Dans mon précédent billet, je vous parlais d'une rencontre de réflexion en ce samedi 20 octobre, à la Roche-sur-Yon, autour de la récente Lettre du pape François au Peuple de Dieu ; c'était une proposition du groupe SEL 85 (Solidarité - Eglise - Liberté en Vendée). La réunion fut ouverte par Jean, président de SEL 85. Eh bien, j'en arrive. J'écrivais mercredi qu'il y aurait peut-être de l'inattendu, et ce fut le cas. Quand je lançai le tour de table en vue de faire les présentations, donnant la parole en premier à mon voisin, que je ne connaissais pas, surprise : il nous partagea sa souffrance d'avoir été abusé au petit séminaire de Chavagnes, et nous fit savoir qu'il était heureux de trouver un groupe de chrétiens accueillants, afin de pouvoir partager cette "atrocité", pour reprendre l'un des termes utilisés par le pape. Il nous précisa que pour cette raison, il a demandé à être "débaptisé" il y a déjà quelques années ; "j'ai apostasié", nous a-t-il déclaré. Le ton était donné ! Nous venions pour faire nôtre l'appel du pape, comme il l'écrit, "à relever le défi, en tant que peuple de Dieu, d'assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et leur esprit." Et voici que notre groupe se trouvait, d'entrée de jeu, confronté à ce cri qui montait vers le ciel !
Puis, au fur à mesure que l'on avançait dans les présentations, deux autres hommes nous firent savoir qu'ils avaient eux aussi été victimes de telles agressions, ainsi qu'une femme de notre groupe. L'un de ces hommes m'a d'ailleurs dit être en 6° à Chavagnes tandis que je me trouvais en 4°. Tous, nous pensions peut-être venir discuter de cet appel du pape en théorie, et voici que quatre personnes, en chair et en os, atteintes par ces blessures immenses, se trouvaient au milieu de nous. Alors, éclairés par l'expérience de ces quatre victimes, nous avons relu la Lettre du pape autrement.
"Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui." Ces paroles de St Paul ont alors résonné très fort en nos coeurs. Nous étions tous saisis et sidérés ; car, écrit encore le pape, "la douleur des victimes est aussi notre douleur."
En fait, un certain nombre de personnes (lesquelles ? d'autres profs ?) étaient, semble-t-il, plus ou moins au courant de ces pratiques ; cependant, les victimes, nous ont dit nos quatre amis, dans leur environnement, leur entourage, ne ressentaient que le silence. Mais, continue le pape, "leur cri a été plus fort, un cri qui fut entendu par le Seigneur." Cet après-midi en tout cas, ce cri nous a été lancé en plein coeur ; avec force, mais sans ressentiment cependant, sans agressivité, douloureusement seulement.
J-Pierre nous a fait remarquer que le pape, dans sa Lettre, cite trois types d'abus : sexuels, de pouvoirs, et spirituels, les trois s'enchaînant d'ailleurs les uns les autres, surtout lorsque l'on se prévaut d'un pouvoir spirituel pour vous obliger à accepter, "Satan lui-même se déguisant en ange de lumière", comme le souligne le pape en citant 2 Co 11/14.
Tout au long de l'échange, nous nous sommes demandé comment arrêter une telle spirale. Francine a fait savoir qu'au Canada, l'on apprend aux enfants à dire non, face à ce type de sollicitation diabolique. Michel a dit de la même façon que, face à de telles agressions, existe une possibilité de non-violence active : manifester un refus net, et dès le départ ; car sinon, ensuite, quand les choses dérapent, il est beaucoup plus difficile de les éviter ! Paul a souligné que le pape souhaitait "que les victimes puissent trouver une main tendue qui les protège et les sauve de leur douleur." En tout cas, nous avons fait savoir que notre groupe voulait rester mobilisé en vue d'un vrai soutien de nos quatre amis. Une piste a été lancée : pourquoi pas une cellule d'écoute sur ce sujet dans notre diocèse, et pas seulement à l'échelon régional ?
Ceci dit, nous avons aussi beaucoup parlé du cléricalisme, le 2° grand thème de cette Lettre, d'ailleurs très lié au 1°. La place me manque pour rendre compte de la richesse de notre échange, mais, sur proposition de Jean, nous reviendrons sur cette question lors d'une prochaine rencontre ; une date a été prise pour le samedi 8 décembre, à 14h30 à la Roche (lieu à préciser). Ce sera, comme aujourd'hui, ouvert à tous, y compris à des personnes n'ayant pas participé à cet après-midi du 20 octobre. Selon un souhait d'André, nous partagerons des expériences en cours permettant de combattre le cléricalisme chez nous, et nous essayerons de faire des propositions ; en nous aidant peut-être, comme l'a suggéré Joseph, des "10 pistes contre le cléricalisme" présentées par le journal "La Croix" daté du 30 août. En relisant également les n° 10 et 32 du texte de Vatican II : "Lumière des nations". Cela est urgent car, comme l'écrit encore le pape, "sans la participation active de tous les membres de l'Eglise, celle-ci ne réussira pas à créer les dynamiques nécessaires pour obtenir une saine et effective transformation." Et nous reviendrons bien sûr sur ce douloureux dossier des abus sexuels au sein de l'Eglise catholique et en particulier dans notre diocèse.
Nous nous sommes quittés sur un dernier appel du pape, "à repartir de la contemplation du Christ (...) et à apprendre à regarder dans la même direction que le Seigneur", pour pouvoir poursuivre notre réflexion et notre action dans la lumière de l'Esprit-Saint.
P-S : en final de cette rencontre, tous se réjouissent de cette proposition de Jean, le président de SEL 85 : faire savoir à notre évêque que nous apprécions son appel, lancé le 15 octobre, à tous les diocésains pour ouvrir partout le dialogue à propos de cette Lettre du Peuple de Dieu, et que, par l'intermédiaire de SEL 85, nous avons pris "les devants", sans attendre les décisions de la hiérarchie. Lui sera partagé un peu de la richesse de ce que nous avons pu vivre, échanger, souhaiter, lors de notre réunion de ce 20 octobre.
A été évoqué également le courrier reçu il y a deux jours de notre évêque, donnant ses trois décisions :
- diffusion la plus large possible de la Lettre du pape
- journée de jeûne et de prière le 7 décembre
- conférence le 16 janvier en soirée à la Roche, avec la responsable de la cellule des évêques de France contre la pédophilie
Cela commence à bouger, tant mieux !
samedi 20 octobre 2018
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2220 : "Un crime qui génère de profondes blessures" (pape François)
Publié par
Olivier Gaignet
à
21:59
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