Homélie pour la fête de l'Ascension, à Longeville, puis à St Hilaire de Talmont.
Si je n'étais pas croyant, il me semble que j'aurais beau jeu pour démontrer aux chrétiens que leur foi ne repose sur rien de solide. Prenez la fête de l'Ascension par exemple ; on nous dit que Jésus a été enlevé au ciel, qu'il a disparu tout à coup, qu'il est parti on ne sait où, s'asseoir à la droite de Dieu... Où ça ? Sur un nuage sans doute, dans un coin perdu du ciel...
Il paraîtrait qu'avant de disparaître, Jésus aurait accompli et terminé sa mission, qui consistait à bâtir un monde meilleur. Or, Jésus n'a-t-il pas échoué sur toute la ligne ? En effet, sur notre terre, on ne voit que conflits, injustices et affrontements, tout l'inverse de ce que Jésus souhaitait.... Comme l'a constaté le poète martiniquais Aimé Césaire : "Où que nous regardions, l'ombre gagne !"
D'ailleurs, dans la ville même de Jésus, qu'on appelle pourtant la ville trois fois sainte, à Jérusalem, là où Jésus a vécu, là où il a prêché, l'on a en ce moment un bel exemple de l'échec de sa mission, avec ce conflit assez terrible en cours, entre colons juifs et Palestiniens, conflit qui entraîne de grandes souffrances et des heurts qui ont causé ces jours-ci plus de 70 morts et des centaines de blessés, y compris dans le territoire de Gaza. Si Jésus n'a pas réussi à mettre de l'ordre dans sa propre ville, à Jérusalem, avant de partir, comment voulez-vous que l'on croit en la réalité, en la réussite de sa mission ?
Chers amis, ne nous faisons pas d'illusions ! Ce que je viens d'exprimer, c'est ni plus ni moins le point de vue de nombre de nos contemporains, qui ne croient plus en Dieu... Alors, faut-il s'en lamenter ? Je crois qu'au contraire, nous devons les remercier de nous mettre en face de nos contradictions, de nos propres interrogations ? D'où vient-il en effet qu'après 2000 ans de prédication, d'évangélisation, la personne de Jésus, le message de Jésus soit si peu reconnu et si déconsidéré ?
Notre humanité en effet semble penser, face aux misères de ce monde, que Jésus, en quittant cette terre, a abandonné les humains à leur triste sort. Que de fois l'on entend, lors de sépultures, de drames ou de catastrophes, cette interpellation terrible : "Ah ! S'il y avait un Bon Dieu..." Façon de dire que Dieu n'est pas là., car Jésus est parti, Jésus n'est plus là !
Mais c'est là qu'il nous faut pouvoir regarder les choses autrement, et mieux savoir les expliquer aussi sans doute. Revenons au message de Jésus par exemple. Avant de quitter cette terre, il a laissé entre nos mains des pistes d'action extraordinaires, qui font l'unanimité même chez les incroyants. Parmi tout ce que Jésus nous a dit d'assez unique, je ne citerai en exemple que les Béatitudes, qui représentent un programme de vie exceptionnel pour l'humanité : "Heureux les artisans de paix, debout ceux qui ont faim et soif de la justice", etc... De ces paroles sublimes, un non chrétien de la qualité de Gandhi, de religion hindoue, a révélé : "C'est cet enseignement qui m'a fait aimer Jésus."
Or, si la Parole de Jésus est mise en pratique, cela ne veut-il pas dire que Jésus est toujours là ? Non pas disparu dans les nuages, mais présent parmi nous, quoique sous une autre forme que jadis en Palestine.
Par exemple, désormais, nous ne le voyons plus en train de guérir des malades, comme jadis à Capharnaüm ou ailleurs ; mais nous pouvons le reconnaître à l'action à travers les médecins et agents de santé, qui sont si actifs et si exemplaires, durant cette période de pandémie. Où Jésus est-il ? Il y a quelques années, alors que je remerciais le chirurgien qui venait de m'opérer, celui-ci me déclara : "Je vais vous faire la réponse d'Ambroise Paré - pour info, Ambroise Paré, qui vécut au 16° siècle, est considéré comme le père de la chirurgie moderne - A. Paré, ce chirurgien génial, disait de ses malades : "Je les soigne, Dieu les guérit."
Tiens ! Et si c'était Dieu qui agissait, qui faisait le bien, à travers les mains des soignants, comme de tous celles et ceux qui, croyants ou non, oeuvrent au service de leurs frères ? Ceci, l'écrivain Georges Bernanos l'avait bien compris, quand il affirmait : "Dieu n'a pas d'autres mains que les nôtres !"
Et l'on pourrait multiplier les exemples de présence de Jésus, de son action, au coeur de notre société. Prenons le monde de l'écologie par exemple, si cher à nombre de nos contemporains, croyants ou non ; quelle a été la réaction de Yann Artus-Bertrand, l'une des figures emblématiques de la défense de la création, après avoir lu la lettre encyclique du pape François "Laudato si" ? "Quand j'ai lu ce texte, a-t-il révélé, je me suis senti chrétien..., bien que non croyant." Est-ce qu'une telle réaction ne nous renvoie pas à Jésus vivant et agissant ?
Retournons à Jérusalem. Savez-vous que, sur la terre où vécut Jésus, il existe plus d'une centaine d'associations, organisations ou groupes divers formés de Juifs et d'Arabes israéliens et palestiniens qui oeuvrent ensemble pour un rapprochement entre leurs deux communautés ? Malheureusement, les médias font peu d'échos à leur action, ne nous informant qu'à propos des troubles qui dévastent la vieille ville de Jérusalem. Mais là encore, dans le coeur de ces personnes, de religions différentes ou non croyantes qui oeuvrent pour la paix, ne peut-on pas reconnaître l'action de Jésus vivant ? Et l’on pourrait multiplier les exemples… Non, décidément, Jésus n’est pas absent de ce monde !
Tout cela nous aide à mieux comprendre le sens de la fête de l'Ascension, qui se résume en un double mouvement. D'une part, Jésus quitte ce monde, mais c'est pour entrer dans la plénitude de Dieu, et nous y emmener ; dans la hauteur et dans la profondeur de Dieu, comme veut le signifier l'expression symbolique et imagée disant qu'il s'est assis à la droite de Dieu.
Mais, dans un deuxième mouvement, Jésus s'installe également, en permanence, et tout au long des âges, au plus profond de chaque homme ou femme qui, croyant ou non, agit au service de ses frères.
Et si le mal continue de sévir sur cette terre, c’est à nous désormais que Jésus a confié de le combattre, avec la force de son Esprit-Saint. Ne soyons donc ni dans la crainte ni dans la désespérance face à ce grand défi ! L’évangile nous disait tout à l’heure : « Ils pourront boire des poisons mortels, cela ne leur fera aucun mal ». Ce qui signifie qu’avec Jésus, jamais le mal n’aura le dernier mot ! Car il nous l’a promis : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ! Amen ! Alléluia !
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