Homélie de ce 5° dimanche de Pâques en l'église de Jard-sur-Mer.
Vous savez sans doute que la participation à la messe dominicale, en France, a baissé d'environ un tiers, lorsque les messes ont pu reprendre dans les églises, à la fin du premier confinement. Parmi les personnes qui ne sont pas revenues, pour beaucoup, il y avait la crainte d'attraper le virus. Tandis que d'autres ont trouvé que les messes à la télé n'étaient pas si mal ; et parfois même, plus agréables et aussi priantes que celles qu'ils vivaient dans leurs églises paroissiales.
C'est peut-être vrai. Cependant, quand nous faisons un skype en famille, avec mes frères et soeurs, chaque fois nous nous redisons que c'est déjà pas mal de se retrouver ainsi : faute de mieux, et pas besoin de se déplacer. Mais quand même, il nous semble toujours regrettable de ne pouvoir nous retrouver en chair et en os, pour vivre une vraie rencontre, et ne plus nous contenter d'apéros virtuels !
De la même façon, faire le choix de participer à la messe dans sa paroisse, c'est sortir de soi, c'est faire une démarche vers nos frères et soeurs baptisés, pour, avec eux, nous tourner, ensemble, vers Dieu. En le chantant ensemble, en nous reconnaissant pécheurs ensemble, en écoutant sa Parole ensemble, et en faisant procession ensemble pour recevoir le Pain de vie ; au lieu de nous contenter de suivre par exemple le rite de la communion sur un écran, assis au fond du divan dans notre salon.
Mais si vous êtes là en ce jour, c'est que tout cela, vous l'avez bien compris ; et qu'il est mieux sans doute de laisser la messe à la télé aux personnes particulières pour lesquelles elle est prévue en priorité ; à savoir, celles et ceux qui ne peuvent se déplacer, parce que âgés, ayant de la peine à se déplacer, se trouvant en Ehpad, à l'hôpital, malades, ou en prison. Ou aussi parfois, lors de circonstances particulières, familiales ou autres, qui nous empêchent, ponctuellement, de rejoindre la communauté paroissiale.
L'un des obstacles, c'est que nous vivons dans une société individualiste, dans laquelle, maintenant, sauvegarder son indépendance, faire ce qui me plaît à moi, y compris au plan de la pratique religieuse, semble être la valeur suprême. Si je viens à l'église, je constate qu'il y a des choses qui me gênent, des personnes que ne n'apprécie pas ou des façons de faire avec lesquelles je ne me sens pas à l'aise. Donc, par la suite, je décide de rester chez moi. J'ai même entendu des personnes, rares, heureusement, me dire : "je prie mieux chez moi, devant la messe à la télé, qu'à l'église !" Qu'en pensez-vous ? Vous ne trouvez pas ça triste ?
Avec le risque en effet que le sarment qui se détache du cep de vigne ne puisse plus porter de bons fruits, mais seulement de petites grappes fluettes, n'arrivant pas à mûrir, car mal irriguées, et finissant par se dessécher. L'image d'un sarment rattaché tout seul au cep de vigne, coupé des autres sarments, qu'est-ce que cela peut bien produire de bon ? Il n'est pas facile, il n'est pas naturel, il n'est pas sain de vouloir être croyant tout seul.
Comme c'est aujourd'hui, 1° mai, la fête des Travailleurs, permettez-moi de prendre un exemple dans ce milieu. Le fondateur de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), l'abbé Joseph Cardjin, devenu par la suite cardinal, répétait sans cesse à ses jeunes militants jocistes : "Un jeune travailleur isolé est un jeune travailleur perdu". De la même façon, un croyant isolé est un croyant en danger !
Bien sûr, il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur les paroissiens, et nous en connaissons, qui ne s'y retrouvent pas dans nos célébrations et n'y viennent plus. Cela doit même nous interroger ! Tout en nous rappelant qu'une famille qui ne se retrouverait plus que par skype ou écran interposé, mériterait-elle encore le beau nom de famille ? Eh bien, il en est de même de la famille Eglise.
