En la fête du Corps et du Sang du Christ
(en l'église de Jard-sur-Mer, puis en plein air dans le parc de Bourgenay)
A l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon, l’on nous a ressorti des extraits de reconstitutions d’évènements de sa vie ; comme par exemple, lors de la bataille d’Austerlitz ou de Waterloo, avec force roulements de tambours, coups de canon, charges épiques de cavalerie. Tout cela avec des centaines de figurants, autour d’un faux Napoléon presque plus vrai que nature, la main gauche dans son petit gilet.
Eh bien, la messe, ce n’est pas ça ! Ces reconstitutions, même si elles sont respectables, ne sont qu’un retour vers le passé. Tandis que cette messe par exemple, que nous vivons dans (cette église, ce parc ombragé), ce n’est pas la reproduction, après coup, pour la X millionnième fois depuis 2000 ans, des événements qui se sont vécus jadis avec Jésus.
Il faut savoir qu’il n’y a eu, qu’il n’y a, et qu’il n’y aura toujours qu’une seule messe, dans toute l’histoire du monde : celle qui s’est vécue au soir du Jeudi-Saint, et dans laquelle nous sommes entrés, comme des acteurs, il y a une demi-heure environ.
A travers chaque messe en effet, nous devenons des contemporains de ce qui s’est passé à Jérusalem, du Jeudi-Saint au matin de Pâques. Lors de chaque eucharistie - en avons-nous vraiment conscience ? - nous nous rendons en esprit, collectivement, par la prière, au Cénacle, pour prendre place, avec les apôtres, à la table où Jésus a dit : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang. »
Pendant cette messe, ici même, et sans roulements de tambours ni mises en scènes extraordinaires - nous ne sommes pas au Puy du Fou - nous devenons, avec saint Jean, le disciple bien-aimé dont l’évangile nous dit qu’il posa sa tête contre l’épaule de Jésus, pour un dialogue personnel, et un cœur à cœur intime. Par la foi, nous sommes à Jérusalem, ne l’oublions pas ! Sinon, ce que nous ferions ici, ce serait un rite banal, mal renouvelé, sans intérêt et sans âme.
La messe en effet, ce n’est pas un rite ; c’est une rencontre. Oh, c’est vrai, il ne se passe pas grand-chose durant cette liturgie ; pas plus qu’il ne s’est vécu des choses spéciales le soir du Jeudi-Saint au Cénacle… Voilà pourquoi, si l’on n’a pas compris que la messe, c’est autre chose qu’une obligation, ou un spectacle, comme on en voit des bien plus attrayants à la télé, on risque en effet de s’ennuyer à mort pendant des cérémonies comme celle-ci.
Mais notre société, qui n’est sensible qu’à ce qui bouge et à ce qui brille ou fait du bruit, n’est guère sensible au fait que notre Dieu ne joue pas ce jeu là. Au cours de l’Eucharistie en effet, Dieu fait le choix de se donner à nous discrètement, au plus profond de notre cœur ; si nous avons cependant pris la peine de le lui ouvrir largement. Ce qui est facile ! Il suffit, lors de chaque messe comme à chaque instant de notre vie, de dire à Dieu ces mots tout simples : « Me voici. » Alors, dans ce cas, comme dit St Paul, « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ! »
Je reviens sur le fait que nombre de gens, et bien des jeunes, avouent s’ennuyer profondément pendant les messes ; et ceci est arrivé sans doute à chacun de nous. Rien d’anormal ! Après le repas au Cénacle, Jésus a entraîné ses apôtres à Gethsémani. Et là, que s’est-il passé ? Tandis que Jésus peinait et souffrait, tandis que, nous dit l’évangile de Luc (22/44), je cite : « Sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu’à terre. » Pendant ce temps, insensibles, les apôtres, qui s’ennuyaient, s’endormirent.
Le philosophe Blaise Pascal nous réveille et nous remet sur les rails, en faisant dire à Jésus ces mots sublimes, dont nous pourrions nous souvenir lors de chaque messe : « Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang (au pluriel dans le texte) pour toi. »
En réalité, il est possible aussi que Dieu s’ennuie, durant nos messes. Par exemple, quand il nous voit nous disputer pour savoir s’il faut communier dans la main ou dans la bouche, ou s’il est préférable ou non d’avoir des garçons plutôt que des filles comme servants d’autel. Mais enfin, aurait-on oublié que Jésus n’a pas mis le pain dans la bouche des disciples, mais qu’il leur a dit : « Prenez… » ? D’autre part, la Vierge Marie serait-elle la seule femme de l’histoire digne de servir Jésus ?
