En ce début de 3° semaine de confinement, je voudrais vous partager une réflexion qu m'a été transmise par une paroissienne du doyenné de Talmont, qui a des liens avec le diocèse de Bordeaux. Il s'agit d'un message de l'abbé Pierre Alain Lejeune, curé de quatre paroisses à proximité de Bordeaux - merci à lui !
Et merci à vous de ne pas hésiter à nous faire part en commentaire de votre réaction.
Et tout s’est arrêté…
lundi 30 mars 2020
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2319 : Et tout s'est arrêté...
Ce monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait
à sa perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence
», cette gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause
d’une toute petite bête, un tout petit parasite invisible à l’œil nu, un
petit virus de rien du tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à
ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais que va t-il se passer
après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ; après, lorsque la
vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi ressemblera notre vie
après ?
Après ?
Nous
souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous
déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car
nous aurons redécouvert comme il est bon de s’arrêter ; un long jour
pour goûter le temps qui passe et les autres qui nous entourent. Et nous
appellerons cela le dimanche.
Après ?
Ceux
qui habiteront sous le même toit, passeront au moins 3 soirées par
semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres
et aussi à téléphoner à papy qui vit seul de l’autre côté de la ville ou
aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.
Après ?
Nous
écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il
faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et
convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps
qui prend son temps est une bonne chose. Que l’homme n’a jamais été et
ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité
inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle est la
condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la
sagesse.
Après ?
Nous
applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais
aussi les éboueurs à 6h, les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les
chauffeurs de bus à 9h, les élus à 10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien
écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons
redécouvert le sens du service de l’Etat, du dévouement et du Bien
Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou
d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela
la gratitude.
Après ?
Nous
déciderons de ne plus nous énerver dans la file d’attente devant les
magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme
nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons redécouvert que le
temps ne nous appartient pas ; que Celui qui nous l’a donné ne nous a
rien fait payer et que décidément, non, le temps ce n’est pas de
l’argent ! Le temps, c’est un don à recevoir et chaque minute un cadeau à
goûter. Et nous appellerons cela la patience.
Après ?
Nous
pourrons décider de transformer tous les groupes WhatsApp créés entre
voisins pendant cette longue épreuve, en groupes réels, de dîners
partagés, de nouvelles échangées, d’entraide pour aller faire les
courses ou amener les enfants à l’école. Et nous appellerons cela la
fraternité.
Après ?
Nous
rirons en pensant à avant, lorsque nous étions tombés dans l’esclavage
d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne
despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après,
nous remettrons l’homme au centre de tout, parce qu’aucune vie ne mérite
d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. Et nous
appellerons cela la justice.
Après ?
Nous
nous souviendrons que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de
distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de
religion. Simplement parce que nous appartenons tous à l’espèce humaine.
Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris
que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons aussi nous
transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et
nous appellerons cela l’humanité.
Après ?
Dans
nos maisons, dans nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides
et nous pleurerons celles et ceux qui ne verront jamais cet après. Mais
ce que nous aurons vécu aura été si douloureux et si intense à la fois
que nous aurons découvert ce lien entre nous, cette communion plus forte
que la distance géographique. Et nous saurons que ce lien qui se joue
de l’espace, se joue aussi du temps ; que ce lien passe la mort. Et ce
lien entre nous qui unit ce côté-ci et l’autre de la rue, ce côté-ci et
l’autre de la mort, ce côté-ci et l’autre de la vie, nous l’appellerons
Dieu.
Après ?
Après
ce sera différent d’avant mais pour vivre cet après, il nous faut
traverser le présent. Il nous faut consentir à cette autre mort qui se
joue en nous, cette mort bien plus éprouvante que la mort physique. Car
il n’y a pas de résurrection sans passion, pas de vie sans passer par la
mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie
sans avoir traversé la tristesse. Et pour dire cela, pour dire cette
lente transformation de nous qui s’accomplit au cœur de l’épreuve, cette
longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n’existe pas de mot.
Publié par
Olivier Gaignet
à
08:50
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2 commentaires:
mdr
Et tout s'est arrêté…
On dit que tout est en suspens, que la vie est comme arrêtée. Peut-on dire aussi que les choses ne sont pas arrêtées mais qu'elles sont ramenées à l'essentiel?
La lecture du journal, chaque jour, est une sorte de prière vers Dieu ou vers ce qu'est le monde en réalité.
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