Je me permets de vous communiquer un témoignage très fort, qui m'a été transmis par Bernard Robert, que vous connaissez déjà, étant donné que je vous l'ai présenté à diverses reprises.
Je rappelle que Bernard, originaire de Saint Martin des Noyers, a été en mission au Mali ; il est actuellement aumônier international du MMTC (Mouvement Mondial des Travailleurs Chrétiens.
Son point d'insertion, quand il revient en Vendée, se trouve au presbytère de La Flocellière, près de Pouzauges.
C'est important d'entendre de telles paroles, qui nous viennent du Niger.
Merci à Mauro et à Bernard !
C’est en Afrique que Dieu ne se trompe
presque jamais
Il a été Lui aussi bloqué
aux frontières à cause du Coronavirus. Le thème de la mobilité, néanmoins, lui
est cher depuis qu’il prit la décision de migrer d’un côté à l’autre du monde.
Il a finalement choisi de passer la plupart de son temps en Afrique
subsaharienne et pour cela il a sans doute ses bonnes raisons. En temps de
Covid 19 il a fait, comme son habitude, un choix partisan : rester dans un
continent où bien d’autres épidémies cherchent, avec un certain succès, de
s’implanter De l’Ebola à la tuberculose en passant par le Sida et puis
continuer avec la méningite sans oublier le palu qui s’est installé volontiers
dans cette portion du continent. Depuis le début de la propagation de la
pandémie, scientifiques, OMS, centres spécialisés pour les projections sur la
diffusion de la maladie et les Nations Unies avaient pronostiqué une hécatombe sur notre continent. Ayant pris connaissance de cela, Dieu n’est pas resté les
mains dans le vide. Il a choisi plutôt de s’engager et de se mettre au
travail et d’œuvrer, de tout son poids, afin de ralentir la propagation de l’épidémie
en question. A cause de cela on a rapidement assisté à la naissance sur place,
de potions, bénédictions et exorcismes et tous types de prières.
Certains chefs d’Etat ont pris Dieu comme garant afin de démontrer la capacité des autorités de freiner
l’attaque du virus. Les gens simples ont tout de suite pensé que l’épidémie,
dont on parlait beaucoup ailleurs, ou bien elle était une imposture pour
conquérir le monde ou alors orchestrée par Dieu afin de punir les mécréants.
Tous, d’ailleurs, étaient d’accord que ce type de virus n’attaquait que les
riches, ceux qui habitent loin et ceux qui, en définitive, ont déjà
suffisamment vécu et n’ont pas à se plaindre. Ils étaient convaincus qu’eux,
les Africains, auraient été épargnés et que, tout comme ailleurs, fermer les
lieux de culte avait été une flagrante erreur. Se permettre d’interdire de Le
prier ensemble, Lui, le seul qui pouvait les protéger et les guérir était comme
une aberrante évidence de manque de foi en Lui. Tout cela pouvait être
interprété comme une sorte d’attaque frontale, un défi pour ainsi dire, à
l’Auteur de la maladie et aussi de son éventuelle disparition. Les fidèles ne
comprenaient pas du tout pourquoi ils devraient se tenir à distance et porter
les bavettes dans le lieu de culte et puis s’approcher, le visage découvert,
dans les autres lieux sociaux encore plus fréquentés comme par exemple les
marchés.
Les gens, d’autre part,
n’oublient pas que la première et plus mortelle épidémie dans le continent et
au Sahel en particulier, est celle de la faim. Elle frappe sans opposition
notable depuis des décennies et elle fait des différences entre les paysans,
les pauvres des villes et, en général, les ‘invisibles’ qui ne répondent pas à
l’appel d’une vie digne pour tous. Une
des raisons par laquelle Dieu aurait décidé de rester parmi nous est exactement
cela. S’en aller ailleurs quand et où l’on a plus besoin de Lui, l’aurait fait
sentir comme un traître. Or, on lui avait dit que Dieu en principe ne trahit
jamais et avec le temps il avait compris comment en tirer les conséquences,
pour Lui et surtout pour les autres. Cela avait été une des raisons qui l’avait
poussé à voyager, afin de sentir sur sa peau ce que signifie vivre en étranger
après avoir été forcé à quitter son propre pays. Il faisait lui aussi la queue
pour la distribution de la nourriture, il cherchait sa place sous les tentes
bien alignées et parfois Lui aussi avait dû fuir les attaques de ceux qui
voulaient piller les biens destinés aux réfugiés. Depuis 2011, leur nombre n’avait
cessé d’augmenter et, dans le dernier recensement, on en trouve ici en Afrique
quelque 29 millions. 72 % de ceux-ci sont déracinés dans leur propre pays.
Lui se trouve comme un
clandestin dans des camps de détention organisés ici afin de profiter de
l’exportation des politiques répressives de l’Occident dans une guerre menée
par des mercenaires. Il s’infiltre parmi les paysans qui ont le courage de
chanter en revenant des champs le soir ou parmi les femmes qui racontent leurs
histoires d’amour et de trahison près du puits creusé il n’y a pas longtemps.
Dieu se cache derrière le sable pas loin d’où des enfants jouent avec des
fusils imagés pour imiter les grands. Le Dieu du Sahel
est en effet un Dieu de sable, omniprésent, constant, silencieux, mobile,
fidèle, humble et tenace. Il glisse entre les doigts quand on veut le manipuler
pour en tirer un bénéfice. Comme du sable, il se veut libre de traverser les
temps et les saisons de la vie. Entouré de poussière, il s’amuse à construire
des libres et fragiles espérances quotidiennes, provisoires comme l’éternité.
Son rêve est celui de se perdre un jour dans la mer, parmi les naufragés.
Mauro
Armanino, Niamey, juillet 2020
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