Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2525 : Un appel qui nous vient de l'Algérie, pendant un Avent récent

 Ces derniers temps, sur ce blog, nous sommes allés au Mali, puis à Madagascar, et aujourd'hui en Algérie.  Merci à Jean-Pierre, diacre permanent en Loire-Atlantique qui, à l'occasion du décès le 1° décembre de l'ancien archevêque d'Alger, Henri Teissier, m'envoie cet écho de ses rencontres lors de son voyage en Algérie durant le temps de l'Avent.  Occasion de nous déconfiner un peu le coeur, en cheminant avec Jean-Pierre dans ce pays si proche du nôtre !  Nous entendrons aussi ses interpellations par rapport à la façon de vivre en Eglise, et de célébrer l'Eucharistie, très en lien avec le service du Frère,dans une certaine façon de cheminer durant ce temps de l'Avent !  Merci Jean-Pierre !

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Algérie …A la découverte d’une Eglise et d’un peuple

A la suite d’une invitation de mon ami Dominique qui a tissé, depuis de nombreuses années, des liens avec l’Eglise d’Algérie et le peuple algérien, j’ai vécu deux semaines en Algérie. Notre itinéraire, de Oran à Béni Abbès, nous a permis d’être accueillis en 5 lieux et par 5 communautés : Oran (Maison diocésaine) - Tiaret - Ain Sefra - Béni Abbès - Mascara.

Je découvrais pour la première fois l’Algérie et l’Eglise algérienne. Mes connaissances se limitaient à des informations grappillées ici et  là et notamment auprès « d’anciens d’Algérie ». J’ai vécu un séjour extraordinaire et je suis revenu avec dans la tête, des visages, des témoignages de vie, d’échanges variés, des souvenirs de moments de prière, de célébrations eucharistiques. Je n’ai sûrement pas pu tout saisir et j’ai perçu des réalités, à travers les lunettes déformantes de mon regard. Pour moi, trois mots résument ce séjour : hospitalité, vitalité, communion et je les relie à quelques références bibliques.

Hospitalité (cf : Genèse 18, 1-11)

Cette hospitalité, avec le sens profond de ce mot, s’est manifestée à notre égard, tout au long du séjour, à chaque étape. Dominique et moi ne sommes pas des anges, mais nous avons été accueillis comme des Anges et cela m’a rappelé ce passage de la Genèse où Abraham offre l’hospitalité à trois visiteurs. Et le hasard a voulu que le lendemain de notre arrivée se retrouvaient des personnes de diverses communautés, engagées auprès de migrants, et le chant qui a introduit la journée, comprenait ce refrain :

« Ne ferme pas ta porte à l’étranger, 

Tu risquerais de la fermer à l’Ange du Seigneur,

Sur l’Ange du Seigneur venu te visiter,

Sur l’Ange du Seigneur qui passe dans ta vie."

Cette hospitalité, j’ai aussi pu mesurer comment elle est vécue au quotidien dans chacune des communautés, par l’accueil de tous ces frères chrétiens, musulmans, des étudiants venus de divers pays du monde… et par les activités déployées  pour les enfants scolarisés ou handicapés, pour les femmes, les migrants, les étudiants et tout frère et sœur dans le besoin. Cette hospitalité qui n’est pas assistance, mais qui s’appuie sur « le faire avec », pour respecter la dignité de chaque personne, sa culture, son histoire et lui donner par le développement de son autonomie, la capacité à se remettre debout.

