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Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



lundi 19 février 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2918 : La foi de Navalny

 Merci au journal "La Vie" qui présente cet intéressant article, sous la plume éclairée de Pierre Jova :


« Hourra ! Le Christ est ressuscité. La vie et l’amour ont gagné. » Ce 2 mai 2021, depuis la colonie pénitentiaire où il est emprisonné, Alexeï Navalny publie sur les réseaux sociaux un message pour la fête de Pâques selon le calendrier orthodoxe russe. « Je salue tout le monde : les croyants (que je suis maintenant), les non-croyants (que j’étais) et les athées (que j’étais également) », écrit l’opposant numéro 1 au régime.

Mort dans une prison de l’Arctique le 16 février 2024, celui qui faisait trembler les murs du Kremlin à la tête de la Fondation anticorruption était revenu au christianisme orthodoxe à l’âge adulte, et sa foi joua un grand rôle dans son militantisme.

« Je ne sais plus de quoi parler, Monsieur le juge. Si vous voulez, je vous parlerai de Dieu et du salut », avait lancé Alexeï Navalny à ses juges, lors du procès qui servit de prétexte à son incarcération, le 20 février 2021. « Le fait est que je suis chrétien, ce qui fait de moi la risée de la Fondation anticorruption, car la plupart de nos membres sont athées et j’ai moi-même été un athée militant. Mais aujourd’hui, je suis croyant et cela m’aide beaucoup dans mes activités, car tout devient beaucoup, beaucoup plus facile. Je réfléchis moins », témoigne le dissident, faisant référence à la Bible : « Il y a moins de dilemmes dans ma vie, parce qu’il y a un livre dans lequel, en général, il est plus ou moins clairement écrit ce qu’il faut faire dans chaque situation. Il n’est pas toujours facile de suivre ce livre, bien sûr, mais je m’y efforce. Ainsi, comme je l’ai dit, il est probablement plus facile pour moi que pour beaucoup d’autres de m’engager en politique. »

Baptisé en secret par sa grand-mère

Né en 1976 d’un père militaire, Alexeï Navalny avait été baptisé en secret par sa grand-mère ukrainienne. Il a été un des maillons de cette chaîne invisible déployée depuis le début des persécutions soviétiques par des babouchkas qui administraient le baptême à leurs petits-enfants – ou appelaient un prêtre en cachette. Elles étaient animées d’une piété à la simplicité biblique, parfois un peu superstitieuse, et n’avaient rien à perdre. Ces grands-mères se débrouillaient ensuite pour leur transmettre un minimum de vie spirituelle : se signer devant une icône, allumer un cierge… Ce sont elles qui ont maintenu à flot le christianisme orthodoxe en Union soviétique.

Le dernier président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev avait lui-même été baptisé en secret enfant. Tout comme Vladimir Poutine, emporté un mois après sa naissance en 1952 par sa mère et une voisine à la cathédrale de la Transfiguration de Leningrad. Ces baptêmes sous le manteau ne faisaient pas pour autant des chrétiens pratiquants. « Jusqu’à l’âge de 25 ans environ, lorsque je suis devenu père, j’étais un athée tellement enragé que j’étais prêt à attraper n’importe quel prêtre par la barbe », confia Alexeï Navalny, dans un long entretien accordé à l’écrivain – et opposant – Boris Akounine.  C’est à la même époque que le jeune avocat moscovite devient opposant au régime, chez les libéraux du parti Iaboko (« pomme »), puis les nationalistes de « la Marche russe ».

« Je ne connais pas ma religion aussi bien que je le voudrais, mais j’y travaille »

Avec Boris Akounine, Alexeï Navalny évoque sa foi avec une désarmante candeur. « J’ai honte de dire que je suis un croyant post-soviétique typique – j’observe les jeûnes, je me signe quand je passe devant une église, mais je ne vais pas souvent à l’église. Lorsque mes amis se moquent de moi parce que j’ai commandé une salade de légumes « parce que c’est un jour de jeûne », et qu’ils m’interrogent sur la signification de tel ou tel jeûne, je me sens vite dépassé, et ils se moquent de moi comme d’un « orthodoxe de pacotille, qui ne connaît rien à sa religion ». C’est vrai, je ne connais pas ma religion aussi bien que je le voudrais, mais j’y travaille », explique-t-il. Cet accent de sincérité tranche avec les dignitaires économiques et politiques russes qui ne manquent pas de parader à l’office.

