Blog de l'arche de Noé 85 n° 3039
" Pourquoi avez-vous peur ? "
Si vous avez participé à l'Eucharistie du samedi 1er février ou si vous avez simplement lu et médité les textes de la messe de ce jour, vous avez entendu cette question de Jésus à ses disciples, tandis que, comme nous le décrit l'évangile (Marc 4/35-41) : " Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà, elle se remplissait ". (voir commentaire d’Élodie, blog n° 3037).
Chaque fois que je relis ce texte, je repense à ce jour où, ayant fait confiance à un pêcheur réputé, au Mali, je traversais l'immense fleuve Niger, déchaîné, pour rejoindre l'autre rive. L'estomac dans les talons, les pieds dans l'eau, je voyais arriver mes derniers jours, en constatant que cette pirogue de rien du tout était en train de se remplir d'eau.
Le piroguier, lui, l'insensé, rigolait devant la peur ! Je lui en voulais à mort. Mais en même temps j'admirais la façon dont il arrivait à prendre les vagues, et, fourbu par son immense effort, il parvint quand même à déposer à bon port ce passager qui n'avait eu en lui qu'une confiance bien relative !
Eh bien, j'ai eu l'impression de revivre la même dangereuse traversée ces derniers temps ! Tandis que la maladie, tel un fleuve en furie, remplissait de plus en plus la frêle pirogue de mon existence. Tandis qu'au fond de la barque, j'étais comme ligoté, sans gouvernail, impuissant.
Et pourtant, aujourd'hui, après une quarantaine de jours en pleine tempête, et pas mal de nuits de peur, je suis toujours vivant ; et, grâce à la rééducation, je recommence à pagayer, tout doux, pour reprendre la maîtrise de la frêle pirogue de ma vie.
Mais j'ai bien tort de ne parler que de moi, alors que, sur cette planète, des centaines de millions de mes frères et sœurs peinent tant eux aussi, à traverser les fleuves terribles de leur existence et de leurs malheurs ...
Je pense à ces personnes innocentes, ces villageois du nord-est du Congo, dont on brûle les maisons en ce moment.
Je pense à ces désespérés qui tentent, jour après jour, de traverser la mer pour rejoindre ce qu'ils croient être un monde meilleur. Je pense chez nous, à ces agriculteurs qui se suicident par découragement, à ces femmes tuées par leurs conjoints, à ces otages israéliens retenus dans des tunnels sans fond, à ces milliers de civils tués à Gaza.
Grande peur également face à Trump, à tous ces dirigeants qui ne respectent pas la justice, ni les attentes légales de leurs peuples.
Peur dans l'église aussi : des prêtres sont mal à l'aise par rapport à certains de leurs paroissiens, et vice-versa. Des évêques ont peur de certains laïques et ne savent pas les écouter. Le Pape François lui-même craint les réactions critiques de certains cardinaux renfermés dans leur légalisme et leur dogmatisme. Et dans nos vies, qu'en est-il ?
Et pourtant, il y a un excellent piroguier dans la barque du monde. Parfois, il semble endormi, comme dans la scène de l'évangile de la tempête apaisée.
Cette belle expression : " Dieu travaille toujours, il ne s'arrête jamais ! ", même si elle n'est pas littéralement attribuée au Père Teilhard de Chardin - thème souvent abordé dans ses écrits - elle reflète bien l'idée d'un travail constant et d'une présence divine active dans le monde.
Alors si Dieu est toujours avec nous, tenant avec fermeté le gouvernail de notre vie, envers et contre nous parfois, " pourquoi êtes-vous si craintifs ? "
(texte du Père Olivier GAIGNET enregistré par son ami Jean-François)
1 commentaires:
Merci, Olivier, pour cette invitation à réfléchir sur notre confiance en l'autre, en Dieu aussi et bien sûr en Dieu chez l'autre.
Cela me rappelle les sorties en mer avec mon père, qui avait un petit bateau à moteur avec cabine, et au cours desquelles l'on finissait 8 fois sur 10 par rentrer en godillant avec une rame car soit le moteur tombait en panne, soit mon père n'avait pas assez anticipé le contenu de la réserve d'essence.
Beaucoup de gens parmi notre entourage ne voulaient plus partir en mer avec lui car ils étaient trop craintifs. Pourtant, mon père ne cédait jamais à la panique, il trouvait toujours des solutions et il était un excellent marin.
Mais il avait aussi de nombreux problèmes de santé, ce qui leur faisait peur également.
Moi, cela ne m'a jamais empêchée de "partir à l'aventure avec lui" car je savais qu'on arriverait toujours à bon port. Je ne m'en remettais pas seulement à mon père mais à toutes les qualités et dons que Dieu avait placé en lui, à son savoir et à son expérience aussi.
Grâce à lui j'ai appris à écoper, à remonter le chenal en godillant, à naviguer, à ramer, à mieux comprendre et appréhender l'océan et les tempêtes, les traversées... surtout à faire confiance, à apprendre et à être à l'écoute. Il aurait été dommage de passer à côté de tout cela, sans compter le remps passé avec lui dans la transmission de ses savoirs.
A chacune des tempêtes de la vie, même si l'on ne choisit pas de vivre ce qui nous arrive, l'on peut toujours choisir la façon de traverser les tempêtes : la peur au ventre ou cédant à la panique, en écoutant les "mieux sachant", en apprenant d'eux, en s'en remettant à Dieu et aux dons ou qualités qu'IL a placé chez les uns et chez les autres.
La traversée de la maladie comme du handicap est un apprentissage du "s'en remettre à l'autre " et du "s'en remettre à Dieu" à travers ceux qu'IL a jugé bon de placer à nos côtés, sur notre chemin.
C'est probablement aussi une façon très profonde de vivre l'Evangile de façon incarnée.
En union de prière avec et pour tous les embarqués de Dieu, où qu'ils se situent et quelle que soit leur place sur la barque de leur petite vie.
Amen.
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