Combien de fois, durant mes dizaines d'années de ministère, aussi bien au Mali qu'en Vendée ou à Paris, où j'ai été en mission pendant six ans, j'ai entendu des personnes m'exprimer leur crainte d'aller en enfer ! Sans trahir les confidences de qui que ce soit, voici quelques-unes des expressions entendues : "Je souffre dans mon âme ! Comment me libérer de cette emprise ? Je ne vais pas bien. J'ai peur. Mon coeur n'est pas en paix. Pourquoi cette peur reste-t-elle en moi ? Que pourrais-je faire pour qu'elle parte ? Je sais que la peur ne vient pas de Dieu, et cela me donne encore plus peur. Je n'arrive pas à avoir la paix. Pourquoi toujours cette peur, cet enfermement ? "J'avais faim, vous m'avez donné à manger, j'étais malade, vous m'avez visité" ; je ne fais rien de tout ça, je n'ai pas l'âme tranquille ! J'ai arrêté de pratiquer à plusieurs reprises, pendant de longues périodes. Mes enfants, petits-enfants ne pratiquent pas ; j'en suis responsable. J'ai un médecin qui me suit ; il ne comprend pas pourquoi j'ai peur de l'enfer. Je siis mal dans ma peau, le démon me pousse à faire ce qu'il ne faudrait pas faire. Le tentateur me trouble. Je ressasse toujours mes péchés. J'aimerais tant retrouver la joie, la paix, la lumière... Etc., etc..."
Je pourrais poursuivre longuement cet échange de réflexions ! A vrai dire, je suis toujours un peu triste de voir comment cette histoire de l'enfer peut bouleverser la vie de nombreuses personnes. Il est vrai que, pour l'Eglise catholique, l'existence de l'enfer est une vérité difficile à remettre en cause. Jésus n'en a-t-il pas parlé à diverses reprises, quand il évoque par exemple, en Matthieu 25/46, certains qui iront "au châtiment éternel" ? Surtout que, souvent, Jésus en parle en termes violents : "Allez-vous en loin de moi, maudits, au feu éternel, préparé pour le diable et pour ses anges." (Matthieu 25/41)
Certains avancent que, vu le caractère miséricordieux de Dieu, l'enfer n'existerait peut-être pas, ou du moins, qu'il serait vide ; mais qu'en savons-nous ? Comme l'ont dit des théologiens, "le Christ ne serait-il pas un affreux maître-chanteur s'il nous prévenait d'un danger qui n'existe pas ?" Rappelons-nous ce que le pape François exprimait en 2014, tandis qu'il appelait les mafieux à la réflexion : "Convertissez-vous ! Il est encore temps pour ne pas finir en enfer. C'est ce qui vous attend si vous continuez sur cette voie."
N'oublions pas cependant ce rappel de St Paul : "Dieu veut que tous les hommes soient sauvés." (1 Timothée 2/4) ; y compris Judas et tous les bourreaux des temps modernes. "Comment supporterai-je, Seigneur, qu'un seul de ceux que tu as faits comme moi à ton image et ressemblance, aille se perdre et s'échappe de tes mains ?" suppliait Ste Catherine de Sienne. Et pourtant, chacun est libre d'entrer dans le salut éternel que Dieu propose ; ou de le refuser, en toute liberté. Ce n'est pas Dieu en effet qui envoie certains en enfer. C'est ce que rappelait Ste Edith Stein, carmélite morte à Auschwitz en 1942 : "Il appartient à l'âme de décider d'elle-même. Le grand mystère que constitue la liberté de la personne, c'est que Dieu s'arrête devant elle."
La parole à l'abbé Pierre en terminant, même s'il est impossible de clore un tel sujet : "L'enfer, c'est les autres", affirmait Jean-Paul Sartre. Je suis intimement convaincu du contraire. L'enfer, c'est soi-même coupé des autres."
La peur de l'enfer, c'est le signe d'un mal-être profond : qu'est-ce qui est douloureux dans nos vies ? Qu'est-ce qui pèse sur nos consciences ? Sachons nous faire aider au besoin ! Et surtout, remettons-nous comme des enfants dans la main du Père, dont la miséricorde est infinie ! Tourner le dos à certains de nos frères, c'est se couper de Dieu ; mais demander pardon en vérité, et commencer à réparer notre péché contre les autres, avec l'aide de Dieu et de nos frères, c'est tourner le dos à l'enfer, et entrer dans la Paix de Dieu !
1 commentaires:
Merci, Olivier, de nous interpeller sur la notion d'enfer.
Les gens préfèrent en général parler du Paradis plutôt que de l'enfer.
Mais nous avons toutes et tous des parts d'ombre en nous.
Oser les voir, ne pas les cacher à autrui, être capable d'en discuter aussi, c'est s'offrir l'opportunité de pouvoir mettre de la Lumière dessus et permettre à son entourage de faire bon usage de la Lumière qu'il porte.
C'est en étant honnête, transparent, juste et droit avec soi comme avec les autres que l'on peut transformer les ténèbres en quelque chose de lumineux.
L'Amour, le Partage, la Fraternité et la Prière sont de véritables clés pour "tourner le dos à l'enfer", comme tu le dis si bien Olivier.
Quand on parle d'enfer, je pense toujours à cette phrase de la prière de Saint François d'Assise : "là où sont les ténèbres que je mette la lumière"
Je ne résiste pas à vous offrir en partage cette prière bien connue qui me nourrit beaucoup et qui illustre l'idée que transformer l'enfer en un monde de Paix relève aussi d'une volonté personnelle propre à chacun. Il suffirait "simplement" pour cela de se mettre en chemin et de se laisser conduire par le Seigneur...
"« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.
O Seigneur, que je ne cherche pas tant à
être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.
Car c’est en se donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. »
(Prière de Saint François d'Assise.)
AMEN
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