Homélie du 17° dimanche ordinaire, le 25 juillet 2021, dans le parc de Bourgenay
La multiplication des pains, une scène très connue de l’Evangile ! Mais alors, nos esprits habitués peuvent-ils encore en apprendre quelque chose ? C’est ce que l’on va voir ensemble. Mais je vous préviens : une telle aventure n’est compréhensible en profondeur qu’à celles et ceux qui ont faim de quelque chose d’infini, faim de l’Evangile et faim de ce pain vivant qu’est le Christ !
Trois points dans cette homélie : 1°, la foule avait faim ; 2°, un enfant a su partager ; 3°, Jésus pose ici les bases de l’eucharistie.
1° point, la foule avait faim. Cela fait penser aux foules qui sont descendues dans les rues récemment à Cuba, pour crier leur faim… Dans l’évangile de ce jour, il nous est dit que ce jour-là, ils étaient des milliers à suivre Jésus ; tout un peuple qui s’était reconnu en lui, qui sentait que cet homme étonnant avait quelque chose de nouveau à leur apprendre ; et qu’il pouvait peut-être les sauver de la misère ; et pourquoi pas, les délivrer de l’occupant romain ? D’ailleurs, ils voulaient le faire roi. Sans doute une foule sentimentale, séduite par Jésus, avec soif d’idéal, comme l’aurait chanté Alain Souchon. Tandis que des petits-enfants, au milieu de la cohue que l’on imagine, fatigués, pleurent ou criaillent dans les bras de leur mère…
Avez-vous remarqué où ils étaient tous en train de se rendre ce jour-là ? Jean signale, et c’est la 1° phrase du texte de cet évangile, que « Jésus était passé de l’autre côté du lac de Tibériade. » Cette remarque est importante. Essayez de vous imaginer la carte de la Palestine. Autrement dit, Jésus, et la foule, ne sont plus en Galilée, pays juif et croyant au Dieu unique, mais nous sommes passés en territoire païen. Façon de dire que ce qui va se passer, cette multiplication des pains, ne concerne pas seulement les croyants classiques, les Juifs, mais que les dons de Dieu s’adresse aussi à tous les humains, quelles que soient leurs croyances et leurs pratiques religieuses.
Il faut savoir que les populations, aux portes de la Palestine, étaient considérées comme impures par les autorités religieuses de Jérusalem, à cause de leurs croyances à de multiples divinités, ainsi que de leurs pratiques païennes. Or Jésus, en allant chez eux, signifie qu’eux aussi sont les destinataires du partage et et de la multiplication de ce don généreux. La bonne nouvelle, c’est que ce pain, que Jésus va partager, et qui représente son corps, n’est pas une nourriture réservée au peuple juif seulement. C’est un pain qui va être partagé à l’infini, bien au-delà des frontières religieuses. Ce pain est valable pour toutes les nations, et pour tous les cœurs. A l’époque, ceci était totalement nouveau !
La leçon est claire ! Et voilà qui nous parle, à nous qui ne connaissons que trop notre faiblesse et notre péché. Nous sommes nous aussi des habitants de l’autre côté du lac, pour reprendre la formule de St Jean. Nous pataugeons souvent dans la boue du péché. Rappelons-nous ce que nous disons juste avant la communion : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir » ; autrement dit, je ne suis pas digne de prendre et de manger ton pain. Mais aujourd’hui, cet évangile nous dit au contraire : tous, quel que soit notre passé, quelle que soit la profondeur de notre misère spirituelle, nous pouvons entrer sans crainte dans l’immense foule qui suit Jésus, pour avoir part à son repas, dans lequel nous partagerons le bon pain du ciel.
2° point : un enfant a su partager. Tournons à présent nos regards vers ce jeune garçon, qui était peut-être là pour vendre 5 pains et 2 petits poissons frits que sa mère avait pu lui confier au début de la journée. Du pain d’orge, le moins bon, que l’on appelait alors « le pain des pauvres ». Si miracle il y a, le voici : cet enfant, au lieu de tout garder pour lui, égoïstement, il accepte de s’en dessaisir, et de tout donner. Sans son geste de fraternité, d’humanité, rien ne se serait passé, et Jésus n’aurait pu effectuer sa multiplication. Voilà donc le résultat du partage offert par cet enfant, qui, dans ce monde d’alors, n’est rien ni personne, et dont on n’a pas jugé important de retenir le nom ; mais dont le geste de partage est devenu nourriture abondante.
