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Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



jeudi 17 juin 2021

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2633 : Homélie d'Au-Revoir à Daniel, un ami prêtre

 Sa famille m'a demandé d'assurer l'homélie lors de la sépulture de Daniel, en ce jour, en l'église de son baptême et de sa première messe, à St Hilaire des Loges.

Daniel est pour moi un ami très cher, depuis le soir où, à même pas 11 ans, en septembre 1953, nous nous sommes retrouvés pensionnaires au petit séminaire de Chavagnes. 

Nous ne nous sommes jamais perdus de vue depuis, et son départ m'attriste énormément.

Mais je rends grâce au Seigneur pour tout ce qu'il a été ! Et je suis heureux de vous le partager !

 

Très tôt, lundi, j’ai reçu un coup de fil du frère de Daniel, Louis-Marie qui, informé par Gérard, le responsable de la communauté des prêtres du Landreau, me faisait part du décès de Daniel.  Savez-vous quelle était la prière de l’Eglise, au moment où Daniel quittait ce monde ?  C’est ce que l’on appelle l’office des Lectures, que les prêtres prient souvent au lever du jour.  Je me permets de vous communiquer quelques strophes de l’hymne de cet office ; ceci, en hommage à Daniel, qui aimait beaucoup les offices monastiques.

 Je pense que, en écoutant ces quelques versets, vous pourrez faire vous-mêmes le rapport avec la vie de Daniel, et le départ de Daniel à la rencontre de son Dieu.   Tel ou tel membre de la famille regrettait de n’avoir pu être là au moment du grand départ ; mais consolons-nous : Daniel est parti porté par la prière de l’Eglise entière : celle des moines, et celle de ses frères prêtres du Landreau, dont Jean Augereau ici présent, ancien curé de cette paroisse de St Hilaire des Loges !  Nous commençons donc l’homélie avec cette prière :

 

Dieu, ce monde était encore absent
Que déjà depuis toujours
Toi, Parole en nos commencements,
Tu portais le poids des choses.
Toi qui penses, toi qui crées,
L’univers en toi repose.

Dieu, quand l’homme eut habité le temps,
Y jetant ses propres cris,
Toi, Parole en nos évènements,
Tu déroules notre histoire. 
Toi qui juges, toi qui sauves,
Jésus Christ nous dit Ta gloire.

Dieu, nos fleuves vont charriant leurs eaux,
Ignorant des lendemains,
Toi qui tiens déjà le dernier mot,
Tu connais le Jour et l’Heure. 
Toi qui aimes, qui accueilles,
Tu prépares la Demeure.

         

Oui, elle était préparée, la demeure dans laquelle Daniel a été accueilli.  D’ailleurs, je pense que, quand il est arrivé au ciel, il n’aura pas été dépaysé. Ceux qui ont eu le bonheur de le visiter dans les divers presbytères qu’il a occupés, ou de passer le voir dans sa chambre au Landreau l’ont tous dit : en entrant chez lui, on avait l’impression d’arriver dans un petit Louvre, ou plutôt, car il ne s’agissait pas d’un musée,, dans une antichambre du paradis : tableaux d’art, christs en gloire, magnifiques statues de la Vierge Marie, splendides icônes, collection de livres superbes sur l’art roman et autres, tel était l’environnement de Daniel, qui ne pouvait vivre, qui ne pouvait respirer que dans de la beauté.

 Alors que notre Eglise parfois a pu se satisfaire d’ornements un peu simplets, ou d’un mobilier  d’église dépareillé, d’autels constitués parfois d’une simple table, camouflée sous de vilains tissus, Daniel, partout où il est passé, a eu le souci de tirer ses paroissiens vers le haut.  Mardi, une de ses anciennes paroissiennes, amie de sa sœur Mimi, venue lui rendre hommage au Landreau, nous a dit combien Daniel aimait prier et faire prier sur de la beauté, et combien son départ avait été regretté.

