Sur une initiative du pape François, le 3° dimanche de janvier est désormais le dimanche de la Parole de Dieu. Occasion pour moi d'évoquer un souvenir qui m'a marqué. Durant les années 70-80, j'ai participé à plusieurs rencontres panafricaines de la JOC, dans divers pays africains. Chaque fois, c'était une suite d'aventures épiques. Cette année-là, nous avions quitté Bamako pour rejoindre Abidjan avec l'unique appareil de la compagnie "Air Mali" (Air peut-être !). J'accompagnais les deux présidents de la JOC (Jeunesse Ouvrière Croyante) du Mali : Zakarya, président musulman et Elisabeth, présidente catholique. Nous avions été rejoints par deux militants ivoiriens et deux alors de la Haute Volta. Je passe sur les problèmes, à Lagos, où nous avons dû poireauter deux jours en attente, occasion de "visiter" un peu cette mégapole démesurée. Puis, en compagnie des jocistes du Nigeria et autres, nous voici enfin arrivés, avec la Panam, à Nairobi, au Kenya, où devait se tenir notre rencontre.
Et tous les passagers de se ruer vers les tapis roulants pour y récupérer les valises. Une heure, deux heures, toujours rien à l'horizon, et impossible d'obtenir le moindre renseignement. Protester ? Mais des policiers, matraques en main, étaient là pour nous en dissuader ! Mais en Afrique, on est habitué à attendre, placidement, dans la crainte aussi, comme des gens bien élevés ; sans trop parler, sinon entre nous, le groupe des jocistes, pas avares en guise de blagues ou de réflexions un peu déjantées.
Puis, au bout de plus de trois heures, miracle : le tapis roulant, un peu bringuebalant, commence un peu à s'étirer. Au bout de quelques minutes, il prend sa vitesse de croisière, et chacun de respirer : enfin ! Mais, toujours rien à l'horizon. Ce qui n'empêche pas le tapis de poursuivre imperturbablement son sinueux parcours. Au bout de trois quarts d'heure - une heure, tiens, voici qu'une chose apparaît, à la sortie du "tunnel". Mais, de quoi s'agit-il ? En tout cas, ce n'est pas une valise. Vu de loin, un gros paquet sombre. On dirait un gros bouquin, genre dictionnaire. Les uns et les autres s'approchent, mais se désintéressent vite : c'est nos valises que l'on attend... Pas ça !
L'un des passagers attrape alors le "dictionnaire" et le retourne, mais il est déjà hors de sa portée. Un autre un peu plus loin s'écrie : "The Holy Bible, the Holy Bible..." (la Sainte Bible) Tous alors de prêter attention, pour regarder cette très grosse Bible de plus près. Un peu du genre de celle sur laquelle le Président Jo Biden a prêté serment. Mais d'où sortait-elle ? Et que faisait-elle là ? Apparemment, rien à voir avec notre chargement, car aucun des passagers ne l'a récupérée. Elle a alors continué à tourner, impavidement, sous notre nez, pendant une bonne demi-heure.
Le miracle alors s'est produit : les passagers, un peu fermés jusqu'ici, de se mettre à échanger autour de ce qui était en train de se passer. Pas surprenant : la Bible a une grande importance en Afrique. Cette Bible, perdue, oubliée, non réclamée, en cet endroit improbable : quel symbole en effet. Mais quel message cela voulait-il nous transmettre ? En tout cas, elle était accueillie, respectée, observée, questionnée...
Au bout d'un moment, tandis qu'elle passait devant lui, l'un des jocistes l'ouvrit, et il était fier de son geste. On avait l'impression qu'ainsi ouverte, la Parole de Dieu s'offrait à nous totalement, dans sa présence mystérieuse comme dans son dénuement. Les passagers en oubliaient leurs valises, tandis que tous échangeaient à présent comme s'ils se connaissaient depuis toujours ; avec force éclats de rire et expressions de joie ! La Parole de Dieu était en train de faire un seul peuple de nous tous, pourtant d'origine, de milieux, de nations et de continents différents : elle s'offrait à tous, de la même façon ! Et dire qu'au début, tandis qu'elle passait au milieu de nous, on ne la reconnaissait pas !
Et pendant ce temps, Dieu était en train de nous dire quoi ? En plein coeur de ce continent de l'ombre et de la mort. Oh, bien sûr, cette Bible ne se présentait pas sur un ambon, dans une église ou un temple, sur un beau voile en dentelles. Et pourtant, on en a souvent reparlé par la suite avec les jocistes, et même les musulmans étaient impressionnés, on avait l'impression que, dans cet immense aéroport, il se passait quelque chose de sacré !
"Elle est tout près de toi, cette Parole" (Deutéronome 30/14).... Puis, les valises sont arrivées... La célébration était achevée ! Dieu-avec-nous s'était révélé !
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Je vous invite à venir faire un tour au Congo Brazza, pour chanter, danser et prier avec la chorale de la sainte Famille :
1 commentaires:
Merci Olivier, pour le partage de cette manifestation de Dieu au travers de cette Bible que l'on peut imaginer soit oubliée, perdue ou égarée, ou bien au contraire parfaitement bien située, placée et offerte à vous toutes et tous, présents ce jour-là,comme un cadeau d'accueil et de "pacification", le genre de cadeau qui apporte la Joie, qui conduit aux échanges, et aux éclats de rire... un cadeau qui aide, finalement aussi, bien au-delà de la dimension sacrée qu'il porte et transporte, qu'il véhicule aussi, à rendre plus agréable et plus juste, plus vrai aussi peut-être, ce temps d'attente interminable où peut-être, ne voyant pas ses valises arriver, l'on pourrait facilement croire que quelque chose s'est "mal passé" ou que l'on a été "oublié", mal "accompagné" voire mal "soigné".
Mais nous sommes toujours si bien accompagnés et choyés, dans la Joie, la bonne humeur, dans le respect et la Paix !
Quel chouette moment vous avez vécu ce jour-là !
Merci pour ce partage, Olivier !
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