« Je ne pense pas que je puisse faire de ma foi religieuse un atout politique – ce serait tout simplement ridicule. Je ne fais pas de publicité pour ma foi et je ne la cache pas non plus ; elle est là, c’est tout », ajoute Navalny, précisant que son appartenance à l’orthodoxie ne l’empêche pas de chercher la compagnie des athées. « Je suis croyant ; j’aime être chrétien et membre de l’Église orthodoxe, j’aime sentir que je fais partie de quelque chose de grand et d’universel. J’aime le fait qu’il y ait un ethos distinctif et un certain ascétisme. Mais en même temps, je suis très heureux de vivre dans un milieu majoritairement athée. Il est normal qu’il y ait des gens religieux, et il est normal que certains se moquent de la religiosité. Les blagues sur la religiosité dans The Simpsons et South Park sont excellentes et ne m’offensent pas le moins du monde. »

« Je ne regrette pas d’être revenu »

Croyant distancé, Navalny était semblable à ses contemporains. Les Russes sont certes revenus à la foi après la chute du communisme, mais leur attachement est avant tout identitaire : sur 72 % de la population se déclarant orthodoxes, seules 1,4 million de personnes ont assisté à la liturgie de Noël le 7 janvier 2024, soit moins de 1 % du pays. De nombreux prêtres sont conscients du décalage entre la religiosité affichée et la réalité des comportements. L’Église orthodoxe russe est tiraillée entre une frange – hier assez influente auprès du patriarche de Moscou Cyrille – qui cherche à proposer une foi assez solide pour s’ouvrir à la modernité, et des cercles intégristes à faire pâlir les pharisiens de l’Évangile. Prenant la défense des Pussy Riots, groupe féministe ayant chanté une « prière punk » contre Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou en 2012, Navalny s’était aliéné les traditionalistes orthodoxes.

Lui qui se sentait assez libre pour plaider la cause de « blasphématrices » l’était tout autant pour respecter la place privilégiée de l’orthodoxie russe. « Nous ne devrions cependant pas nier le fait évident que la religion de la Russie est le christianisme orthodoxe », dit-il à Boris Akounine, tout en précisant que cela n’impliquait « aucune discrimination à l’égard de quiconque ». Le dissident n’était pas dupe de l’allégeance du clergé à l’égard du régime. « La position de l’Église orthodoxe à cet égard est que tout pouvoir vient de Dieu et qu’elle soutiendra donc celui qui est au pouvoir. Il faut être philosophe à ce sujet », balayait-il avec une étonnante simplicité, estimant « très peu probable » que l’Église joue un rôle dans une révolution pacifique. « Mais j’aimerais que l’Église orthodoxe occupe une position dans la société qui permette aux parties en conflit de rechercher et d’accepter sa médiation. »

« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés »

Victime d’un empoisonnement en août 2020 et hospitalisé à Berlin, Alexeï Navalny aurait pu choisir l’exil et la liberté. Il choisit de retourner en Russie en janvier 2021, marchant consciemment vers la condamnation – et une mort certaine. Le journaliste Alexandre Morozov le compara au prophète Jonas, acceptant d’être jeté par-dessus bord dans la gueule de la baleine.

« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés » (Matthieu 5, 6), cita Navalny lors de son procès : « J’ai toujours pensé que ce commandement particulier était plus ou moins une instruction d’activité. Ainsi, même si je n’apprécie pas vraiment l’endroit où je me trouve, je ne regrette pas d’être revenu, ni ce que je fais. Tout va bien, parce que j’ai fait ce qu’il fallait. Au contraire, j’éprouve une réelle satisfaction. Parce qu’à un moment difficile, j’ai fait ce qui était demandé par les instructions et je n’ai pas trahi le commandement. »

Dans une Russie déjà verrouillée avant l’invasion de l’Ukraine, Alexeï Navalny a renoué avec la tradition orthodoxe des fols-en-Christ, clochards célestes qui interpellent le Tsar et les autorités religieuses au nom de l’Évangile. « Ces hypocrites qui mettaient les gens en prison parce qu’ils possédaient une Bible, mais qui se bénissent eux-mêmes dans les temples aujourd’hui », écrivit-il en 2023 sur Twitter, ciblant directement l’ancien officier du KGB au pouvoir à Moscou… Dans la déclaration aux allures de prêche qu’il fit à ses juges, Navalny affirmait qu’il ne se sentait pas seul en prison.

« Et je vais vous expliquer pourquoi. Cet enseignement – « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés » – semble quelque peu ésotérique et étrange, mais il s’agit en fait de la doctrine politique centrale de la Russie moderne. Monsieur le juge, qu’est-ce que cette phrase ou ce slogan, le slogan politique le plus important en Russie ? Où se trouve le pouvoir ? Le pouvoir réside dans la vérité. C’est ce que dit cet enseignement. C’est ainsi qu’il pourrait être résumé en un tweet, en omettant les mots inutiles tels que « de » et « soif ». C’est ce qu’il signifie essentiellement. Et le pays tout entier répète dans de nombreuses permutations différentes que le pouvoir réside dans la vérité, et que quiconque détient la vérité sera victorieux. » Et le fol-en-Christ d’annoncer : « Des dizaines de millions de personnes veulent la vérité. Ils veulent connaître la vérité et, tôt ou tard, ils y parviendront. Ils seront satisfaits. » Ainsi, avait-il prophétisé, « la Russie sera heureuse. »


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