Homélie du 27 juin 2021 à Bourgenay (13° dimanche du temps ordinaire)
Sur les 3 lectures que nous venons d’entendre, deux de ces textes bibliques nous parlent de la mort. Dans les homélies du dimanche, il est très rare que ce thème soit abordé. Il en est question seulement lors des cérémonies de sépulture. Et pourtant ! Qui d’entre nous, et pas seulement les personnes âgées, pourrait dire que, pour lui, la mort n’est rien ? Cependant, il paraît que 71% des Français refusent de penser à la mort, car cela pourrait leur gâcher la vie…
La mort, il est vrai que, tant qu’elle sévit au loin, et reste donc un peu abstraite, elle ne nous dérange pas beaucoup : 159 morts, suite à l’écroulement d’un immeuble il y a trois jours aux USA, des milliers de migrants qui se noient dans la Méditerranée, ce sont des infos ; c’est triste, mais que voulez-vous qu’on y fasse ? A la rigueur, rajouter cela aux intentions de la prière universelle tout à l’heure…
Par contre, quand la grande faucheuse arrive dans notre famille ou parmi le cercle de nos proches, il n’en est plus ainsi. Alors, qui dira la douleur provoquée par la mort d’un enfant ? Comme cette fille de Jaïre, dont l’évangile nous dit qu’elle est, je cite, « si jeune, et déjà à la dernière extrémité ». Nous ressentons également de l’effroi quand une maman est terrassée par une maladie implacable, laissant derrière elle d’autres enfants et un mari éploré. Toutes nos familles ont vécu de tels drames, n’est-ce pas ?
Montaigne disait : « La mort, on s’en signe comme du nom du diable. » Tiens, cette phrase rejoint un passage entendu dans la 1° lecture : « C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde. » Qui dit « mort » en effet dit destruction, séparation, élimination ; ou encore, échec, tristesse, accablement, désolation. Tout cela, ce sont des noms du diable en effet : le diable destructeur, le diable tueur d’espérance par excellence ; ainsi que le définissait Jacques Brel dans sa célèbre chanson intitulée : « Le diable, ça va… » « Ca fait rire les mauvaises gens, ça va… » La mort, donc, c’est le diable ! Et le diable, c’est la mort !
D‘autre part, avez-vous repéré la 1° phrase de la 1° lecture ? Je la rappelle : « Dieu n’a pas fait la mort. » Mais alors, d’où vient celle-ci ? Eh bien, l’on peut dire que la mort est entrée dans le monde quand l’homme a commencé à se couper de son Créateur, et à détruire la vie, et cela dès les origines, dès le début de l’histoire de l’humanité ; rappelons-nous l’épisode de Caïn tuant son frère Abel, ce crime commis sous l’influence néfaste de l’esprit du mal. Le Créateur aurait-il fait une erreur, en créant l’homme doué de liberté, libre de faire le bien, qui ouvre à la vie, mais aussi le mal, qui conduit à la mort ?
Heureusement, l’auteur du Livre de la Sagesse nous console un peu lorsqu’il nous explique, quelques lignes plus loin : « La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre ; et on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. » Ce qui signifie que, pour un croyant, contrairement à ce qu’affirmait le philosophe Hégel, la mort n’est pas « un maître absolu », et aucun poison, aucun mal ne peut tuer quelqu’un à jamais. Un jour, nous allons mourir, c’est vrai ; mais, pour les croyants, la mort n’est pas le dernier mot de la Vie, avec un grand V », de notre vie.
Cela, notre société a de la peine à le comprendre. Il n’est pas inintéressant de rappeler que, face à l’énigme de la mort, de grands philosophes, tels que Freud, Marx, Nietzsche, Sartre, Comte-Sponville et autres, sont restés totalement muets, incapables de penser la mort, impuissants, malgré leur intelligence et leur science, à proposer un éclairage et une explication par rapport à une telle question. Pour eux, la mort, c’est une impasse, et comme un immense trou noir, dans lequel l’homme disparaît à tout jamais, comme s’il n’avait jamais existé. La suffisance intellectuelle, l’orgueil humain, en prend d’ailleurs là un sacré coup !