 Vous connaissez cette maxime de l’écrivain russe Dostoïevsky : « La beauté sauvera le monde. »   Par son amour de la beauté dans le domaine de la liturgie et du sacré, Daniel n’a-t-il pas contribué, à sa façon, et selon ses moyens,  à sauver ce monde du dérisoire et à l’imprégner de la beauté de Dieu ?  En tout cas, le témoignage qui nous a été communiqué au début de cette célébration nous l’a confirmé : Daniel, à travers son sens de la beauté et son souci de belles liturgies, a su toucher le cœur des gens.  Au moment de l’au revoir, Bernard, ami de Daniel depuis toujours, qui a déposé l’étole au début de la célébration, reviendra sur tout cela dans son intervention.  Tandis que cette messe est célébrée avec le calice même de Daniel, et de superbes burettes qui font désormais partie du trésor sacré de cette église où elles sont en exposition.

 Daniel, il est vrai, parfois, a dérangé ; il n’avait pas sa langue dans sa poche, et ne prenait pas toujours des gants pour dire ce qu’il avait à dire. ; et il a pu prendre des initiatives qui déplaisaient. Mais aurait-il fallu qu’il rentre dans le moule, qu’il se taise, qu’il s’écrase et qu’il fasse comme tout le monde ?  Cela aurait été mal le connaître !  Question : a-t-il toujours trouvé auprès de lui des personnes, laïcs, prêtres, responsables, suffisamment patients, et disposés à entrer en empathie avec lui, à l’écouter, à le comprendre, à le valoriser ? 

 Daniel, affaibli par ses problèmes de hanche et de santé, qui ont perturbé son itinéraire,  avait besoin d’être compris, d’être aimé, comme nous tous. Lors de la scène de la tempête apaisée, si Daniel s’était trouvé dans la barque avec les apôtres, c’est sûr qu’il aurait poussé un grand coup de gueule pour se faire entendre de Jésus ; et Jésus aurait entendu son cri, malgré le fracas des flots déchaînés.  Ceci pour dire que, si Napoléon avait ses grognards, Jésus en a également lui aussi ; et ce n’est pas pour cela que ce ne sont pas de bons serviteurs du Christ ! Le problème, c’est que dans notre Eglise, on a sacralisé le prêtre à outrance ; on exige de lui qu’il soit un prêtre parfait, sans aucun défaut ; quelle illusion !  Mais pourtant, sa foi au Christ ne faisait aucun doute. Et Daniel n’a-t-il pas été malgré tout, un prêtre à la manière de Jésus ?  C’est une question qui est posée en ce jour à chacun d’entre nous !

 Pour ceux qui l’ont bien connu, je dis, connu  en profondeur, l’un des grands soucis de Daniel, c’était de contribuer à hisser l’Eglise à la hauteur des attentes du monde. Et qu’est-ce que la société attend de l’Eglise aujourd’hui ?  La même chose que ce dont on parlait pour Daniel !  Les gens attendent d’être écoutés, d’être aimés, d’être respectés.  Depuis les lointaines années du séminaire jusqu’à aujourd’hui, le projet de vie de Daniel, j’en suis l’un des témoins, n’a pas changé.

 Depuis qu’il s’est avancé, ici même, le jour de sa 1° messe, entre son père et sa mère, un cierge, la lumière du Christ à la main, ainsi que le montre la photo placée près du cercueil, et cela jusqu’à ses derniers jours, Daniel a toujours porté en lui la vision d’une Eglise qui soit plus évangélique ; il souhaitait oeuvrer à ce que l’Eglise s’émancipe enfin de toutes ses lourdeurs, abandonne certaines habitudes, et qu’elle devienne réellement une religion populaire : la religion du peuple, et pas seulement celle de ceux qui veulent imposer leurs façons de voir, en fonction de la mode du temps. La religion des gens d’en-haut et des projets compliqués, ce n’était pas pour lui.  Le cléricalisme, c’était son ennemi !  Il fallait l’entendre rouspéter, et pas toujours à tort, contre certaines déviances, et les marches-arrière de notre Eglise…

 Car, dynamique et jovial, Daniel était plutôt crèches vivantes, concours de belote, visites aux paroissiens, accueil-apéro généreux au presbytère après la messe.  Il aimait beaucoup les oiseaux, il avait souvent des oiseaux dans sa cure.   Il appréciait les fleurs. C’était un homme, quoi, tout simplement ; profondément humain, et pas un curé hors sol.  Son projet ? Comme disait Albert Camus : « Simplement, essayer d’être un homme. »  Et si c’était aussi cela, ce qu’on devrait attendre d’un prêtre, qu’il soit « homme parmi les hommes » !

