Il est des Pères de l'Eglise dont c'est un régal de relire l'histoire et de s'inspirer de leurs façons de faire ! Par exemple, saint Césaire, évêque d'Arles au 6° siècle, qui aimait demander, à l'impromptu, à ses prêtres : "Qu'avez-vous mangé aujourd'hui ?" Vous vous en doutez, il ne s'agissait pas de la soupe provençale à l'aïoli, dégustée le midi ou le soir, mais des textes de la Parole de Dieu que les prêtres de son diocèse avaient pu déjà goûter, ou qu'ils comptaient savourer durant le reste de leur journée.
C'était de la méditation "goûteuse" de la Parole de Dieu dont il voulait parler. Avec une façon originale, ingénieuse, pour lui, d'interpeller ses prêtres, mais aussi, ses diocésains, sur ce qui était, ou devrait être pour eux, la nourriture essentielle, primordiale, pour pouvoir nourrir non seulement leur estomac, mais surtout, leur âme ; ceci, afin qu'ils puissent vivre pleinement, dans et pour l'Eternité dès à présent.
Longtemps il est vrai, dans l'Eglise, et un peu trop aujourd'hui encore, il y a eu comme une éclipse, une sorte de mise en exil de l'Ecriture, hors de la vie chrétienne comme bien loin de l'existence quotidienne des baptisés. Depuis le 6° siècle, avons-nous beaucoup avancé ? Quelle surprise, en tout cas, de constater que, lors de ce confinement, sans la messe, un certain nombre de catholiques se sont sentis totalement sous-alimentés. Je revois encore à la télé ces personnes criant devant les caméras, de façon presque impudique : "On a faim !" Faim de l'eucharistie, bien sûr ! Mais est-ce bien de cette nourriture qui fait de nous un autre Christ, lavant les pieds des plus pauvres, des migrants, des affamés de bonheur ?... Ou faim seulement de l'hostie : consolation pieuse de notre âme personnelle ???
Là, je crois qu'il faut être sérieux ! En face de telles réactions, il me semble qu'il y a un sacré examen de conscience à faire au sein du monde catholique : évêques et prêtres, comme nous l'a fait comprendre le cardinal Grech (voir billets des 19 et 20 novembre), nous n'avons pas su donner à manger, à savourer, à déguster, à aimer comme il le fallait la Parole de Dieu, à nos paroissiens ou diocésains.
Je vous cite ce que vient d'écrire Louis-Marie Chauvet, prêtre, théologien assez renommé, originaire de Chavagnes-en-Paillers, dans le journal "La Croix" d'avant-hier vendredi : "Depuis toujours, l'Eglise affirme que la nourriture spirituelle est à prendre aussi bien sur la table de la Parole que sur celle de l'Eucharistie. Le Concile Vatican II a rappelé ceci : "Si on ne se nourrit pas d'abord de la Parole de Dieu, alors, l'Eucharistie perd son sens."
Ah tiens ! Cela explique bien les raisons de la panique des catholiques réclamant à corps et à cris le retour de la messe, alors que, en temps limité de confinement, la Parole de Dieu était à même de les nourrir pleinement. Mais ils ne le savaient pas, ou ne l'avaient pas compris... Par contre, Dieu merci, j'ai su que nombre de paroissiens ont su se donner, eux, et sans faire de bruit inutilement, le temps et le désir de lire et méditer chaque jour cette Parole, à l'aide tout simplement de leur petit "Prions en Eglise" par exemple, ou aussi, de la revue mensuelle "Magnificat", avec la lumière de l'Esprit-Saint.
Je redonne la parole à Louis-Marie Chauvet : "Il faut rappeler aussi la présence réelle du Christ dans l'Autre, notamment dans le pauvre. "Commence par honorer le corps du Christ dans la rue, là où il est nu", disait saint Jean Chrysostome dans ses homélies. La finalité de l'Eucharistie, ajoute L-M Chauvet, c'est la relation à autrui, le corps ecclésial du Christ."
