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Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



samedi 8 mai 2021

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2621 : Peut-on pardonner à un tortionnaire ?

 Homélie partagée en l'église de Grosbreuil, le dimanche 9 mai 2021.


L'homélie sera d'un style un peu particulier, en ce dimanche, et ceci pour deux raisons.  D'une part, les textes bibliques que nous offre la liturgie de ce jour sont tellement clairs, qu'ils ne demandent pas d'explication particulière : ils appellent seulement, d'abord, à ce qu'on les médite ; puis, à ce que nous les mettions en pratique, ce qui est de l'ordre du possible pour chacun de nous. 

 D'autre part, nous sommes au lendemain du 8 mai ; c'est peut-être l'occasion de partager une histoire qui a trait à la guerre de 39-45, tout en illustrant de façon magnifique ce commandement suprême que Jésus nous partage dans l'évangile de ce dimanche : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés." A titre d'exemple, voici comment un prisonnier italien, nommé Erino Dapozzo, a su vivre ce célèbre précepte de l'Evangile, au milieu de conditions effroyables. Ecoutons-le.

"Pour avoir secouru des Juifs, je fus arrêté par la Gestapo et déporté en camp de concentration, en Allemagne. Je laissais derrière moi ma femme et quatre enfants. Le travail à la mine était terrible. Et les gardiens m'avaient cassé un bras à coups de matraque. La fracture fut laissée sans aucun soin. A ma sortie du camp, je ne pesais plus que 39 kgs, et mon corps était couvert d'ulcères.

Le soir de Noël 1944, alors que je me trouvais dans la baraque des prisonniers, le commandant du camp me fit appeler.  Lorsque je me présentai, je le trouvai attablé devant un plantureux repas de réveillon.  Il m'obligea à me tenir debout, au garde à vous, pendant le temps qu'il mangea. C'était une façon de me violenter.

Dans mon coeur, j'entendis la voix de Satan me disant : "Crois-tu toujours ce que l'on chante dans vos prières : "Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer" ?  Je me suis dit : "Oui, malgré tout, j'y crois !"

Un soldat entra, apportant une tasse de café fumant, ainsi que d'appétissants gâteaux. Le commandant me dit alors : "Tu sais, ta femme est une très bonne cuisinière.  Depuis 7 mois, elle t'envoie chaque mois un colis de pâtisseries, que j'apprécie énormément ; ils sont savoureux, avec du chocolat et tout.."

Je devinais que mon épouse et mes enfants, au cours de cette guerre, manquaient de nourriture, et que ma femme devait avoir pris, sur ses maigres rations, la farine et le beurre pour faire les gâteaux.  Cet homme se gavait donc de la nourriture dont mes enfants étaient privés !

J'eus envie de le haïr, de le maudire.  Mais je m'en remis à Dieu, et le priai en silence.  J'aurais bien aimé qu'il me donnât, ne serait-ce qu'un tout petit morceau de gâteau ; mais rien... Que des sarcasmes !

A la fin de la guerre, notre camp fut libéré. Dès cet instant, avec d'autres camarades, nous nous mimes à la recherche de de notre tortionnaire. Bien des officiers qui avaient commandé les camps de concentration avaient été fusillés, mais un certain nombre avaient pu s'échapper.  Et j'appris que mon homme avait réussi lui aussi à s'éclipser.

Pendant une dizaine d'années, avec l'aide d'autres déportés, et le soutien de diverses associations, sans relâche, nous avons poursuivi nos recherches ; jusqu'au jour où, par un heureux concours de circonstances, nous avons fini par découvrir où il se cachait : toujours en Allemagne, dans un endroit reculé, et bien entendu, sous un faux nom.

Accompagné d'un autre déporté, à l'improviste, je me rendis chez lui.  Au premier abord, il ne comprit pas de quoi il s'agissait ; et il ne sembla pas me reconnaître. Les années avaient passé... Je lui demandai alors : "Vous souvenez-vous de Noël 1944 ?"  Il me regarda intrigué. Je poursuivis : "Je suis le matricule 175."

Alors, il devint blême, dût s'asseoir, et se mit à trembler. Sa femme, près de lui, était terrorisée. Sans doute que, comme d'autres criminels nazis, il se sentait recherché !  L'ancien commandant, qui avait perdu toute sa morgue, me demanda : "Etes-vous venus... vous venger ?"  "Il y a dix ans que je vous cherche", répondis-je !

Mon camarade et moi, nous avons pris une chaise et nous sommes assis. J'ouvris le paquet que nous avions apporté. Qu'est-ce que j'allais en sortir ?  Une arme, sans doute... Notre fuyard et sa femme étaient littéralement décomposés. De ce paquet mystérieux, je sortis alors un grand gâteau, et demandai à son épouse, pas rassurée du tout, les yeux exorbités, de nous faire du café.  Ensuite, nous avons bu le café et mangé le gâteau.

