Tellement préoccupés par le fait que l'on n'avait pas de messes, ce discours exceptionnel du pape, daté du jour de Pâques,adressé aux travailleurs du monde entier, n'a absolument pas été répercuté dans notre Eglise de France.
Et pourtant ! Si le pape pouvait être entendu !
Mais cela dépend sans doute aussi de nous...
Le texte est un peu long, mais cela vaut le coup de prendre le temps d'en découvrir les richesses.
La vraie Communion, elle est là !
Chers amis,
Aujourd’hui, en pleine pandémie, je pense particulièrement à
vous et je tiens à vous dire que je suis à vos côtés.
En ces jours de grande angoisse et de
difficultés, nombreux sont ceux qui ont parlé de la pandémie dont nous
souffrons en utilisant des métaphores guerrières. Si la lutte contre le
Covid-19 est une guerre, alors vous êtes une véritable armée invisible
qui combattez dans les tranchées les plus périlleuses. Une armée sans
autres armes que la solidarité, l’espoir et le sens de la communauté qui
renaissent en ces jours où personne ne peut s’en sortir seul. Vous êtes
pour moi de véritables
poètes sociaux qui, depuis les périphéries oubliées, apportez des
solutions dignes aux problèmes les plus graves de ceux qui sont exclus.
Je sais que très souvent vous n’êtes pas
reconnus comme il se doit, car dans ce système, vous êtes véritablement
invisibles. Les solutions prônées par le marché n’atteignent pas les
périphéries, pas plus que la présence protectrice de l’État. Vous n’avez
pas non plus les ressources nécessaires pour remplir sa fonction. Vous
êtes considérés avec méfiance parce que vous dépassez la simple
philanthropie à travers l’organisation communautaire, ou parce que vous
revendiquez vos droits au lieu de vous résigner et d’attendre que
tombent les miettes de ceux qui détiennent le pouvoir économique. Vous
éprouvez souvent de la colère et de l’impuissance face aux inégalités
qui persistent, même lorsqu’il n’y a plus d’excuses pour maintenir les
privilèges. Toutefois, vous ne vous renfermez pas dans la plainte : vous
retroussez vos manches et vous continuez à travailler pour vos
familles, pour vos quartiers, pour le bien commun. Votre attitude m’aide, m’interroge et m’apprend beaucoup.
Je pense aux personnes, surtout des
femmes, qui multiplient le pain dans les cantines communautaires, en
préparant avec deux oignons et un paquet de riz un délicieux ragoût pour
des centaines d'enfants ; je pense aux malades, je pense aux personnes
âgées. Les grands médias les ignorent. Pas plus qu’on ne parle des
paysans ou des petits agriculteurs qui continuent à travailler pour
produire de la nourriture sans détruire la nature, sans l’accaparer ni
spéculer avec les besoins du peuple. Je veux que vous sachiez que notre
Père céleste vous regarde, vous apprécie, vous reconnaît et vous
soutient dans votre choix.
Comme il est difficile de rester chez
soi pour ceux qui vivent dans un petit logement précaire ou qui sont
directement sans toit. Comme cela est difficile pour les migrants, pour
les personnes privées de liberté ou pour celles qui se soignent d’une
addiction. Vous êtes là, physiquement présents auprès d’eux, pour rendre
les choses plus faciles et moins douloureuses. Je vous félicite et je
vous remercie de tout mon coeur. J’espère que les gouvernements
comprendront que les paradigmes technocratiques (qu’ils soient étatistes
ou fondés sur le marché) ne suffisent pas pour affronter cette crise,
ni d’ailleurs les autres grands problèmes de l’humanité. Aujourd’hui
plus que jamais, ce sont les personnes, les communautés, les peuples qui
doivent être au centre de tout, unis pour soigner, pour sauvegarder,
pour partager.
Je sais que vous avez été privés des
bénéfices de la mondialisation. Vous ne jouissez pas de ces plaisirs
superficiels qui anesthésient tant de consciences. Et pourtant, vous en
subissez toujours les préjudices. Les maux qui affligent tout un chacun
vous frappent doublement. Beaucoup d’entre vous vivent au jour le jour
sans aucune garantie juridique pour vous protéger. Les vendeurs
ambulants, les recycleurs, les forains, les petits paysans, les
bâtisseurs, les couturiers, ceux qui accomplissent différents travaux de
soins. Vous, les travailleurs informels, indépendants ou de l’économie
populaire, n’avez pas de salaire fixe pour résister à ce moment… et les
quarantaines vous deviennent insupportables. Sans doute est-il temps de
penser à un salaire universel qui reconnaisse et rende leur dignité aux
nobles tâches irremplaçables que vous effectuez, un salaire capable de
garantir et de faire de ce slogan, si humain et chrétien, une réalité :
pas de travailleur sans droits.
Je voudrais aussi vous inviter à penser à
« l’après », car cette tourmente va s’achever et ses graves
conséquences se font déjà sentir. Vous ne vivez pas dans
l’improvisation, vous avez une culture, une méthodologie, mais surtout
la sagesse pétrie du ressenti de la souffrance de l’autre comme la
vôtre. Je veux que nous pensions au projet de développement humain
intégral auquel nous aspirons, fondé sur le rôle central des peuples
dans toute leur diversité et sur l’accès universel aux trois T que vous
défendez : terre, toit et travail. J’espère que cette période de danger
nous fera abandonner le pilotage automatique, secouera nos consciences
endormies et permettra une conversion humaniste et écologique pour
mettre fin à l’idolâtrie de l’argent et pour placer la dignité et la vie
au centre de l’existence.
Notre civilisation, si compétitive et
individualiste, avec ses rythmes frénétiques de production et de
consommation, ses luxes excessifs et des profits démesurés pour
quelques-uns, doit être freinée, se repenser, se régénérer. Vous êtes
des bâtisseurs indispensables à ce changement inéluctable. Je dirais
même plus, vous avez une voix qualifiée pour témoigner que cela est
possible. Vous connaissez bien les crises et les privations… que vous
parvenez à transformer avec pudeur, dignité, engagement, effort et
solidarité, en promesse de vie pour vos familles et vos communautés.
Continuez à lutter et à prendre soin de chacun de vous comme des frères
et soeurs.
Je prie pour vous, je prie avec vous et je demande à Dieu,
notre Père, de vous bénir, de vous combler de son amour et de vous
protéger sur ce chemin, en vous donnant la force qui nous permet de
rester debout et qui ne nous déçoit pas : l’espoir. Veuillez aussi prier
pour moi, car j’en ai besoin.
Fraternellement,
Cité du Vatican, dimanche de Pâques, le 12 avril 2020
2 commentaires:
En lisant ce beau message du pape François, j'ai pensé à Arthur, 28 ans, dont j'ai eu des nouvelles hier soir. Lui, n'a pas connu le confinement ! Chaque jour, il a continué à se lever à 2 heures du matin pour joindre un abattoir situé à 25 kms de sa maison. Des bouchers avaient besoin d'être ravitaillés pour ouvrir leur commerce et ainsi satisfaire leurs clients.
Arthur fait partie de cette chaine de travailleurs qui continuent à œuvrer pour vivre, répondre au besoin de la famille et rendre service à la société.
Arthur ne se plaint pas, malgré des conditions pas toujours faciles. Il se dit même heureux d'avoir du travail !
Quel beau message ! Ce que j'aime chez ce pape c'est sa proximité, sa parole claire et audible pour chacun. Son humilité. Il est au-delà de l'apparence. Oui François, nous prierons pour vous comme vous priez pour nous. Et que votre parole soit entendue !!!
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