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Vous avez des choses à dire...
Vous vous posez des questions, pour donner un sens à votre vie...
Vous cherchez un espace d'échange convivial pour exprimer ce que vous ressentez...
Vous attendez des réponses à vos questions...


...Alors, en réponse à vos attentes, Olivier Gaignet vous propose de vous exprimer librement.
Ici, tout pourra être dit dans les limites de la courtoisie et du respect mutuel.

Merci d'avance de votre participation.


Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



mardi 29 septembre 2020

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2464 : Le Testament spirituel du Père Christian de Chergé

 A l'occasion du décès récent de Michael Londsale et pour lui rendre hommage, la Cinq a été bien inspirée de nous offrir hier soir lundi le film magnifique "Des hommes et des dieux".

J'y vois plus qu'une coïncidence par rapport au procès en cours suite aux attentats de janvier 2015.

Dans ce film en effet, réalisé, rappelons-le, par un metteur en scène non croyant, Xavier Beauvois, on est loin d'une conception terroriste de l'histoire, "pleine de bruit et de fureur" - comme le dit Shakespeare dans "Macbeth" - "écrite par un idiot".

En effet, pour reprendre une image du philosophe Kant, tandis que les animaux, pour s'affronter, usent de leurs griffes ou poussent des hurlements, les hommes, ici, en l'occurrence les moines de Tibhirine, n'usent quant à eux que de leur raison éclairée, de leur sens de la Fraternité, de leur amour du monde de l'Islam au milieu duquel ils vivent  et de leur Foi au Dieu Unique.

Témoin le texte marquant que représente le Testament spirituel du Père Christian de Chergé.


QUAND   UN   A-DIEU  S'ENVISAGE ...

S’ il m’arrivait un jour – et ça pourrait être aujourd’hui – d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.

Qu’ils acceptent que le Maître unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal.

Qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ?

Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes, laissées dans l’indifférence de l’anonymat.

Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre.
Elle n’en a pas moins non plus.
En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance.

J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait aveuglément.

J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint.

Je ne saurais souhaiter une telle mort.
Il me paraît important de le professer.

Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre.

C’est trop cher payer ce qu’on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit,surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’islam.

Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement.
Je sais aussi les caricatures de l’islam qu’encourage un certain islamisme.

Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.

L’Algérie et l’islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme.
Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église, précisément en Algérie et, déjà, dans le respect des croyants musulmans.

Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf, ou d’idéaliste :
« Qu’il dise maintenant ce qu’il en pense ! »
Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité.

Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l’islam tels qu’Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion, investis par le don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.

Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur,
je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout.

Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, ô amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis !

Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais.
Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « À-DIEU » envisagé de toi.
Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.
Amen ! Inch’ Allah.

ALGER, 1er DÉCEMBRE 1993
TIBHIRINE, 1er JANVIER 1994


1 commentaires:


Nardoc85 a dit…


Ce texte est sublime, oui. Merci de le rappeler. Je fais aussi le lien, in petto, avec deux autres grandes figures que furent et demeurent Augustin le Berbère et Charles de Foucauld ce Français tout aussi amoureux de Dieu et des Algériens leurs (nos) frères. Méditons en silence sur toute l'humanité sauvée par l'amour et le sang du Christ...
Bernard