18° dimanche - 1° août 2021 - parc « Stella Maris » de Jard-sur-Mer
Nous avons entendu, dans la 1° lecture, ce passage tiré du livre de l’Exode, je cite : « Il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » Ce qui, en hébreu, signifie : « Qu’est-ce que c’est ? » C’est cette question, « Mann hou ?», qui a fait que l’on a donné à cette nourriture tombée du ciel le nom de « manne ». Eh bien, cette question, « Mann hou ? », je crois que nous nous la posons de la même façon, par rapport à cette autre nourriture que nous offre le Seigneur : l’hostie, qu’est-ce que c’est ? Nous allons essayer d’y réfléchir à partir des 3 points suivants : 1 - pourquoi on communie avec une hostie, et pas avec du pain ordinaire ? 2 - dans l’hostie, est-ce que Jésus est présent pour de vrai ? 3 - Dieu dans une boîte de cirage...
1° point : pourquoi on communie avec une hostie, et pas avec du vrai pain ? Rappelons pour commencer que l’hostie, même si ce n’est pas évident, c’est bien du pain ; mais c’est ce que l’on appelle un pain azyme ; azyme, un mot barbare, qui vient du mot grec « a-zumos », avec le « a » privatif, ce qui signifie « sans levain ». C’est pourtant du vrai pain, car il est fabriqué avec des céréales ; mais il n’a pas gonflé, comme le pain auquel nous sommes habitués, car on n’a pas utilisé de levain. Il est donc constitué uniquement d’eau et de farine.
Mais pourquoi on utilise ce pain pour faire des hosties ? Cela se réfère à ce qui est écrit dans l’Exode, quand, à l’appel de Moïse, le peuple hébreu dut quitter l’Egypte en catastrophe, et fuir pour on ne savait où, et sans doute pour longtemps. Les Hébreux, avant s’en aller, n’ont donc pas eu le temps de faire lever leur pain, avec du levain. Ce qui fait que c’est un pain qui n’est pas très bon ; mais il a l’avantage qu’on peut le garder longtemps, ce qui est précieux si l’on doit faire de la route, comme ce fut le cas du peuple hébreu fuyant l’Egypte du pharaon oppresseur.
Dans le monde juif, parce que c’est un pain qui est moins bon, on dit que c’est « un pain de misère ». C’est vrai que, comme le disent les enfants lors des préparations à la 1° communion, une hostie, ça n’a pas grand goût ; ce n’est pas un sucre d’orge ! C’est un pain qui n’est pas agréable à manger, et qui n’est pas joyeux. Rien à voir avec la baguette croustillante que l’on aime croquer ! Mais si l’Eglise a tenu à garder ce pain, sous la forme des hosties, c’est parce que cela rappelle d’où nos pères dans la foi, les Hébreux, sont partis ; d’une situation pénible, lorsqu’il a fallu quitter en urgence l’Egypte, là où ils vivaient en esclaves.
Ce pain garde donc des traces du combat de la vie humaine, de cette marche vers la libération, vers la Terre promise, ce qui ne fut pas un combat facile. Voilà pourquoi, si nous mettons nos pas dans ceux des Hébreux, pour marcher nous aussi vers la Terre Promise, nous ne pouvons pas communier avec du bon pain frais : ce serait un non sens par rapport à ce qu’ont vécu nos pères dans la foi !
2° point : autre question, que posent souvent les enfants au caté : dans l’hostie, est-ce que Jésus est présent pour de vrai ? Nombre de catéchistes redoutent ce genre d’interrogation. Et Jésus lui-même semble avoir eu bien des difficultés à expliquer à ses disciples, ainsi qu’aux foules de Palestine, qu’il était le pain venu du ciel. Lui ? Le fils du charpentier de Nazareth ? Pensez donc ! Egalement, j’ai souvent entendu de bons chrétiens dire : « Je ne crois pas à la présence de Jésus dans un morceau de pain. »
Il faut entendre ces doutes ! Mais Jésus est-il dans le pain ? La formule est maladroite. En effet, si vous disséquez une hostie, vous n’y trouverez pas au milieu, comme si l’hostie était un sandwich, un morceau de la chair de Jésus. L’on oublie une chose en effet : c’est que le corps du Christ présent dans l’eucharistie, ce n’est pas son corps charnel, avec la chair et les os, mais son corps glorieux. Et ceci, au cours de la messe, grâce à l'action de l'Esprit, et à travers la prière du prêtre et de l'assemblée. Mais qu’est-ce que c’est qu’un corps glorieux ? C’est le corps du Christ ressuscité ; ce n’est plus un corps physique. On est dans un ordre nouveau, qui échappe à notre vue et à notre compréhension. Parce que ressuscité, Jésus échappe à toutes les dépendances physiques. Dans un tel cas, pour reprendre la formule de Saint-Exupéry : « L’essentiel est invisible pour nos yeux. »
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’à travers l’hostie, et là, on arrive au cœur de notre essai d’explication, Jésus est présent sous la forme d’une relation. On ne le touche pas, on ne le sent pas, on ne le perçoit pas avec nos sens ; et l’hostie, apparemment, c’est toujours du pain ! Mais, par l’intermédiaire, par le vecteur de l’hostie, Jésus ressuscité s’offre à nous, pleinement, totalement, réellement. Il entre en nous par le dedans. Prenons l’exemple de l’amour entre un homme et une femme ; cette réalité qu’est l’amour pénètre en l’un et en l’autre et va jusqu’au fond de l’âme. Cela ressemble à ce que Jésus vient faire en nous, par sa présence glorieuse à travers cette hostie que nous recevons. Et en cette hostie, nous voyons sa personne ; non grâce à nos yeux humains, mais par les seuls yeux de notre foi.
