Le mercredi des Cendres, le 17 février, je vous proposais cinq pistes, parmi d'autres bien sûr, pour vivre à fond le Carême : la Joie, la Prière, le Partage, l'Espérance et la Confiance.
Pour qu'il y ait un certain suivi, un vrai soutien, je reprendrai une à une, au cours de ce Carême, chacune de ces propositions. Ceci pour nous aider à voir où nous en sommes et à progresser utilement, en invitant chacun à la responsabilité et pour éviter que l'on avance à l'aveugle, en papillonnant.
Aujourd'hui, la Prière ; ou plutôt, la difficulté de prier, telle que la grande poétesse Marie Noël l'a exprimé dans ses "Notes intimes" (1959) : un véritable "texte de feu", a-t-on dit, une "non-prière". Je connais un prêtres, passionné par les poèmes et prières de Marie Noël, qui récite chaque jour la prière ci-dessous !
Pour info, Marie Noël (1883-1967) a reçu, entre autres titres, celui de "grand prix de poésie de l'Académie Française" en 1962. Elle fut très proches de grands intellectuels de son époque, tels Henry de Montherlant, François Mauriac, Colette, Jean Cocteau...
Son procès en béatification a été ouvert en 2017.
Voici un extrait de cette "non-prière", intitulée : "La communion pauvre" :
"Mon Dieu, je ne Vous aime pas, je ne le désire même pas, je m'ennuie avec Vous.
Peut-être même que je ne crois pas en Vous.
Mais regardez-moi en passant.
Abritez-Vous un moment dans mon âme, mettez-la en ordre d'un souffle, sans en avoir l'air, sans rien me dire.
Si Vous avez envie que je Vous aime, apportez-moi l'amour.
Moi, je n'en ai pas et je n'y peux rien.
Je Vous donne ce que j'ai : ma faiblesse, ma douleur.
Et cette tendresse qui me tourmente et que Vous voyez bien...
Et ce désespoir... Et cette honte affolée...
Mon mal, rien que mon mal... C'est tout !
Et mon espérance !
Je suis là, être infirme et misérable.
Je suis là, dans un trou, dans la nuit.
Je suis là, au bord extrême du néant.
Mais dans ce nulle part où je gis, je demeure en sentinelle, envers et malgré tout.
Au plus loin de Dieu, à l'évidence.
Au plus près de Dieu, mystérieusement.
Entre douleur, mortel ennui et espérance.
Veille vivace."
Que fait naître en nous une telle prière ?
_________________
Pour soutenir notre méditation, le chant "Abide with me" ("Demeure avec moi")... :
St. Olaf Cantorei and Congregation - "Abide With Me" (EVENTIDE)
4 commentaires:
Ce texte est apparemment, bien triste ! En cette période, il nous rejoint parfaitement dans nos déserts de solitude !...
Et pourtant, il crie l'espérance ! ( 3 fois ce mot, comme un refrain).
J'aime le passage suivant, très imagé :" Regardez-moi en passant. Abritez-vous un moment dans mon âme, mettez-la en ordre d'un souffle, sans en avoir l'air, sans rien me dire. Si vous avez envie que je vous aime, apportez-moi l'amour!"
Marie Noël s'expose dans toute sa pauvreté : faiblesse, douleur,désespoir, honte. "Mon mal, rien que mon mal... C'est tout! Et mon espérance". Quel abandon !
Ce texte me rappelle un refrain chanté par le MEJ : texte St Ignace, musique Cl. Châtaignier. "Donne-moi seulement de t'aimer !" (sur internet)
Je trouve cette prière-non prière pleine de vérités, pleine d'amour et de reconnaissance envers ce Dieu en qui Marie Noël (dont le nom et le prénom ne sont pas anodins non plus !) dit ne pas croire mais à qui elle adresse tout de même ses requêtes parce que probablement l'on peut imaginer qu'elle connaît Son Amour, l'Amour de Dieu.
Ce Dieu en qui elle ne croit peut être pas toujours mais qu'elle accepte bien volontiers dans sa vie jusqu'à lui dédier ou lui crier ce poème !
Si les pistes d'exploration que tu nous proposes pendant le Carême, Olivier, sont la Joie, la Prière, le Partage, l'Esperance et la Confiance, je trouve que tout y est bien présent dans ce poème que tu nous fais découvrir.
