Je vous parlais hier des "sans-grade", de ceux qui oeuvrent dans l'ombre au service de la société et ne sont pas reconnus. J'ai repensé alors à un célèbre passage de la pièce d'Edmond Rostand, "L'Aiglon" (1900), que je me permets de proposer à votre réflexion.
Le Roi de Rome, Duc de Reichstadt et fils de l'Empereur Napoléon I°, connu sous le titre de l'Aiglon,
vit des jours malheureux dans le palais autrichien de Schoenbrunn. Il
cherche à savoir qui il est. Qui était ce père dont tout le monde parle.
Qui "suis-je", moi l'héritier du créateur du Premier Empire français ?
L'Aiglon a cette nostalgie de l'épopée paternelle. Mon père ce héros...
Au
milieu de cette pièce d'Edmond Rostand, il y a le personnage de
Flambeau ! Un ancien "Grognard" de la Garde, qui s'est battu avec courage, mais dont le combat n'a guère été reconnu. Si je vous cite ce passage, c'est parce que j'y trouve une ressemblance avec ce qu'éprouvent, dans notre société, les invisibles et les sans-grade d'aujourd'hui !
Dont quelqu'un a dit qu'ils étaient "en guerre" ; eh bien, en lisant ces vers, poussons à bout la comparaison !
Sans espoir de duchés ni de dotations;
Nous qui marchions toujours et jamais n'avancions;
Trop simples et trop gueux pour que l'espoir nous berne
De ce fameux bâton qu'on a dans sa giberne;
Nous qui, par tous les temps, n'avons cessé d'aller,
Suant sans avoir peur, grelottant sans trembler,
Ne nous soutenant plus qu'à force de trompette,
De fièvre et de chansons qu'en marchant on répète;
Nous sur lesquels pendant dix-sept ans, songez-y,
Sac, sabre, tourne-vis, pierres à feu, fusil,
- Ne parlons pas du poids toujours absent des vivres ! -
Ont fait le doux total de cinquante-huit livres;
Nous qui, coiffés d'oursons sous les ciels tropicaux,
Sous les neiges n'avions même plus de shakos;
Qui d'Espagne en Autriche exécutions des trottes;
Nous qui pour arracher ainsi que des carottes
Nos jambes à la boue énorme des chemins,
Devions les empoigner quelquefois à deux mains;
Nous qui pour notre toux n'ayant pas de jujube,
Prenions ds bains de pied d'un jour dans le Danube;
Nous qui n'avions le temps quand un bel officier
Arrivait, au galop de chasse, nous crier :
"L'ennemi nous attaque, il faut qu'on le repousse !"
Que de manger un blanc de corbeau sur le pouce,
Ou vivement, avec un peu de neige, encor,
De nous faire un sorbet au sang de cheval mort;
Nous....
Ne cessions de marcher...
Que pour marcher, - et de marcher que pour nous battre,
Marchant et nous battant, maigres, nus, noirs et gais...
Nous, nous ne l'étions pas, peut-être, fatigués ?"
3 commentaires:
D'abord, pour moi, la joie de relire cette tirade de Flambeau.... j'ai lu et relu l'Aiglon dans mon adolescence !!!
Et au-delà du souvenir, en effet, comment ne pas faire le parallèle avec la condition des plus petits dans notre monde! Dans d'autres pays, encore plus que chez nous...
Dans son commentaire d'hier Élodie parlait de ce monde dont elle rêve... une utopie...
Oui certainement c'est une utopie, pourtant on pourrait progresser vers plus d'égalité à tous les niveaux, vers un meilleur partage "si tous les gars du monde....."
Merci Olivier pour ce partage très fort !
C'est vrai que cela peut faire penser à une partie importante de l'actualité de notre pays, et pas seulement d'ailleurs.
La marche, dont il est question aussi dans ce texte, est un thème important et récurrent dans la Bible qu'il me plaît d'aller rencontrer avec un regard toujours neuf en résonance avec l'actualité de ce que nous vivons en ce moment ; exactement comme tu nous invites à le faire à chaque billet que tu nous offres sur ce blog, Olivier !
Je te remercie aussi pour cela !
Quelle place pour les "sans-grade" ?
Pourtant, Jésus dit : "Venez à Moi, vous tous qui peinez…"
Cette bonne nouvelle est offerte à tous ceux qui veulent l'accueillir. Elle s'adresse, tout d'abord, aux personnes écrasées par le travail, les soucis, la maladie, aux personnes qui souffrent d'exclusion, d'indifférence, les "sans-grade"...Jésus se révèle aux tout-petits pour leur dire qu'ils seront les plus grands dans le Royaume de Dieu. D'ailleurs, dans l'évangile des Béatitudes, il est écrit " Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux."
"Prenez sur vous mon joug…" nous propose même Jésus car Il connait, le poids de nos difficultés. Attelé avec Lui, au même joug, porté à deux, le fardeau devient plus léger. C'est grâce à cette merveilleuse amitié de Dieu que nous pouvons avancer sur le chemin de la vie.
"Venez à moi,..." un appel à le rejoindre dans l'humilité et la confiance !
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