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Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
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Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



jeudi 7 juillet 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2755 : A propos du suicide d'un prêtre

 Extrait du journal "La Vie"

Les funérailles du prêtre du diocèse de Versailles seront célébrées ce 8 juillet au Vésinet (Yvelines). Le suicide de l’ancien curé de Bois-d’Arcy interroge sur cette issue dramatique malheureusement de moins en moins rare dans l’église.

Il s’appelait François de Foucauld, comme le saint – son arrière-grand cousin. Il aurait eu 50 ans quelques jours plus tard et était prêtre depuis 18 ans dans le diocèse de Versailles. Ce vendredi 8 juillet, ses funérailles seront célébrées à 15 heures à l’église du Vésinet, à une vingtaine de kilomètres du Bois-d’Arcy, paroisse dont il avait été le curé pendant sept ans, de 2014 à 2021.

« Le père François de Foucauld a mis fin à ses jours. Son corps a été retrouvé cette nuit en forêt de Rambouillet », annonce le court communiqué du diocèse signé de la main de l’évêque Luc Crépy, avant de préciser « suite à des difficultés dans l’exercice de son ministère, il n’avait pas de mission depuis septembre 2021 ».

Le communiqué du diocèse apparaît d’autant plus bref que, sur les réseaux sociaux, la mort du père François provoque de nombreuses réactions. Beaucoup citent la tribune, rédigée par le défunt et publiée par La Croix en décembre dernier, qui prend soudain des allures de lettre posthume. Il y fait part d’abus de pouvoir, et détaille les mécanismes conduisant à ces abus de la part de ses supérieurs hiérarchiques, mais également d’un « petit cercle de clercs et laïcs autour de l’évêque qui s’arroge le dernier mot ».

Un zèle missionnaire

Sur le réseau social Facebook, certains dénoncent ses difficultés dans son ancienne paroisse, les relations compliquées avec le diocèse ; d’autres racontent la personnalité complexe du prêtre, dont le « tempérament intransigeant le prêtait peu aux concessions, aux compromis, convaincu qu’il était de son devoir de contribuer au réveil d’une Église saisie de torpeur mortifère », écrit sur son blog personnel René Poujol, ancien directeur de l’hebdomadaire Le Pèlerin et ami de longue date du prêtre.

Tous, en tout cas, s’accordent sur le zèle missionnaire du père François, doté de « beaucoup de qualités pastorales, ayant le souci d’une Église renouvelée, missionnaire, qui a toujours cherché à rendre l’Église plus proche des autres, plus vivante », rappelle Luc Crépy, évêque de Versailles, dans une vidéo publiée le mercredi 6 juillet sur le site du diocèse.

La mort de François de Foucauld a provoqué l’émotion et l’incompréhension. Mais elle a surtout choqué. « Un suicide est toujours dramatique. Il nous plonge dans le désarroi. Mais le suicide d’un prêtre est encore plus rude car un prêtre est porteur d’espérance », explique Luc Crépy dans sa vidéo, avant de préciser « le suicide est tragique quand ce prêtre ne voit plus d’issue dans son ministère, dans sa mission personnelle et ecclésiale. »

« On se demande ce qu’on a raté »

Supérieur du séminaire pontifical français à Rome pour encore quelques semaines, Vincent Siret a vu défiler plusieurs générations de prêtres. « Comme dans une famille, quand l'un de nous souffre autant au point de prendre cette décision, ça retentit sur tout le corps. On se demande ce qu’on n’a pas fait, ce qu’on a raté, comment on aurait pu empêcher ça. » Pourtant, les suicides de clercs ne sont malheureusement pas si rares. Tous se souviennent des deux passages à l’acte en 2018 des jeunes prêtres Jean-Baptiste Sèbe et Pierre-Yves Fumery dans les diocèses de Rouen et Orléans, à seulement quelques jours d’intervalle.

Cas isolés ou victimes d’un système ? « Si l’on pouvait faire le décompte des suicides depuis l’an 2000 parmi les prêtres, religieux et religieuses, moines et moniales, membres des communautés nouvelles et laïques en mission ecclésiale… et que l’on faisait le pourcentage de suicides par rapport au nombre de personnes “en activité”, nous serions horrifiés », maintient Yann Vagneux, prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP) actuellement en Inde et camarade de séminaire de François de Foucauld… mais également de Jean-Baptiste Sèbe. Le prêtre des MEP n’hésite pas à utiliser l’adjectif « structurel » pour évoquer ce phénomène.