La Joie pour l'auteure, en s'adressant au Seigneur, de ne pas se sentir seule dans cette nuit et dans cette vie qu'elle décrit.
La Prière car ce poème est une véritable prière.
Le Partage de ces pensées, de ces états d'âmes, de ces doutes, interrogations et tourments offerts tout au long du poème, à la fois offerts à Dieu mais aussi avec beaucoup d'humilité au lecteur qui peut peut être se retrouver en certains passages.
L'Espérance qui, comme souligné dans le commentaire précédent, est mentionné et répété plusieurs fois, comme un refrain.
La Confiance aussi que place Marie Noël en Dieu pour malgré tout lui confier tout ce dont il est question dans son poème.
Ce que tout cela fait naître en moi, c'est qu'il n'y a pas de façon parfaite ou imparfaite de s'adresser à Dieu, qu'il n'y a pas non plus de façon parfaite, idéale ou maladroite de croire en Dieu, en son Amour, en sa Bienveillance, en son Existence même et en sa Présence.
Il n'y a pas de bons croyants ou de mauvais croyants.
Il n'y a peut être pas non plus de croyants et/ou de non croyants, parce que simplement, lorsqu'il est question de Dieu, de parler de Dieu, de s'interroger à Son sujet, Sa présence et Son Amour s'imposent d'eux-mêmes.
Que l'on parle de Dieu en y croyant ou pas, j'imagine que Dieu est toujours content, reconnaissant et heureux de cela et que chacun d'entre nous en récoltera de bons fruits... Même si nous ne sommes pas tous toujours d'accord sur la façon d'en parler ou de l'honorer, l'on imagine facilement que Dieu , Lui, aime tous ses Enfants, avec leurs idées, leurs points de vue, leurs spécificités, leurs ressemblances et leurs différences.
Si certains d'entre nous se "trompent" et ne sont pas dans la Vérité, s'ils sont justes, droits et respectueux avec eux-mêmes et avec les autres, alors ils seront toujours pardonnés par Dieu ! À vrai dire, probablement le sont-ils déjà, pardonnés et aimés par Dieu, mais peut être simplement qu'ils ne le savent pas !
Alors à ces notions de Joie, de Prière, de Partage, d'Espérance et de Confiance, est-ce que l'on ne pourrait pas ajouter aussi, pour accompagner cette période de Carême, la notion de Dialogue, d'Echange et/ou de Discussion.
Car c'est aussi par la Parole et par le Verbe que l'Histoire de Jésus nous a été offerte et qu'elle continue de nous être transmise aujourd'hui...
Merci, Olivier, pour ce beau partage qui prête en effet à méditer et à s'interroger peut être sous un regard nouveau...
Du temps est nécessaire pour réagir à un texte si fort ! Marie-Noëlle y exprime, ose y exprimer ce qui se passe dans la tête (il me semble) de toute personne croyante.
Cet absolu sentiment de solitude, de non-sens même. « Peut-être même que je ne crois pas en Vous ». Ce texte me touche profondément. Elle se montre dans son dénuement spirituel… « au bord extrême du néant ». Je rapproche ces mots du : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » du Golgotha.
Et puis, il y a ce « MAIS »… et ces mots qui se rapprochent si bien dans leur contradiction :
« Au plus loin de Dieu, à l’évidence.
Au plus près de Dieu, mystérieusement ».
Ce matin, la mort d’un ami me fait vivre ces mots encore plus fort. Il est mort … au plus loin de nous, à l’évidence. Au plus près de nous, mystérieusement.
Mystère de la mort, mystère de la Vie.
Mystère de l’Amour, mystère de Dieu.
Mais une conviction plus forte que tout : je crois.
« Je demeure en sentinelle, envers et malgré tout ».
Bonjour Olivier
" Mon Dieu, je ne vous aime pas ."(Poétesse Marie Noël )
Que fait naître en nous cette prière .?
C'est une grande dame que tu nous fais
découvrir . J'ai trouvé sur internet toute sa vie
décrite . C'est une clef pour la vie, magnifique .C'est vrai elle écrit des choses tristes .
Elle met en poésies la tristesse et les malheurs de la vie de tous .
Parle avec une voie douce en chantonnant.
Elle écrit, joue du piano, et chante .
Marie Noël est très joyeuse .
Moi Je trouve qu' elle nous rapproche
* Du monde des anges.*
Les phrases de la prière sont à choisir pour les différentes étapes de notre vie.
Enregistrer un commentaire