 Me reviennent à l’esprit nos repas réguliers au resto de Damvix, lorsqu’il était en poste dans cette commune, tandis que j’étais prêtre sur Fontenay.  Il allait déjeuner chaque midi dans ce restaurant, style resto routier, toujours bondé. Il fallait voir la façon dont il était accueilli, chaque fois qu’il arrivait ! Salué par tout le monde : « Alors Daniel, comment ça va ?  Et cette jambe ? »  Il avait déjà des béquilles, comme sa maman, disait-il avec un sourire en coin.  Mais dans ce resto, il était reconnu, il était chez lui, « homme parmi les hommes »…Il connaissait tout le monde !  Et alors les blagues… Il n’arrêtait pas.  J’avais l’impression, que dis-je, la certitude, que son sacerdoce, alors, il le vivait à fond !  Et aux périphéries, comme sans cesse nous y invite le pape François.

 En terminant, quelques mots à propos des 2 lectures. La 1° est tirée du livre d’Osée ; elle présente Dieu traitant Israël son peuple comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue pour l’embrasser. Nous avons lu ce texte lors de la fête du Sacré-Cœur, vendredi dernier. J’ai eu l’idée de ce texte quand j’ai vu les 3 sœurs de Daniel auprès de lui, dimanche après-midi, Cécile, Mimi et Blandine, lui tenant la main et l’embrassant chacune leur tour, et leur frère Louis-Marie faisant de même,, avec tendresse.

 En revenant du Landreau, dans la voiture, Mimi m’a dit : « « Quand on lui tenait la main, qu’on lui parlait doucement, il sentait qu’on était là, il serrait notre main, il cessait de s’agiter, il s’apaisait.. »  Eh bien, voilà ce qu’il faut faire, à la manière de Dieu, quand quelqu’un souffre auprès de nous.  De même que, tout au long de sa vie sacerdotale, des gens ont compris Daniel, ont aimé Daniel, dans toutes les paroisses dont il a été le pasteur.  Paul Bâty m’a dit au téléphone : « C’est un prêtre qui nous a donné de la joie. »

 Quant à la tempête apaisée, n’est-ce pas un peu l’histoire tourmentée de la vie de Daniel, comme celle de chacun d’entre nous, sauvée heureusement de la noyade et de l’échec, grâce à la  communion au Christ vivant.  Daniel a réfléchi et vécu cela à travers sa participation, tout un temps,  à une Fraternité « Jesus Caritas » dont il faisait partie, avec Emile,… dans la spiritualité très enrichissante du Père de Foucauld, centrée sur le Cœur du Christ.

 J’aime bien cette phrase de Victor Hugo disant : « « Chaque homme, dans sa nuit, s’en va vers la Lumière. »  Tel fut le cas de Daniel, homme libre, passionné de beauté, serviteur de l’Evangile.  Une vie réussie finalement ; en tout cas certainement aux yeux de Dieu, si l’on sait bien en analyser tous les aspects.

 A présent, je crois qu’il faut que j’arrête, sinon, je sens que Daniel va pousser un autre coup de gueule : « M’enfin, vous rigolez, je ne suis pas mort… »

 Non, Daniel, tu n’es pas mort ! Tu es vivant !  Tu es dans la lumière de Dieu, dans la vie de Dieu, et pour l’éternité.  Le rêve d’une Eglise fraternelle, c’est que nous soyons tous fiers les uns des autres, au lieu de nous juger. Daniel, pour tout ce que tu nous as aidé à comprendre, pour tout ce que tu nous as apporté, merci à toi. Pour la foi et la vie de Daniel, louange à toi Seigneur, « Laudate Dominum », éternellement !

1 commentaires:


Denis TESSIER a dit…

Je ne le connaissais pas ce ''Curé Daniel'' mais quel beau panégyrique !
J'aurais bien aimé le rencontrer au bistrot des ''routiers''..