Ici, dans cette église, les uns près des autres, nous formons un seul et même corps. Je vous invite à imaginer notre assemblée comme formant une vigne immense, dans laquelle tous les sarments que nous sommes sont accrochés au cep, le Christ ; et cela, tout en étant solidement reliés les uns aux autres, bien au-delà de tout ce qui, humainement, pourrait nous distinguer : le lieu de naissance, l'âge, les goûts, les choix politiques, etc.
Et qu'est-ce que nous constatons ? Des sarments ont préparé l'église, un sarment nous a accueilli à l'entrée, d'autres sarments animent les chants, les lectures, les services divers, un sarment célèbre en notre nom à l'autel, d'autres nous partageront la communion... J'ai des sarments devant moi, derrière moi, partout ici. C'est tout cela qui constitue la vigne du Seigneur, une vigne qui n'a rien de virtuel !
Face à cela, rien, pas même le prédicateur le plus réputé lors de la messe à la télé, ni l'écran le plus performant, ne pourra remplacer le regard fraternel que nous échangeons, au moment si symbolique du geste de paix !
En venant à l'eucharistie, nous prenons un peu de ce temps qui nous est si précieux pour nous rebrancher sur le cep, et nous laisser irriguer par la sève du Christ. C'est à cette condition seulement que nous allons pouvoir porter du fruit, affronter positivement les difficultés de la vie.
Un exemple en terminant : sur l'une des paroisses du doyenné, un jeune couple vient d'avoir un premier enfant ; mais celui-ci est né avec un grave handicap, et si l'on veut qu'il survive, il va falloir lui faire sans tarder, déjà, une opération du coeur. De quoi, pour ces jeunes parents, sombrer dans la tristesse, se révolter contre Dieu.
Cependant, ils ne se sont pas laissés enfermer dans la peur ; ils ont une confiance totale au Seigneur, quoi qu'il arrive. D'où cette force leur vient-elle ? Très fidèles à l'eucharistie dominicale, à la prière au sein de leur couple, cela n'a pas supprimé leur angoisse ; mais on sent que la sève du Christ circule en eux, et ils ont de la lumière dans les yeux. Tous autour d'eux sont impressionnés par leur courage ; c'est sans doute cela, porter du fruit !
Il peut en être de même, pour chacun des sarments que nous formons ! Qu'il en soit ainsi ! Amen !
2 commentaires:
Bonsoir Mr l'abbé,
Votre analyse sur la baisse de fréquentation dans les églises lors des offices est fondée sur une certaine évidence. Les raisons comme vous le dites sont multiples, mais la principale est sans aucun doute le virus. Il est vrai que par conséquence,la messe télévisée à gagné des voix...mais j'ai l'impression Que tout doucement la tendance s'inverse, probablement parce que plus il y a de personnes vaccinées, plus la confiance revient. Bien sûr il y a de nouveaux adeptes de la "messe salon" decouverte pendant la pandémie, mais ils se lasseront j'espère ! Mais la messe télévisée à son utilité et son mérite est de s'adresser aux personnes que vous citez. Pour terminer je ferai un commentaire sur ce que dit la personne que vous citez, je trouve que l'on prie plus intensément chez soi que lors d'un office, car il y a absence de bruits divers qui deconcentrent, mais c'est un avis personnel..ceci dit pour conclure,je reviens progressivement aux offices en église.
"Nous sommes le Corps du Christ.
Chacun de nous est un membre de ce Corps." tel était le chant d'entrée à la messe de ce dimanche. Il est facile de faire le lien avec le partage d'évangile qui nous est commenté.
Comme d'autres chrétiens, je suis heureuse de pouvoir participer à la messe du dimanche au milieu d'une assemblée qui se veut priante et fraternelle bien qu'imparfaite, nous le savons ! La vigne véritable c'est bien Jésus, c'est aussi son Eglise qu'on appelle peuple de Dieu, Corps du Christ, temple de l'Esprit.
Cette union avec le Christ se fait en gardant sa Parole. Elle a commencé le jour de notre baptême, elle se renforce par les autres sacrements et la prière.
Mais, c'est ENSEMBLE qu'il nous faut la vivre ! Merci d'avoir posé la question dans le titre de ce billet.
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