Pour aider notre réflexion quant à l'avenir de l'Eglise, voici deux articles de presse, dont un premier publié le 15 décembre dernier par le journal "La Croix".
Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), souhaite faire passer le nombre de ses prêtres de 345 à 170, considérant qu’il est urgent de diminuer la proportion des prêtres étrangers qui forment actuellement la moitié des effectifs.
Le dominicain suisse Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg depuis 2011 après avoir été secrétaire général de la Commission théologique internationale et recteur de l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin (Angelicum) à Rome a la réputation d’avoir une parole libre et audacieuse. Ce docteur en théologie et philosophie a souvent considéré que l’Église devait se réformer en profondeur.
Interrogé tout récemment par l’agence de presse catholique suisse Cath.ch, il n’a pas hésité à prendre le contre-pied de la plupart de ses confrères en expliquant qu’il veut « réduire de moitié le nombre des prêtres » dans son diocèse.
« La plupart du temps, on évoque une pénurie de prêtres, alors qu’il y a plutôt pléthore de prêtres, explique-t-il dans cet entretien. Rien qu’à Fribourg, petite ville de 38 000 habitants, il y a 40 messes catholiques par dimanche. Cela dépasse de loin la demande. »
De 345 à 170 prêtres
Mgr Morerod veut donc passer de 345 prêtres présents aujourd’hui dans son diocèse à environ 170 prêtres, seule façon à ses yeux de « ramener l’offre et la demande au même niveau ». L’évêque de LGF en est convaincu, moins de prêtres signifie plus de fidèles par célébration. « C’est une estimation schématique, qui tient compte du vieillissement à la fois des prêtres et des catholiques pratiquants. D’ailleurs, le regroupement est déjà une réalité pour les pratiquants plus jeunes qui se rassemblent dans certaines églises des centres-villes. »
Considérant la situation actuelle comme « souvent déprimante, en particulier dans les campagnes », il constate avec regret que le prêtre est confronté à « une douzaine de fidèles qui suivent le service en silence depuis les rangs les plus éloignés ».
Et la crise sanitaire a renforcé la détermination de Mgr Morerod. « Les croyants âgés ne vont pas revenir rapidement dans les églises par crainte du virus », estime-t-il. Du coup, il en est convaincu : moins de prêtres signifie plus de fidèles par service.
Mais son projet sert un autre objectif, celui de réduire le nombre de prêtres étrangers. « Je ne suis pas xénophobe, prévient-il. Une Église dans laquelle la majorité des fidèles sont issus de l’immigration a besoin d’un clergé multiculturel. Toutefois, avec 50 % de prêtres étrangers dans le diocèse, une limite a été atteinte. Les différences culturelles s’accumulent. »
Une culture égalitaire étrangère
Selon l’évêque suisse, certains prêtres africains ou polonais, par exemple, ne sont pas habitués à ce qu’un ecclésiastique soit contredit dans ce pays. « Notre culture égalitaire de la conversation leur est étrangère. Et cela conduit parfois à des tensions », poursuit-il en évoquant un incident, survenu il y a quelques années dans une paroisse du canton de Genève, alors qu’il souhaitait qu’une femme soit nommée à un poste pastoral - les femmes étant sous-représentées dans cette paroisse. « Mais le prêtre, qui venait d’un pays africain, a déclaré qu’il ne fallait pas faire confiance aux femmes pour cette fonction. »
Enfin, « il y a parfois des barrières linguistiques », ajoute Mgr Morerod en citant l’exemple de prêtres vietnamiens dont le sermon n’est pas compris par tous les fidèles. De plus, rappelle-t-il, « le Vatican nous met régulièrement en garde contre une sorte de “fuite des cerveaux” » qui appauvrit les diocèses africains ou asiatiques de leurs ressources humaines.
Diminuer le nombre de messes
Pour toutes ces raisons, l’évêque de Lausanne, Genève, Fribourg veut donc cesser de recruter des prêtres à l’étranger - tout en reconnaissant qu’il faudra continuer d’accepter des prêtres désireux de venir en Suisse - et diminuer le nombre de messes proposées chaque semaine. Ce qui suppose « une certaine mobilité des fidèles. Cela en vaut la peine, les célébrations n’en seront que plus vivantes. »
Toutes ces décisions, assure Mgr Morerod, ont été prises en concertation avec son conseil presbytéral, dans une « continuation des discussions issues d’une large consultation en 2013 ». Elles ne sont pas motivées d’abord par des questions financières mais « par un constat » : celui de la diminution du nombre des catholiques. Entre 1910 et 2018, leur proportion dans la population résidente suisse est passée de 43 à 35 %.
3 commentaires:
Bonjour père Olivier, et merci pour votre article du 3…
Cet évêque a bien raison de vouloir redonner les prêtres étrangers à leur pays d’origine qui en a bien besoin. Ca me gêne beaucoup de voir les prêtres étrangers chez nous parce qu’on en manque ! et de penser qu’ils seraient tellement utiles à leur pays d’Afrique…
Mais chez nous c’est difficile de revoir l’organisation ! ça va prendre du temps, en plus on est pas mal retourné en arrière, alors…
Bonne fin de semaine. A bientôt.
Bonsoir,
Je me souviens d'une rencontre avec un évêque africain, de passage en Vendée, que j'interviewais sur la vie de son diocèse: " Des séminaristes, j'ai ai bien trop..."
Par ailleurs tout à fait en ligne avec ce que dit très lucidement cet évêque suisse sur l'avenir de notre Eglise.
J'avais déjà lu un article sur cet évêque suisse, dans la Vie peut-être (?).
En plus de "rendre" des prêtres à leurs communautés d'origine, je vois deux raisons qui justifient cette initiative.
Permettre aux laïcs de s'investir davantage dans les rôles de responsables. Trop souvent, nous nous conduisons en consommateurs, alors que chaque chrétien doit assumer son rôle dans la vie de l'Eglise…
Et il serait temps d'anticiper ce qui vient...manque de prêtres inéluctable, les chrétiens devront se prendre en main, il n'est pas souhaitable que cela arrive alors qu'ils n'y seront pas du tout préparés. C'est une question de lucidité et cet évêque, à mon sens, en fait preuve.
Enregistrer un commentaire