Voici l'homélie de dimanche que j'ai partagée en l'église de Jard-sur-Mer.
Avant-hier, jeudi après-midi, avec sa famille et ses amis, nous avons accompagné un prêtre du diocèse vers sa dernière demeure, en l’église de St Hilaire des Loges. Avec la famille, pour la messe d’action de grâce et d’au-revoir, nous avions retenu ce même évangile de la tempête apaisée. Mon ami prêtre, Daniel, avait eu une existence tourmentée, ayant été en butte à de graves oppositions de la part d’autres prêtres ; il était également fragile au niveau santé. Tout cela aurait pu le détruire, ou à tout le moins le désespérer. Mais au final, la tempête et le fracas des vagues n’ont pas eu raison de son espérance. Et cela grâce à trois éléments qui lui ont permis de garder la tête hors de l’eau, et ceci est à retenir pour nous : premièrement, sa foi profonde au Christ ressuscité ; 2°, le soutien de nombre de paroissiens, de sa famille et de ses amis ; et 3°, son amour de la vie, de l’art et des belles choses, des oiseaux, ainsi que des fleurs dont il aimait s’entourer. Sans parler de son humour, qu’il a réussi à sauvegarder jusqu’au bout.
Pourquoi je vous donne cet exemple ? Parce que sans doute, la plupart d’entre nous, nous vivons nous aussi une difficile traversée de l’existence : depuis notre couple qui ne marche pas, jusqu’à cette pandémie qui a un peu gâché notre vie cette année écoulée, tandis que de graves problèmes de santé ont peut-être affecté notre moral et compromis notre espérance. Et l’on pourrait élargir la brutalité de la tempête qui nous affecte à cette crise du politique dans notre pays, tandis que notre Eglise de Vendée, par bien des aspects, ne semble plus se situer à la hauteur de l’Evangile.
Alors, dans une situation aussi pénible, que pouvons-nous faire pour sortir vivants de cette tempête ? La leçon de cette scène d’Evangile est éclairante. Que constatons-nous ? J’imagine : une équipe de marins expérimentés, de gros bras comme l’on dit dans ce milieu, faisant partie des disciples, habitués à partir en mer par tous les temps pour y jeter leurs filets. Ils ont installé confortablement Jésus dans un recoin de la barque, avec un bon coussin en guise d’oreiller. « Jésus, tu peux dormir tranquille, on va mener la barque comme on sait faire… » Et les voilà partis !
Eh bien, cette attitude, il se trouve que c’est exactement la nôtre, tant sur cette planète qu’au cœur de notre vie personnelle. Pour reprendre les termes mêmes de l’Evangile : « Les disciples emmenèrent Jésus dans leur barque », nous aussi, nous emmenons Jésus avec nous ; mais nous prenons tout en main nous-mêmes, en ce qui concerne la marche de la barque de notre vie. Et nous menons notre existence à notre guise, comme si Jésus n’était pas là. En de telles façons de faire, Jésus n’est plus le pilote de notre vie ; il nous regarde faire, tout simplement !
Et c’est pour cette seule raison - il n’y a pas de mystère - que des tempêtes éclatent sans cesse, en permanence, dans tant de pays du monde ; et que des bourrasques de défiance et de haine s’abattent aussi sur nos familles, comme sur nos diocèses, ou encore, sévissent à travers les réseaux sociaux, que sais-je encore ? Et comme en plus, de nos jours, Jésus, on ne le voit pas, il est encore bien plus facile de l’oublier. On se comporte comme s’il dormait, comme si on n’avait pas besoin de lui.
Péché personnel ? Pas seulement ! Il s’agit donc aussi d’un péché, d’un oubli collectif. Quand des catégories entières s’opposent violemment les unes aux autres dans notre pays, quand des pays voisins qui devraient vivre en frères se jettent à la gorge les uns des autres, y compris au pays jadis de Jésus, on a vraiment l’impression qu’il n’y a plus de pilote dans l’avion de la planète-terre, pas plus que dans la barque sur le lac de Génésareth.
