumise aux plus grandes instabilités géopolitiques. Le conflit israélo-palestinien n’a rien de civilisationnel comme voudrait le faire croire une extrême droite qui se réjouit, tel un croque-mort, du profit qu’elle pourrait tirer de cette situation dramatique. Il est d’ordre politique et se réglera comme tel. Je ne demande pas à Emmanuel Macron de parler plus fort que les autres. Je souhaite qu’il parle mieux. Qu’il le veuille ou non, en tant que chef de l’État et titulaire des prérogatives diplomatiques, c’est à lui qu’il revient de poser les mains sur le fil d’or de notre histoire internationale. En son temps, Dominique de Villepin avait prononcé un discours qui avait fait notre fierté collective à propos du refus de la France de mener la guerre à l’Irak. Nous sommes en droit d’attendre une initiative de ce type qui nous distinguerait aux yeux de tous, à commencer par toutes les forces progressistes du Moyen-Orient, en particulier palestiniennes, laissées depuis trop longtemps à l’abandon par des occidentaux obsédés par la satisfaction de leurs propres intérêts. Libération des otages, cessez-le feu, émergence d’un processus politique pour aboutir à la création de deux États. Voici le cahier des charges que le peuple français a confié à Emmanuel Macron. Il doit le respecter.

La troisième évidence concerne la montée de l’antisémitisme en France et la place que la gauche doit jouer pour lutter contre ce fléau. J’aime le rappeler à ceux qui m’entourent : je suis membre d’un parti qui a souvent été amalgamé par l’extrême droite sous le doux nom de « judéo-bolchevique ». Jeune, je militais avec mon père dans des sections communistes composées pour moitié par des camarades de confession juive. C’était une période durant laquelle l’extrême gauche comptait parmi ses leaders des personnes telles que Alain Krivine, Henri Weber et Daniel Bensaïd, dont il était dit, non sans humour, que les deux premiers parlaient yiddish afin que le troisième ne les comprenne pas. Eux se revendiquaient de Trotsky, juif ukrainien, tandis que nous avons tous été baignés dans l’eau du marxisme, issue de la pensée d’un immense intellectuel juif — aux écrits parfois plus que virulents à l’endroit de la religion — dont le grand-père était rabbin. Bref, il n’y a pas si longtemps encore, la gauche pouvait se targuer d’être la maison d’accueil de nos compatriotes de confession juive qui considéraient, à raison, qu’elle serait toujours présente à leurs côtés pour empêcher que les horreurs de la Shoah ne se reproduisent un jour.

C’était leur honneur et le nôtre de penser ainsi. Parce qu’il n’y a pas de République française sans les juifs de France. C’est aussi simple que cela. C’est une leçon héritée de la Révolution française et de l’abbé Grégoire. Nos illustres ainés se sont souvenus de ce legs historique au moment de l’affaire Dreyfus, au cours de laquelle la gauche a fait le choix de l’universalisme et de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, quand l’extrême droite elle se noyait dans les rivières du racialisme. La gauche était aux côtés de Léon Blum — insulté en tant que juif par Xavier Vallat au perchoir de l’Assemblée nationale le 6 juin 1936 — quand celui-ci manqua de se faire tuer par des camelots du roi durant les obsèques de Jacques Bainville. Elle était du côté des justes et des résistants pour défendre les juifs des griffes de la bête immonde. Tout comme les juifs furent très nombreux au sein des FTP-MOI pour libérer notre pays du joug nazi et vichyste. Elle a pleuré les morts de l’attentat de la rue des Rosiers, celle d’Ilan Halimi, séquestré, torturé et tué parce que juif. Des enfants juifs assassinés par Mohamed Merah. Des victimes juives de l’infâme Coulibaly à l’hypercasher de la porte de Vincennes.

C’est notre histoire. Une histoire conforme avec nos valeurs. Nous devons la revendiquer avec force, sous peine d’entretenir des confusions intellectuelles dont les conséquences politiques commencent à se ressentir. Ainsi, à force d’atermoiement, la gauche a fini par se rendre inaudible sur ce sujet, tandis que Marine Le Pen, à la tête d’un parti fondé par un Waffen-SS, s’est fait applaudir pour son discours « républicain » à propos de l’antisémitisme. C’est à vomir.

La gauche à laquelle j’appartiens est profondément laïque, universaliste et fraternelle. Elle se tient aux côtés de tous ses enfants. Suivant les mots de Frantz Fanon, elle dressera l’oreille quand elle entendra dire du mal d’un juif. Elle se lèvera aussi à chaque fois qu’un ou une de nos compatriotes de confession musulmane se fera insulter ou discriminer en raison de sa religion ou de son origine. Il s’agit du lot de beaucoup de trop de personnes en France et je m’étonne encore que certains de nos amis se rendent sur C-News alors que cette chaîne n’a qu’un seul objet éditorial : renouer avec les croisades en déversant de la haine à l’encontre des Françaises et des Français de confession musulmane. 

La République française se conjugue avec le judaïsme, comme elle finira par se conjuguer intégralement avec l’islam. Je n’ai absolument aucun doute à ce sujet parce que je sais de quelle intelligence collective notre peuple est dotée. Je crois aussi énormément dans la capacité extraordinaire de la laïcité à maintenir la concorde et à créer du commun, à condition, bien évidemment, que nous soyons tous sur le pont pour la défendre.

C’est à la gauche qu’il revient d’effectuer ce travail politique. Pour ce faire, nous devons garder le cap de l’égalité des droits. Égalité des droits au sein de notre République laïque et sociale, en brisant le néolibéralisme et en impulsant des politiques sociales d’envergure capables de redonner à chacune et à chacun les outils de son émancipation et le gout de la fraternité. Égalité des droits entre les nations, pour que les peuples israéliens et palestiniens vivent en paix."


1 commentaires:


Marie-France Dauce a dit…

Merci pour ce très beau texte de Pierre Ouzoulias !