3° point : Dieu dans une boîte de cirage. Edmond Michelet, qui fut, après guerre, en tant qu'homme politique, l’un des pères de l’Europe, et qui vient d’être proposé à la béatification par le pape François, était le chef du mouvement de résistance, « Combat », dans le Limousin, ce qui lui avait valu d’être déporté au camp de concentration de Dachau. Dans cet enfer, il y avait aussi des prêtres, qui célébraient la messe, en cachette, avec des quignons de pain rassis. Edmond Michelet les contacta, et leur proposa de déposer des petites miettes de pain consacré dans des boîtes de cirage, pour ne pas éveiller l’attention des gardes-chiourmes, ceux que l’on appelait les kapos. Il mit en place, dans le camp, un véritable réseau eucharistique, comme cela fut appelé, afin que tous ceux qui désiraient la communion puissent la recevoir, et pouvoir ainsi se nourrir de la force du Ressuscité. Mais avec cet engagement : vivre de façon totale l’attention aux autres, surtout aux plus souffrants, dans un réel esprit de fraternité.
Pour la petite histoire, ce travail d’organisation lui avait été confié par ses compagnons de captivité, dont le général Delestraint, qui lui avait transmis cette mission par écrit sur une feuille de papier hygiénique !
Ceci pour dire
que Jésus, ce n’est pas simplement quelqu’un que l’on mange, ou que l’on adore,
si pieusement que ce soit. Impossible de
communier au Christ sans communier aux hommes en effet. Et ainsi que l’expliquait le pape Jean-Paul
II, « le signe de l’authenticité de notre participation à l’eucharistie,
c’est l’élan que la communion nous donne en vue d’un engagement effectif dans
l’édification d’une société plus équitable et plus fraternelle."
Un bel exemple de cette attitude était rappelé dans l'édito du journal "Ouest-France" de ce dimanche, à propos du Père Hamel, assassiné il y a 5 ans. Soeur Danielle, qui, dans l'église, fut témoin de la scène, raconte ceci : "Trois jours après le drame, une femme musulmane m'a apporté son pain, en signe de partage." Le pain, signe de partage, entre gens différents, quel beau symbole, si proche de ce que veut signifier le pain eucharistique !
Plongeons donc en profondeur dans la célébration de cette messe ;
car plus grande sera notre communion au corps du Christ dans l’eucharistie,
plus vraie sera notre communion à ce corps du Christ qu’est l’humanité, au cœur
de laquelle nous vivons notre foi. Et
là, le conseil de l’apôtre Paul dans la 2° lecture, adressée aux Ephésiens,
trouvera toute sa force : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé,
selon Dieu, dans la justice, la vérité et la sainteté ! Amen !
4 commentaires:
Ce que je retiens surtout c'est qu'à travers l'hostie, Jésus est présent sous la forme d'une relation. Jésus ressuscité s'offre à nous, réellement.
Il s'agit donc pour nous, de recevoir le pain de vie non pas pour être rassasiés, mais au contraire, pour augmenter notre amour et faim de Dieu. La cène que nous célébrons au moins tous les dimanches, nous rappelle, non seulement, que le Seigneur se donne en nourriture, mais aussi que cette démarche conduit à un engagement de notre part : celui de vivre la Parole, d'assumer une sincère cohérence dans notre existence.
Merci beaucoup pour les exemples cités et l'éclairage proposé dans ce partage d'homélie.
Bonne semaine !
Impossible de communier au Christ sans communier aux hommes.
L'importance de l'engagement pour une société plus humaine et plus fraternelle.
La route est longue !
MERCI
Merci à Claude Babarit, qui m'a fait parvenir le commentaire suivant, à propos de Robert Gaborit, prêtre, malheureusement décédé trop jeune, qui a travaillé un temps comme marin-pêcheur :
En commentaire à cette page récente de l'archedenoé, ces lignes de Robert Gaborit sur son carnet de bord
« Vendredi 18 aout 1978 - 1 h 30. Quelle nuit merveilleuse. Il fait une lune à tout casser. Nous sommes groupés, une quinzaine de bateaux, juste en dehors de la ligne des cargos. Toute la nuit il va passer des poids lourds menaçants par leurs tonnes de ferraille. La mer, ici, sent aussi mauvais qu’au bord de la côte. Il monte des relents de mazout, signes évidents de pollution marine, ce problème planétaire qui semble insoluble.
Ça y est, pour la première fois en mer, je viens de célébrer la messe. J’ai fait vivre le Christ sur la ligne des marins de tous bords. Depuis longtemps je le désirais. Cette nuit j’ai réuni les conditions. Il fait beau. Tout va bien à bord. Oh ! la cérémonie était plus simple qu’à St Pierre de Rome. Un peu de pain, même bien rassis, un verre de vin ont suffi. Comme on se sent proche des Catacombes ! Les tout premiers chrétiens se réunissaient sans doute ainsi pour célébrer, dans la ferveur de leur foi toute neuve, les mystères sacrés.
Je note aussi la citation du pape Jean-Paul II dans le 3ème point.
Enregistrer un commentaire