A notre époque, un peu déstabilisée et en déficit d'espérance, nous avons besoin de guides et de grands témoins pour éclairer notre route : des personnes ayant à la fois "un pied dans la rue et un pied dans l'Eglise", ainsi que le cardinal Duval, ancien archevêque d'Alger, aimait définir le prêtre comme le chrétien.
C'est dans cette perspective que Gilles Bély, après avoir évoqué le témoignage du journaliste Henri Tincq, nous présente aujourd'hui la belle figure du Père jésuite Henri Madelin.
Qu'est-ce que de tels visages nous disent ? A quoi nous appellent-ils ? Ne mettons pas trop vite de côté de telles questions !
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"Comment entendrez-vous les choses d'en haut si vous n'entendez
pas les choses de la terre ?" Cette phrase, adaptée de l'Evangile de
Jean (3-12), figurait toujours en haut du sommaire de la revue "Etudes" dont le Père Henri
Madelin, prêtre jésuite, fut longtemps le directeur. Victime lui aussi du
coronavirus, il vient de nous quitter, à l'âge de 83 ans, quelques jours après
le journaliste Henri Tincq.
Ces deux hommes, ces deux
intellectuels, qui n'étaient pas des stars, ont pourtant marqué en profondeur leur
époque par leur témoignage et par leur pensée. Ils se retrouvent au rendez-vous de l'éternité
après avoir l'un et l'autre expliqué et accompagné l'extraordinaire intuition
du Pape Jean XXIII et du concile Vatican II : réconcilier l'Eglise et le monde
moderne.
Henri Madelin était né en
1936. A l'âge de 9 ans, il avait été profondément marqué par le retour des
prisonniers et des déportés et par les scènes de lynchage lors de la
Libération. Le bonheur et l'horreur. De là peut-être viendra sa volonté de
vivre sa vocation religieuse au cœur du monde. D'où son choix d'entrer dans
l'ordre des jésuites. Il en sera plus tard le Provincial - c'est-à-dire le
Supérieur - pour la France.
Il enseignera à Sciences Po
et à l'Institut catholique de Paris, écrira de nombreux ouvrages et sera aussi
l'aumônier du Mouvement Chrétien des Cadres et dirigeants (MCC). Comme son ami
Jacques Delors, il met son énergie à l'émergence d'une Europe qui se construit
autour de la démocratie, de la justice et de la liberté. Il sera nommé à la
représentation du Saint-Siège au Conseil de l'Europe.
Sans le savoir peut-être,
nous avons beaucoup reçu d'Henri Madelin. Au travers des mouvements d'action
catholique, des homélies nourries de sa réflexion, des partages et des débats
d'idées surgis du bouillonnement conciliaire.
Françoise Le Corre, qui fut
son adjointe à "Etudes", parle justement des choses d'en haut et des
choses de la terre: "les unes et les autres tenues ensemble, les unes par
les autres indissociablement".
Henri Madelin estimait que
les chrétiens devaient s'informer - la
Bible dans une main, le journal dans l'autre - tenter de discerner, ne pas
juger hâtivement selon des critères de bien et de mal taillés à coup de serpe. "Afin de faire entendre comme neuves les résonances de la Parole".
Après l'élection du Pape
François, jésuite comme lui, événement qu'il considérait comme une étape
décisive de l'histoire de l'Eglise, il avait publié, avec la vaticaniste
Caroline Pigozzi, un portrait du nouveau pape, intitulé "Ainsi
fait-il". Comme pour souligner la fécondité de l'engagement et de l'action
dans l'annonce de l'Evangile.
Gilles Bély
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