La société, la philosophie, pourtant dite « des lumières », n’a donc pas de réponse satisfaisante à donner sur ce qui se passe après la mort. C’est tabou ! Si ce n’est de proposer des films un peu farfelus, où il est question de morts vivants, d’anges munis de plumes qui apparaissent on ne sait comment, et de communication avec l’au-delà en faisant tourner des tables. On nage alors dans le paranormal, l’irrationnel et la superstition ! Avec, pour seule référence, des scénarios genre Harry Potter, de style un peu enfantin.
Finalement, sur la vie après la mort, on ne trouve nulle part de réponse qui tienne la route, sauf du côté de la religion. Seule la religion en effet est en mesure de dire que la mort n’est pas un échec ou une fin, mais un seuil ; le moment d’un passage, d’une pâque, d’un saut dans l’inconnu de Dieu, d’un « retour vers la maison du Père », comme disait Jean-Paul II, vers le Dieu qui nous a créés.
Le grand dramaturge roumain Eugène Ionesco disait d’ailleurs : « Si l’homme est créé à l’image de Dieu, l’homme ne mourra pas à jamais. Car Dieu ne peut laisser s’éteindre son image. » Très belle réflexion également d’un sage de religion hindouiste disant : « Si tu crois que l’homme peut disparaître à jamais, c’est que tu ne crois pas en l’homme. » Et il y aussi nombre de philosophes qui sont de grands croyants, à l'exemple de Pascal, Bergson, Kierkegaard, ou aujourd'hui chez nous Denis Moreau, etc.
Seule la religion, donc, refuse de s’agenouiller devant la mort, de s’incliner devant la mort. En tout cas, s’il est un cadeau, un apport que la religion peut offrir à l’humanité, c’est bien de lui révéler que le destin de chaque humain n’est pas de pourrir au fond d’un trou comme un tas de cendres ou de feuilles mortes, mais de refleurir auprès d’un Père, avec nos frères et sœurs de la terre, dans une lumière qui ne finit pas.
Je termine avec l’exemple de cette guérison de la fille de Jaïre. Qu’est-ce que Jésus veut nous faire comprendre en sauvant cette jeune fille de la mort ? Cette fille, c’est l’image de nos morts, c’est l’image de l’humanité. En la préservant de la mort, Jésus veut nous faire comprendre qu’il veut nous préserver, nous aussi, de ce mal infâme. Et durant cette messe, c’est chacun de nous, ce sont nos morts, pour lesquels nous prierons au moment du mémento des défunts, c’est le monde entier en souffrance qu’en ce moment, Jésus prend par la main, pour nous metre à l’abri de la mort éternelle.
Quant au père de cette jeune fille, Jaïre, chef religieux juif, il représente l’Eglise qui, voyant l’humanité touchée de partout par la mort, supplie Jésus, comme nous le faisons en ce moment, de la guérir et de l’aider à se relever.
La mort, c’est une limite en effet ; c’est un drame, une souffrance, qui nous angoisse et nous fait peur. Mais ce n’est pas un échec, si douloureux soit ce passage. En effet, comme le dit Sr Emmanuelle : « Lorsque l’on meurt, on tombe comme un enfant, dans les bras de son Père. »
En conclusion, comment tenir debout, face à la grande faucheuse, qui peut surgir à tout instant ? En nous habituant, avec constance, à entendre Jésus nous dire, tout au long des jours : «Jeune fille, ou aussi toi, qui que tu sois, personne âgée, enfant ou autre, je te le dis, lève-toi ; ne crains pas la mort, crois seulement ! » Et tu vivras éternellement.
2 commentaires:
" Ne crains pas la mort, crois seulement" dit Jésus
Comment entendre cette simple invitation quand nous sommes dans une situation désespérée ? Une maladie grave, la mort d'un proche, nous empêchent souvent d'aller au-delà de nos situations car nous sommes sur la terre, faibles et fragiles.
Parfois nous sommes du côté des angoissés, d'autres fois du côté des porteurs d'espérance.
Après le témoignage de foi de Jaïre, il nous reste peut-être ce mot de Jésus qui peut nourrir chacune de nos vies :" N'aie pas peur, crois seulement ! "
Merci pour ce partage d'homélie pleine d'Espérance.
Jésus rencontre la foi, l'espérance d'un père.
" Ma fille est à la dernière extrémité, viens lui imposer les mains pour qu'elle soit sauvée et qu'elle vive !"
Quel beau signe que de se tourner vers Jésus !
"ne crains pas, crois seulement !"
Osons-nous y croire ?
Enregistrer un commentaire