Vitalité : Mathieu 25, 31-46 et Jean 13, 1-15

Quelle vitalité dans tous les lieux où nous sommes passés : partout, des enfants, des jeunes, des adultes, des personnes qui accueillent, qui encadrent. La foison d’activités proposées est impressionnante et constitue un bouquet de services offerts à tous ces frères et sœurs en humanité. C'est une Eglise qui met en œuvre les paroles de Jésus en Matthieu ( le jugement dernier) et en Jean ( le lavement des pieds). Nous sommes dans le temps de l’Avent, mais j'ai dit à ceux qui nous accueillaient : "c’est tous les jours que vous faites naître Jésus dans cette Eglise d’Algérie, c’est tous les jours Noël. Dieu se manifeste par vos mains, votre énergie, votre intelligence, votre cœur. Jésus naît au milieu des enfants handicapés, des migrants, des étudiants étrangers accueillis chaque jour dans vos communautés. Mes enfants ont chanté, quand ils étaient petits, un chant qui disait : « Noël c’est quand on s’étonne ». Et bien je vous dis tout mon étonnement, mon émerveillement devant ce que vous faites pour  manifester la Bonne Nouvelle." 

Elle est petite, vulnérable cette Eglise d’Algérie, mais elle est capable, comme le dit St Paul de trouver sa force, son énergie, dans ses faiblesses.

Communion : Jean 17, 22-23

On peut leur dire : "Vos communautés sont diverses dans leurs sources spirituelles : St François, St Dominique, le Bienheureux Charles de Foucauld… mais une véritable fraternité, une communion vous unissent. Cette communion se nourrit de la prière et de l’Eucharistie et j’ai vécu des moments extraordinaires, des temps fervents de prière dans chacune de vos communautés. Des Eucharisties dans leur simplicité, autour d’une table basse et d’un petit morceau de pain. Des Eucharisties plus « solennelles » : comme à la cathédrale d’Oran avec les étudiants étrangers et les jeunes migrants venus là pour trouver un havre de paix. Cette célébration  restera un grand moment par la diversité des nationalités des personnes présentes, par la ferveur, la spontanéité, la présence des photos de migrants qui ont perdu la vie en mer à la recherche d’une terre d’accueil.

L’Eucharistie vécue la veille de notre départ, présidée par votre évêque Jean-Paul Vesco, m’a permis de rendre grâce pour toutes les richesses de ce séjour et Dieu sait qu’elles sont nombreuses. Et pour clore sur cette dimension de la communion, j’ajouterai que j’ai été très marqué par la cohabitation  de la tombe du Père Pierre Claverie, qui était l'évêque d'Oran, et d’une plaque commémorative de son chauffeur Mohammed, tous les deux victimes innocentes du terrorisme. Quel beau témoignage pour dire la fraternité, l’amitié entre les hommes par delà leurs différences de religions de cultures…"

Pour conclure

Pour retrouver vie et espérance, j’ai besoin, comme beaucoup, de chercher le visage de Jésus. S’il est d’abord  dans la grotte de notre cœur, souvent caché derrière nos  agendas remplis, nos activités, nos soucis, nos insuffisances, nos réussites ou au contraire nos tristesses et nos désespoirs. Ce vide de notre cœur ouvre à la présence de quelqu’un qui nous aime et nous donne vie. Mais celui qui peut combler nos soifs demeure aussi dans la grotte du cœur des pauvres qui crient leur isolement, leurs détresses. Et sans doute la meilleure façon de descendre dans la grotte de notre cœur, c’est d’aller vers nos frères qui ont besoin de notre écoute, d’une main tendue, de notre compassion.

Un immense et chaleureux merci à chacun(e) de ceux qui nous ont accueillis. Un merci particulier à cet évêque, Jean-Paul qui, malgré un emploi du temps chargé, a su se libérer pour nous faire découvrir Oran et partager des moments fraternels avec nous. Je ne repars pas indemne de ce voyage, il me bouscule dans ma foi, mon ministère de diacre permanent, mais au bon sens du terme. Au moment où j’écris ces mots, j’ai aussi à préparer l’homélie du 2^ème dimanche de l’Avent  qui nous dit : « convertissez-vous » - « préparez le chemin du Seigneur ». Nourri de cette riche expérience, il me reste maintenant à témoigner et à vivre de tout ce que j’ai reçu. Cette Eglise d’Algérie est pour moi prophétique et avec elle, la petite étoile de Noël continue de briller.

Jean-Pierre Biraud