Ancien supérieur du séminaire des Carmes, où ont étudié entre autres Jean-Baptiste Sèbe et François de Foucauld, Robert Scholtus fait le même constat. « À ma petite échelle, sur plusieurs générations de prêtres et de religieux, je compte quatre suicides de prêtres et deux de religieux. » Tabou dans la société, le suicide l’est encore plus dans le clergé. « Il n’y a aucune statistique, on n’en parle jamais, chaque mort est traitée comme un cas particulier… Certes, il y a une fragilité, une vulnérabilité personnelle préexistante. Mais je pense que le suicide des prêtres, religieux et religieuses est un phénomène systémique. »

L’impression de n’être que des pions

Le prêtre du diocèse de Metz nuance cependant : les causes sont multifactorielles. La vulnérabilité peut jouer, d’autant qu’être prêtre requiert une certaine sensibilité. Mais, parmi les prêtres et religieux qui se sont donné la mort autour de lui, Robert Scholtus reconnaît des traits communs : « Ils avaient une ambition spirituelle, une grande inventivité pastorale, intellectuelle, une largeur de vue. Mais, pour des motifs différents, ils ont un jour découvert qu’ils ne pouvaient pas aller plus loin. »

L’ancien supérieur de séminaire décrit des hommes qui ne se sont pas sentis respectés dans leur charisme, leur singularité, « qui ont eu le sentiment qu’on abusait de leur générosité, de leur capacité de travail. L’impression de n’être au fond rien que des pions au service du salut de l’institution en péril. »

« Il ne faut surtout pas généraliser », insistent Bérénice Gerbreaux et Béatrix Bréauté, toutes deux coachs Talentheo. Depuis 2006, ce réseau de 80 coachs professionnels accompagne bénévolement des prêtres, des évêques, des supérieurs de congrégations et leurs équipes dans l’exercice de leur ministère. Des prêtres, elles en rencontrent beaucoup. « Le suicide est une question très complexe. Il y aura toujours quelque chose qui nous échappera dans cet acte d’une violence inouïe. Toute personne en extrême souffrance peut être dépassée par des pulsions de mort. »

Un exercice du ministère radicalement différent

Chaque suicide revêt une part de mystère. Les conditions du passage à l’acte sont si complexes qu’il serait malhonnête d’établir un schéma type, de chercher un responsable. Ce que l’on peut dire, en revanche, c’est que dans une société où la religion ne tient plus le rôle social d’autrefois, les conditions d’exercice du ministère presbytéral sont radicalement différentes.

« Être prêtre aujourd’hui, c’est quasiment être condamné à être un curé… Et ce curé n’a pas comme autrefois son petit village, son église, son jardin. Il devient quasiment le petit évêque d’un territoire immense », analyse Robert Scholtus, qui parle du presbytérat comme un « métier de manager qui vous place dans l’institutionnel, l’organisationnel, privant les prêtres de la relation immédiate, du contact ».

« Le rapport à l’autorité n’est plus non plus le même », insiste Luc Forestier, professeur de théologie à l’Institut catholique de Paris, qui lui parle de crise de l’épiscopat. L’évêque est le seul intermédiaire entre le curé et le pape. « Le concile Vatican II stipule que l’épiscopat est la plénitude du sacrement de l’ordre, que l’évêque doit être pour ses prêtres un père, un frère et un juge, en restant vigilant sur les questions d’abus. Mais c’est impossible ! Tout dans le diocèse dépend de l’évêque ! » Des difficultés dont ces derniers sont conscients lorsqu’ils sont nommés : le taux de refus à la nomination d’évêque avoisinerait les 50 %.

D’autres évoquent la baisse des vocations, donc l’ordination d’hommes parfois fragiles dont les failles s’ouvrent dans l’exercice du ministère ;la solitude et l’isolement des prêtres imposés par le maillage territorial étendu ; la déchristianisation ; le côté « homme-sandwich » entre l’évêque d’un côté et la communauté paroissiale de l’autre, le tout dans le contexte de la réforme synodale et de la lutte contre le cléricalisme.