Découvrant l'issue de la situation, le visage inondé de larmes, d'une voix blanche, l'homme finit par me demander pardon.  Je lui répondis que je lui avais déjà pardonné."

Fin de l'histoire.  A l'extérieur, d'autres camarades attendaient. Ils remirent l'ex-commandant à la justice, qui alors suivit son cours.  Mais le déporté avait pardonné !

Depuis près de 70 ans, un tel témoignage n'a pas pris une ride.  Si j'ai cité ce fait, plutôt que de faire un sermon classique, avec de bons sentiments, c'est parce que j'entends souvent la réflexion, y compris chez les chrétiens : "Jésus, c'est bien beau ce qu'il dit ; mais moi, ce qu'un tel m'a fait, je ne lui pardonnerai jamais."

Alors, ces belles paroles de Jésus, sur lesquelles on prêche dans les églises depuis 2000 ans, serait-ce donc un idéal impossible à réaliser ?  Bien sûr, sans doute, nous n'aurons pas à vivre des histoires comme celle-ci ; mais la différence entre ce déporté et nous, vous la connaissez ? Etait-il plus malin que nous ?  Plus courageux que nous ?  Ce n'est pas sûr du tout.  Par contre, Erino, lui, a pris beaucoup plus de temps que nous, peut-être, du temps pour méditer cet appel de Jésus, pour s'en nourrir, pour s'en imprégner. Et c'est certainement ce lien intime avec Jésus qui lui a permis de vaincre le virus terrible de la haine.

Jésus compte sur nous, pour que nous le laissions ainsi agir dans notre vie : "Demeurez dans mon amour..., afin que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure."   Amen !   Alléluia !

2 commentaires:


Elodie a dit…

Merci Beaucoup pour ce très beau partage Olivier !
Quel témoignage !
Je ne connaissais pas l'histoire de cet italien dont tu parles là !
Comme cela fait du bien de savoir que la parole de Jésus est incarnée ici et là, et jusque là-bas même, là où personne ne voudrait aller de son plein gré.
L'on remarque souvent à quel point les paroles et actes guidés par Jésus prennent de la force et de l'ampleur lorsqu'ils surviennent là où on ne s'y attend pas.
Pour sûr, la nourriture de l'Esprit, la nourriture de l'Âme, la nourriture du Coeur et la nourriture des Paroles de Jésus au travers de l'Evangile, ont été une nourriture bien plus importantes que la nourriture physique et terrestre (qui de toute façon manquait) pour de nombreux prisonniers des camps qui ont pu survivre à ces atrocités.
La Foi véritable et l'Amour de son prochain sont parfois si difficiles à mettre en application ; mais, quoi que l'on vive, quoi que l'on traverse, l'issue est toujours si profonde, si belle, si lumineuse, si radieuse et si grande !

Ce partage, cher Olivier, je m'en rappellerai toujours et je vais encore grandir avec !
Encore merci !

Marie-France Dauce a dit…

Ce thème rejoint tout à fait le sens de ce qui se travaille en ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture).
Lors de la Nuit des Veilleurs 2018, le thème proposé était:
« La Fraternité…jusqu’à aimer ses ennemis » Matt 5, 17 43-44
Je vous donne ces lignes écrites par l'un de nos anciens présidents:

A l’ACAT, nous travaillons depuis plus de 40 ans sur les cas de victimes de tortures, de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Mais nous nous intéressons aussi aux auteurs de ces tortures, aux bourreaux, lesquels peuvent être assimilés aux « ennemis »…… Nous n’oublions pas que les bourreaux et les tortionnaires sont également des êtres humains, nos frères et sœurs devant Dieu…… Dans cette optique, au cours de cette Nuit des Veilleurs 2018, nous voulons prier non seulement pour les victimes, mais également pour les bourreaux, car l’amour de Dieu s’adresse indifféremment aux unes comme aux autres; en outre la situation des victimes ne pourra s’améliorer que si le tortionnaire se convertit ou change de regard sur la victime. Ainsi nous voulons, nous aussi, continuer de vivre la fraternité, cette fraternité qui va jusqu’à l’amour des ennemis, car ces derniers, comme nous, sont enfants de Dieu.
François WALTER, ancien président de l’ACAT (extraits)

Dans notre groupe, nous avions choisi 2 témoignages de pardon donné par des femmes vraiment extraordinaires ! Maïti Girtanner, résistante de la 2ème guerre mondiale, et Aba Gayle dont la fille fut assassinée aux USA. Cette dernière est venue à la Roche/Yon et a témoigné. Ce serait trop long de les mettre ici, mais si cela vous intéresse, j'ai mis 2 liens qui permettent d'en savoir plus sur ces 2 femmes.

https://www.reussirmavie.net/Maiti-Girtanner-la-force-du-pardon_a2081.html

https://www.reforme.net/portraits/2006/06/22/aba-gayle-le-pardon-qui-libere