Nous avons eu le privilège de pouvoir demeurer un long moment, à Bethléem, dans le camp de réfugiés palestiniens d'Aïda, l'un des 59 camps qui durent encore, et cela depuis près de 70 ans : inimaginable ! 6.000 personnes, touchées par le chômage à 60% chez les jeunes, entassées sur un territoire très réduit de 4 hectares, le long du mur de séparation.
Une jeune responsable d'un centre culturel et quelques autres nous ont emmenés marcher au coeur de ce camp, dans lequel nous avons vraiment eu l'impression de faire un chemin de croix :
- 1° station : ici, un jeune de 18 ans, qui revenait de ses cours, a été tué d'une balle en plein front. Près de 300 Palestiniens ont été tués en Israël-Palestine depuis ocobre 2015, la plupart du temps, des jeunes.
- 2° station : hier, dans la nuit, des soldats sont arrivés dans le camp ; ils cherchaient un jeune, mais ne l'ont pas trouvé. De colère, ils ont tiré des coups de feu, au hasard, pour nous faire peur.
- 3° station : regardez les impacts de balles, dans les portes et dans les murs : nulle part, l'on est à l'abri !
- 4° station : des enfants jouent au foot au milieu d'une rue. Dans le camp, il n'y a aucun espace vert, faute de place, ni terrain de sport ou de jeux.
- 5° station : des jeunes font un rodéo dans les rues ; leur voiture frôle notre groupe à toute allure à plusieurs reprises ; nous ressentons une certaine appréhension. Mais qu'ont-ils d'autre à faire pour occuper leurs journées ? Le responsable du centre nous a dit que 99% des jeunes ne sont jamais sortis du périmètre de Bethléem et n'ont jamais vu la mer, située pourtant à quelques dizaines de kilomètres seulement.
- 6° station : des Simon de Cyrène, comme notre guide, toujours souriante malgré l'adversité, donnent de leur temps et de leurs compétences pour permettre au plus grand nombre de jeunes possible de trouver à s'occuper, de continuer à espérer, à travers de multiples activités : théâtre, danse, musique, vidéo et autres activités artistiques. Ainsi, leur croix se fait moins lourde, moins écrasante.
- 7° station : vous voyez la hauteur des constructions ? Faute de place, l'on est réduits à construire en hauteur, en ajoutant étage sur étage, jusqu'à 12 mètres de hauteur, sur des soubassements qui n'ont pas été prévus pour de telles charges, avec les risques que l'on devine, ce qui fait que la sécurité n'est pas assurée.
- 8° station : les rues sont infâmes, pleines de trous énormes, jamais réparées, faute de moyens.
- 9° station : l'eau est souvent coupée, on ne sait pas pourquoi, jusqu'à plus de trois semaines à la suite il y a quelque temps ; alors, les habitants ont installé de gros réservoirs sur le toit de leurs maisons. Mais parfois, les soldats tirent dans les réservoirs, et toute l'eau, qui a été payée, est perdue.
- 10° station : cette maison a été détruite, car l'un des jeunes de cette famille a été reconnu responsable d'un attentat. Chaque famille a un martyr, ou un prisonnier.
- 11° station : des Véronique essuient le visage de ces réfugiés, et essayent de faire comprendre aux jeunes qu'il ne s'agit pas de vouloir mourir pour son pays, mais de vivre pour leur pays, pour que leur pays vive. Car, comme le dit le Coran, tuer une personne innocente, c'est tuer toute l'humanité.
- 12° station : dans les ruelles, l'on voit de nombreux portraits de jeunes assassinés, dessinés sur les murs, ou repésentés par des photos. Mais l'on n'a pas vu d'appels à la haine.
- 13° station : près du mur, nous arrivons au pied de l'un des immenses miradors disposés de place en place pour surveiller le camp. Le béton de celui-ci est noir de fumée ; il a été rendu inutilisable par les jeunes qui, révoltés, ont accumulé nombre de pneux à sa base, et les ont enflammés.
- 14° station : le dessin d'une colombe sur le mur de l'une des rues. Le symbole de la paix, de l'espoir, est toujours là.
Au coeur de ce camp d'Aïda, nous avons pris connaissance de l'oeuvre très positive d'un important centre culturel : "Les Pionniers", qui a lancé ce qu'ils appellent un "Belle résistance", avec les cinq objectifs suivants : les arts, les médias, l'éducation, la place des femmes et l'environnement. Ces cinq départements organisent de multiples activités dans le camp, avec la maxime suivante : "Nous n'avons pas le luxe de tomber dans le désespoir, mais l'espoir inébranlable que nous pouvons faire un changement pour nos enfants et les générations à venir dont nous pouvons être fiers."
Leur philosophie : ne pas attendre que les miracles arrivent ; il faut les provoquer !
jeudi 12 mai 2016
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 1.937 : Chemin de Croix dans un camp de Réfugiés
Publié par
Olivier Gaignet
à
11:01
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