A propos, cela aurait été pas mal si ces catholiques qui ont réclamé le retour de la messe auprès du Conseil d'Etat, une fois obtenu ce qu'ils désiraient, continuent leur action auprès de ce même Conseil d'Etat, en solidarité généreuse avec des professions comme celles des restaurateurs ou des commerçants dans les stations de ski... Là où le Verbe s'est fait chair, là où peine et souffre le corps du Christ. Mais là justement, plus rien ! Du moment que MOI, j'ai eu ce que j'attendais...
Pour un certain nombre de catholiques, la présence réelle du Christ serait-elle moins évidente dans la Parole de Dieu, et encore moins dans le malheureux qui souffre près de nous, que dans dans l'hostie ? Si saint Césaire d'Arles revenait parmi nous, que nous poserait-il comme questions ?
2 commentaires:
Merci beaucoup, Olivier, pour ce billet très intéressant qui nous conduit à réfléchir sur la façon dont nous vivons notre relation au Seigneur et à ses paroles.
D'après ce que j'ai pu lire ici et là, Saint Césaire d'Arles, en son temps, a rendu plus accessible la théologie et l'accès à la religion chrétienne en "vulgarisant" un peu le langage pour qu'il soit mieux perçu, reçu et transmis aux peuples par le biais des autres prêtres qu'il tenait informés de sa façon d'offrir les paroles du Christ.
Cette relation à autrui et "à Jésus en autrui", est certainement une base sur laquelle il est important de s'interroger et peut-être même aussi de s'instruire.
L'on peut facilement lire dans l'Evangile que Jésus était un homme proche du peuple.
Il était un homme parmi les hommes.
Un homme accessible.
Un Homme "comme nous", du moins comme nous pourrions l'être.
Nous ne sommes pas si différents les uns des autres.
Ceux qui vont à l'église, ceux qui n'y vont pas...
Ceux qui mangent du pain au levain, ceux qui préfèrent le pain sans levain...
L'important est peut-être de rester curieux et d'avoir toujours cet élan d'aller de l'avant, d'aller à la rencontre de soi et à la rencontre des autres, afin d'explorer et de rencontrer le Seigneur, là où il est, là où peut-être nous ne le connaissons pas ou si peu ou pas encore.
N'oublions pas que le Seigneur est Partout et en Tout !
Gardons cela à l'esprit et gardons l'oeil ouvert !
Gardons aussi et surtout le coeur et la main grand ouverts pour accueillir ce que Dieu souhaite nous offrir !
Se contenter de lire des textes comme l'Evangile ou bien d'écouter les messes qui nous sont offertes par nos prêtres le dimanche, par exemple, que cela se fasse en Eglise ou devant sa télévision ou encore en écoutant la radio, cela ne suffit pas. Cela ne suffit pas et ne suffira jamais si nous n'osons pas changer les choses pour nous et autour de nous, dans notre vie, dans notre quotidien ou dans ceux de nos voisins.
Cela ne suffit pas si nous n'osons pas mettre en pratique de nouvelles choses, si nous n'osons pas changer notre regard sur le Monde et l'enrichir de Tout ce qui nous entoure.
Ce qui fait la beauté, la grandeur et la richesse des enseignements de Notre Seigneur, cela ne tient pas seulement dans toutes les paroles, ô combien précieuses, qu'il nous a livrées, mais aussi bel et bien dans les actes qui ont fait de Lui qui Il était.
Il a tout de même donné sa Vie pour "nous sauver", pour nous "montrer l'exemple", cela n'est pas rien !
Ce ne sont pas là de simples paroles !
Ce sont des actes ! Ce sont des faits !
Est-ce que nous ne pourrions pas nous interroger sur ce que nous pourrions faire aujourd'hui pour rendre grâce à ce que Jésus est venu nous enseigner ?
Bonsoir, père Olivier,
Je n'ai pas bcp de temps pour vous faire parvenir un texte détaillé, mais juste qq lignes pour vous dire que je trouve bien ma nourriture sur votre blog.
Jusqu'à présent , ce temps de l 'Avent est fructeux et je vous remercie de nous faire cadeau de votre temps à Vous, de votre posivité, en ce moment précieuse.
A une autre fois, là, ii faut vraiment que j'aille faire mon signe de croix ... déposer ma journée, puis confier ma nuit à QUI vous savez!!!!
simone de l'ain
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