Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2739 : Ne soyons pas des poulets sans ailes !

Avec mes excuses de n’avoir rien publié depuis quelque temps, mais je viens de faire ma retraite annuelle au monastère des Sœurs de Moissac (Tarn et Garonne).  Invité là-bas par Blandine, aujourd’hui Soeur Marie-Elie, une jeune religieuse que j’ai accompagnée vers la vie consacrée lorsque j’étais curé de Fontenay-le-Comte, et elle alors « développeur culturelle » sur le Pays de Fontenay.

Voici l’homélie de l’Ascension que j’ai partagée en l’église de Jard-sur-Mer.

 

Vous savez quel est le rôle de cette liturgie, en la fête de l’Ascension du Seigneur ?  C’est de nous permettre de sortir par le haut des misères, des troubles et des ressentiments qui nous accablent, pour nous élever vers le ciel et nous tourner vers Dieu ; Dieu qui, dans son amour immense, veut nous libérer de nos tristesses et de nos enfermements.  Et même en tant que « braves chrétiens », on en a souvent une belle couche sur le dos !

Il est vrai que sur cette terre, vous le savez, malheureusement, toutes les composantes du malheur sont réunies ! Regardez les infos : le monde est menaçant, la guerre est à nos portes, nos paysans souffrent de la sécheresse, et c’est bien pire par exemple en Inde ou dans le sud de Madagascar ; d’autre part, on vient de tuer 19 enfants aux Etats-Unis, tandis que chez nous, les jeunes ont un avenir incertain.

Pour parler de façon un peu prosaïque, notre humanité ressemble à un élevage de poulets sans ailes : le poulet sans ailes, il ne parvient pas à décoller ; il ne peut pas s’élever jusqu’au transcendant, le ras du sol lui suffit.  Il picore ce qu’il peut et son regard se porte seulement vers le bas ; sur ce qu’il y a sous ses pattes, et pas grand-chose souvent !

Et pour nous, est-il possible de regarder vers le haut, quand tout va mal en bas ? Pourtant, l’homme est un animal qui cherche du sens à sa vie.  Quel est le grand souhait de chacun, au fond ?  C’est de pouvoir s’évader de ce monde oppressant, de trouver enfin un peu de calme, la paix du coeur, pouvoir respirer un peu d’air pur, loin des soucis du monde… Mais cela n’est-il pas une utopie ?

Justement, le rôle de cette liturgie, c’est, à la suite de Jésus montant vers les hauteurs, de nous propulser vers l’infini. Prenons conscience que, pendant cette messe, nous avons enfin le ciel à portée de main.  Voici qu’à travers son Ascension, l’homme Jésus s’élève au-dessus de tout ; et que, en tant qu’homme parmi les hommes, il représente la flèche de l’humanité, la fine pointe de tout ce monde que l’on croyait perdu, mais que Jésus travaille à entraîner avec lui vers les réalités d’en haut. Jésus nous donne des ailes, gratuitement, pour entrer à sa suite dans l’infini de Dieu.

Certains de nos contemporains pensent que notre humanité va de plus en plus mal, que c’est un grand corps malade qui vit une sorte de descente aux enfers.  Mais ce serait laisser croire que la mission du Christ aurait totalement échoué.  Alors qu’il travaille de toutes ses forces afin de ne pas faire son ascension en solitaire, ni entrer seul dans la vie de Dieu ; mais il veut nous y entraîner avec lui.  D’ailleurs, est-ce de sa faute si l’humanité ne répond pas ?  Ou du moins, pas suffisamment ?

En tout cas, en esprit, en participant à cette messe,  nous avons déjà un pied dans le ciel : nous avons chanté ensemble « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ».  Et selon l’exemple des disciples qui nous était rappelé à la fin de l’évangile, nous sommes réunis en ce lieu saint pour bénir Dieu, et tout à l’heure, nous recevrons le pain qui nous est nécessaire afin d’avancer sur la route du ciel.

En sachant que l’Ascension du Christ, ce n’est pas un voyage vers un autre lieu, situé quelque part au-delà des galaxies. En son Ascension, Jésus monte, entre, dans l’omniprésence de Dieu, qui ne connaît pas de limites. Car l’Ascension, ce n’est pas un déplacement géographique, mais spirituel. C’est au fond de notre cœur que cela se passe, invisiblement. Ainsi par exemple, pendant cette messe, sans bouger de notre place, nous faisons, en esprit, notre ascension, notre montée, notre entrée dans le cœur de Dieu.

A travers la liturgie de ce jour, Jésus arrive ; il nous laisse sa Parole, il balaye nos peurs, il nous invite à retrouver le vrai sens de notre vie, la vraie direction ; il nous permet de nous tenir debout en ces temps difficiles.  Si bien que, désormais, si nous choisissons de le suivre, de nous laisser empoigner par Jésus, l’humanité ne peut plus être tirée vers l’arrière, elle ne peut plus reculer. D’où l’espérance qui anime les croyants.

Enfin, rappelons que, malgré ce que l’on peut croire, il n’y a pas de secret pour aller au ciel ; le chemin pour y parvenir n’a rien de caché ni de mystérieux ; on n’est pas dans Harry Potter ! Au ciel, tout le monde peut y parvenir, y compris ceux qui ne s’en sentent pas dignes. Il suffit de  prendre la main que Jésus nous tend, de lui parler en confiance et de l’écouter, ainsi que d’aimer et de servir nos frères, pend cette messe comme au cœur de nos vies.

Conclusion, à méditer : comme disait St Augustin : « Aujourd’hui, Jésus monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui !      Amen !  Alléluia !