Que tout ceci est déplacé et dérisoire ! Ne restons pas prisonniers d’un rite, et d’un rite déformé, sans base évangélique, alors qu’il s’agit d’aimer, et de nous laisser aimer. Nous avons d’ailleurs pris comme chant d’entrée « Nous formons un même corps… » Et le bonheur du Père n’est-il pas de voir s’avancer vers lui ses enfants avec leurs diversités ? A condition qu’ils ne se disputent pas sur des bricoles secondaires cependant.
Mais ceci, en nous concentrant sur l’essentiel ! Revenons aux formules : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ». Comment les comprendre ? Pour cela, il n’est pas inutile de nous référer à la langue araméenne, la langue de Jésus ; et dans celle-ci, il est dit , à la place de « ceci est mon Corps », « ceci est ma Personne. » Avec cette autre formulation, on comprend mieux que le Corps du Christ que nous recevons dans l’eucharistie, ce n’est pas le corps physique de Jésus, mais c’est bien sa personne qui, sous ce signe du pain, pénètre en nous.
Même explication concernant « Ceci est mon Sang ». Vous savez que, dans la Bible, le sang est toujours synonyme de vie. Quand, dans la 1° lecture, il est dit que Moïse asperge l’autel, et le peuple, de sang, c’est une façon de faire comprendre que la vie aura le dernier mot. En araméen, « Ceci est mon Sang » devient « Ceci est ma Vie ».
Lorsque, à l’élévation, le prêtre présente l’hostie, puis le calice, il présente donc, pensons-y, sous les signes du pain et du sang, la personne de Jésus, et la vie de Jésus, qui a donné sa vie pour nous. En conséquence, lors de la communion, ce que nous recevons dans nos mains, plus que seulement du pain pour la route, c’est bien la personne de Jésus, et la vie de Jésus.
Il y aurait tant d’autres choses à expliquer par rapport au sens profond de la messe, mais je dois terminer. Un dernier point. Jadis, lors des Fêtes-Dieu, des processions se déroulaient dans les rues de nos villages. On peut regretter leur disparition.... Question : est-ce de processions des cathos dans les rues dont notre monde d'aujourd'hui a besoin ? Par contre, ce qui existe toujours, c’est que des foules de chrétiens, comme vous, chaque jour, sillonnent les rues de nos cités ; y promenant, si je peux m’exprimer ainsi, non plus une hostie sous un dais, avec des pétales de fleurs, mais la personne et la vie de Jésus au plus profond de chacune de nos personnes.
St Paul nous a dit (1 Corinthiens 3/16-17) : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que Dieu habite en vous ? Car le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous. »
Tout chrétien est donc un tabernacle, un porteur de Dieu ; un porteur de la personne de Jésus, que nous sommes chargés de faire exister au cœur de notre société. Avec la même modestie, la même simplicité que Jésus arpentant pendant 30 ans les rues de Nazareth… Tout en nous mettant à genoux devant les plus pauvres qui, dans notre société, ont besoin de notre soutien.
Enfin, le mot « messe »
vient du mot latin « mittere », qui signifie, non pas rester
contempler, mais « envoyer ».
On terminait jadis la messe en disant : « Ite missa
est ». Ce qui signifiait non pas : « Allez, la messe est
dite », mais « Allez, c’est le temps de l’envoi ; allez,
porteurs de Dieu, c’est au monde que vous êtes envoyés ! » Pas de Fête-Dieu dans nos rues sans vous ! Amen !
6 commentaires:
Merci, Olivier, pour le partage de cette très belle homélie qui invite à célébrer et incarner l'eucharistie par la présence du Christ en soi et à travers soi, pour Lui et pour Tous. Un très beau dimanche à Tous.
Quel bien cela fait d'entendre (ou de lire) ainsi, quel est le sens profond de l'eucharistie ! Merci à toi Olivier!
Un seul mot pour exprimer le bonheur ressenti à la lecture de cette homélie : Merci.
Merci père Olivier,pour ce très beau texte, il me permettra désormais de vivre plus profondément la messe.
Merci beaucoup pour ce beau partage d'Evangile.
On ne peut savoir que cette "Rencontre" a été effective que si on met en pratique la Parole entendue dans notre vie de tous les jours. L'Eucharistie ne s'arrête pas aux portes de l'Eglise, elle se déploie dans la vie.
Pour se rencontrer, il faut être là. Dieu est toujours là, mais nous ?
Cependant, c'est vraiment Dieu qui s'offre et vient habiter en nous.
Chaque chrétien est donc "un porteur de Dieu "envoyé dans le monde.
Ceci est ma Personne
Ceci est ma Vie
Je suis touchée par ces deux phrases qui ouvrent autrement mes yeux et mon coeur à ce grand Mystère qu'est l'Eucharistie.
Merci Père Olivier
Au plaisir de vous rencontrer cet été à Port Bourgenay.
Claude
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