Cela confirme une vérité toujours actuelle : ce ne sont pas les forts en gueule, ni les gros biscoteaux, ni celui qui a acheté aux enchères, pour 28 millions de dollars, sa place pour accompagner Jeff Bezos dans l’espace, ni ceux qui font la une des médias, qui font avancer le monde ; mais toutes ces personnes courageuses qui, dans l’ombre, répondent à cet appel de Jésus : « Apportez vos 5 petits pains d’orge et vos 2 poissons, et voyons ce qu’on peut en faire. » De ce peu, Jésus peut faire de grandes choses. Voilà pourquoi Georges Bernanos écrivait : « Je dis que le monde sera sauvé par les pauvres, ceux que la société moderne élimine. Car les pauvres ont le secret de l’espérance. » Et si ce petit garçon du peuple, cet enfant de l’évangile, c’était nous ?
Le Seigneur a besoin de notre contribution, si pauvre soit-elle ; car Dieu ne fait pas de miracle à partir de rien ; il les fait à partir des pains d’orge et des petits poissons que sont notre bonne volonté, notre générosité et notre souci des autres ; disons, nos tout petits moyens ! Tous ceux et celles qui, parmi nous, sont engagés dans du bénévolat, et aussi tous les grands-parents que nous fêtons en ce jour, comprennent cette leçon : du peu que nous croyons être, Jésus peut faire de grandes choses ; nos petits talents, réunis dans l’Esprit-Saint, peuvent opérer des miracles inattendus de vie, de générosité et de partage. Et quand on nous sollicite pour un service, veillons à ne pas répondre trop vite : je suis bon à rien, je ne suis pas capable… Car un tel refus va peut-être faire rater un grand projet de Jésus…
3° et dernier point : à travers tout cela, Jésus nous explique le sens profond de l’eucharistie. Réécoutons la phrase-clef de cette scène : « Jésus prit les pains ; et après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives. » La référence à l’eucharistie est claire : ce sont les mêmes gestes et les mêmes mots que Jésus utilisera lors de la Cène, au soir du Jeudi-Saint. Le terme « rendre grâce », c’est-à-dire, « remercier », se traduit en grec par le verbe « eucharistein ». D’ailleurs, « merci », en grec, cela se dit « eucharisto ». « Rendre grâce », « faire eucharistie », ce sont deux termes synonymes.
Lors de scène de la multiplication des pains, nous n’étions donc pas loin de l’institution de la messe et de l’eucharistie. Avec cette particularité pleine de sens, à savoir que Jésus, quand il a alors partagé les pains, n’a laissé personne à l’écart. Il n’a pas dit : les bons, ceux qui sont dignes de recevoir le pain que je viens de multiplier, je vais vous le partager ; mais qui sur terre et dans l’Eglise peut se définir comme bon ? Jésus n’a pas séparé la foule en deux parties : d’un côté, les purs, et de l’autre, les mauvais. Dieu merci, sur les bords du lac de Tibériade, comme au moment de la Cène, même avec Judas, personne n’a été jugé indigne de recevoir ce pain miraculeux et sauveur. Et pourtant, tous n'allaient sans doute pas régulièrement prier à la synagogue le jour du Sabbat... Quelle leçon pour nous, qui jugeons parfois des personnes indignes de recevoir le corps du Christ à la communion ! Affreux pharisiens que nous sommes !
Impossible d’être trop long dans une homélie ; mais il faudrait réfléchir aussi sur la dimension politique de la multiplication des pains. Ce signe de Jésus devrait interpeller fortement en effet nos dirigeants politiques, mais aussi chacun de nous, citoyens. Quand on sait par exemple que la faim tue chaque année des millions de personnes, plus que le Sida, la Covid et autres épidémies réunies… Quand l’on sait pertinemment aussi que seuls 2% des Africains sont vaccinés contre le virus… C’est beau, c’est trop facile, de parler de la multiplication des pains, si l’on ne multiplie pas en même temps nos efforts pour soutenir les nations bien plus défavorisées que la nôtre…
A méditer ! Mais je dois m’arrêter ! Tout à l’heure, au moment de l’offertoire, chacun de nous pourra apporter, en esprit, sur l’autel, sur la patène, ses petits pains d’orge, et ses petits moyens ; et c’est de cela que Jésus, par l’intermédiaire du prêtre, mais aussi de votre prière, quand nous allons chanter « vienne ton Esprit sur ce pain et ce vin », ; c’est alors que ce pain et nos vies deviendront le pain du ciel et la personne du Christ, que nous recevrons de tout notre cœur au moment de la communion.
Tu ouvres ta main, Seigneur, nous voici rassasiés ! Amen !
1 commentaires:
Voilà, ceci est mon avis, une homélie qui fera date! Comme la bible est intéressante quand elle est expliquée par quelqu'un qui l'a si bien assimilée.
Merci père Olivier pour la lumière que vous nous apportez si souvent.
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