Parfois cependant, un réveil se produit. Quand la tempête est trop forte, l’on se remet tout à coup à repenser à Dieu, et il est bien grand temps. Que de fois dans ma vie de prêtre, et vous avez sans doute fait cette expérience vous aussi, quand se profile à l’horizon le grand vent de la mort qui approche, le cœur de l’homme se retourne vers Dieu. Vous connaissez Axel Khan, le célèbre cancérologue, président de la Ligue nationale contre le cancer. Lui-même atteint par cette terrible maladie, voici ce qu’il vient de déclarer : « J’ai perdu la foi à 15 ans. Je n’en suis pas fier du tout. Je me suis compliqué la vie finalement : j’ai voulu bâtir un humanisme (sans Dieu), mon humanisme qui, en fin de compte, ressemble beaucoup à l’humanisme des chrétiens. » Que d’humilité il a fallu sans doute à cet homme, pour parvenir à un tel aveu : seul, sans Dieu, je ne suis rien… Mais quel courage faut-il à cet homme, pour tenir debout sans Dieu ; malgré tout, si proche de Dieu cependant, peut-être, au plus profond de son cœur.
Eh oui, on veut bâtir sa vie tout seul ; on n’a pas besoin d’un pilote, pas besoin d’un Dieu pour conduire notre vie. Parfois également, on pense ne pas avoir besoin non plus de l’Eglise, si imparfaite, ni de la messe, qui ne nous apporte rien, ni des sacrements, qui sont dépassés, pour avancer dans l’existence. Jusqu’au jour où la tempête éclate, où le pont de notre vie est balayé par les bourrasques, lorsque notre gouvernail se brise contre les rochers de l’existence, et que la barque tournoie alors dans une ronde infernale, ballotée par le tourbillon des vagues déchaînées.
Sans honte alors, et sans hésiter, il nous faut crier : « Seigneur, sauve-nous ; nous sommes perdus », notre dernière heure est arrivée ! Et voici que, le récit de St Marc nous le rappelle, dès que l’on se tourne vers Dieu, la tempête se calme, et les esprits s’apaisent. Je rencontrais, il y a quelques jours, une religieuse, venue se reposer chez les Sœurs de Bourgenay, avant de devoir subi une grave opération du coeur. Elle m’a fait cette réflexion : « On m’a bien dit que ce que j’allais subir, c’est une opération à haut risque, mais, je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas peur, je suis en paix. » Qu’est-ce qui explique cela ? Autre fait, aussi apaisant : pas plus tard qu’hier soir, une dame, encore relativement jeune, qui vient d’apprendre qu’elle est atteinte d’une maladie très grave, me confiait : « Je ne sais pas comment font pour tenir ceux qui n’ont pas la foi. »
La réponse, on l’a compris, se trouve dans l’évangile de ce jour : Jésus ne dort pas ! Ni dans le fond de son tombeau, ni dans le fond de la barque, ni dans le fond de l’église. C’est vrai qu’il ne s’impose pas à nous d’emblée ; il attend seulement notre appel à l’aide. Mais alors, aussitôt, il se bouge, si je puis m’exprimer ainsi ; il se dresse auprès de nous, il cloue le bec du vent mauvais et de la mer déchaînée, il ramène au calme les cœurs agités et apaise les esprits égarés.
Voilà ce que peut produire notre prière commune, au cœur de cette eucharistie. Ainsi que le disait le psaume après la 1° lecture, et je termine par là : « Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse, réduisant la tempête au silence. Ils se réjouissent d’être conduits au port qu’ils désiraient, ils rendent grâce au Seigneur de son amour. »
Puisse cette prière du psalmiste inspirer la nôtre, en cet instant et toujours ! Amen !
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Etonnante surprise !
Samedi soir, à l’issue de la messe à Jard, une dame s’est avancée pour me partager ceci : « Je suis très amie avec une femme assez proche d’Axel Khan. Il y a quelque temps, celle-ci, très engagée au plan de la foi, a eu un long entretien avec lui, à propos de sa fin de vie. Ils doivent se revoir bientôt. Axel Khan est en pleine recherche ; il se pose des questions très profondes en ce moment… »
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