Certains prêtres, dotés d’une grande liberté intérieure, parviennent à ne pas se laisser déborder par tout ça, à prendre des décisions qui leur permettent de jouer un autre rôle, d’être pasteur… « Mais la liberté intérieure ne s’apprend pas dans les livres ! observe Robert Scholtus. Cela nous oblige à considérer que l’effondrement du système de chrétienté est une catastrophe au sens étymologique, c’est-à-dire qu’il nous oblige à changer de direction, à comprendre autrement l’Église, à inventer de nouvelles communautés plus petites et plus humbles. »

Accompagnement psychologique et spirituel

Dans ces difficultés que rencontrent les prêtres, qu’en est-il de leur accompagnement psychologique et spirituel ? Requis dans les communautés religieuses, l’accompagnement spirituel est seulement conseillé aux prêtres diocésains. Nombre d’entre eux n’en bénéficient pas – ou ne prennent pas le temps d’en bénéficier.

« Tout dépend de l’idée qu’ils ont du prêtre, explique Vincent Siret. Ils peuvent avoir une image du prêtre surplombant, magnifique, d’un superprêtre. C’est difficile de reconnaître qu’on a besoin d’aide. » Néanmoins – et peut-être est-ce dû au fait que la grande majorité des séminaires proposent un accompagnement psychologique pour les candidats au sacerdoce –, Vincent Siret affirme que les jeunes générations de prêtres sont beaucoup plus demandeuses d’accompagnement spirituel et/ou psychologique. « Les jeunes, tout ce qui peut les aider, ils sont preneurs. »

« Ce que la disparition du père de Foucauld interroge, ce sont justement les lieux où les prêtres peuvent déposer et dire leur mal-être », insiste Béatrix Bréauté. Constatant les charges pastorales fortes, l’épuisement, les dysfonctionnements relationnels et surtout le besoin de partager encore davantage, Talentheo a prévu d’ouvrir, dès l’année prochaine, des sessions pour prêtres et consacrés ayant pour but de traiter le burn out et le pré-burn out. « Les propositions sont là. Il faut maintenant qu’ils s’en saisissent. »

 
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Pour info, les proches et les amis de François ont demandé à Luc Crépy, l'évêque de Versailles, de ne pas être présent aux funérailles de  ce prêtre !!! Il n'était sans doute pas aisé de tout expliquer en détail dans l'article ci-dessus.

2 commentaires:


Elodie a dit…

Quel article ! Merci pour ce partage Olivier. Tant de choses ont changé dans notre façon de vivre, voir et respecter le monde et les gens qui l'habitent. Tant de professions se sont vues modifiées au fil du temps. Tout cela doit nous interroger, nous faire réfléchir, bien sûr à ce que nous avons fait, mais aussi et surtout à ce que nous pouvons faire aujourd'hui. Nous pouvons réfléchir au sens que l'on donne à tous ces changements, dont certains semblent si désastreux. Nous pouvons réfléchir à la façon d'œuvrer pour que les choses changent encore, pour que de ces expériences peut-être malencontreuses continuent toujours de naître et de fleurir de belles fleurs et de beaux projets . L'Espérance est une des bases de la Prière et de la Foi chrétienne. Lorsqu'un Frère, un Prêtre, nous quitte de cette façon, nous ne pouvons pas juger son acte mais nous pouvons prier pour le Salut de son âme et pour tous les Prêtres, Évêques, Frères et Sœurs en notre Seigneur Jésus-Christ qui donnent leur vie pour Lui, pour nous et pour le Salut du monde. Je porte dès aujourd'hui dans mes prières tous nos Pères et Mères, Frères et Sœurs et je prierai Dieu pour que Son Amour soit encore plus manifeste et se fasse plus présent, plus lumineux et plus brillant dans le Coeur de tous les Hommes afin que l'on soit Tous plus attentifs les uns aux autres, plus compréhensifs, plus altruistes et plus aimants ! Qu'il en soit ainsi ! AMEN !

tessier d a dit…

Bien malheureuse comme situation.
Mais quel contraste avec le dernier interview (Figaro) de Archevêque de Paris, qui se félicitait de la bonne marche de l'église de France. Circulez il n'y a rien à voir..