Il y a quelques jours, alors que je me trouvais, aux Sables d'Olonne, dans le local fourni par la paroisse à la Cimade, cette ONG qui accompagne les migrants dans leurs démarches et le règlement de leurs multiples soucis, j'ai senti, chez les 6 bénévoles présents, un immense découragement. Comment pouvons-nous encore nous regarder en face, quand notre continent, aux soit-disant belles racines chrétiennes, se ferme les yeux, se bouche le nez et se mord la langue, face à ce qu'endurent, à ses portes, des dizaines de milliers de réfugiés et de migrants désespérés et abandonnés ?
L'un des bénévoles, Jean, m'interpelle : "Mais enfin, est-ce qu'il n'est pas écrit dans la Bible que "si quelqu'un dit : "j'aime Dieu", et qu'il n'aime pas son frère, c'est un menteur" ? (1° lettre de St Jean, 4/20) J'avoue que je ne me sentais pas bien ! Notre attitude est indéfendable en effet. Ce qui ne nous empêche pas, lors de nos messes, de chanter tranquillement de "beaux" cantiques...
Et encore, que notre société consumériste et super individualisée rejette les réfugiés, je peux comprendre ! Que notre gouvernement ait une attitude timorée face à l'accueil des migrants, tétanisé qu'il est devant un fort courant identitaire, je peux l'imaginer, même si c'est à regret. Mais que trop de chrétiens dits "pratiquants", les évêques y compris, ne se rebellent pas davantage contre ce rejet des plus défavorisés, que l'on n'entende aucune voix prophétique s'élever, j'en perds le sommeil. Tout en me considérant coupable également de ne pas assez bouger !
Alors qu'une toute récente enquête de l'OCDE, d'après ce que j'ai entendu ce matin sur Europe 1, confirme que, parmi les 35 plus grands pays industriels, notre pays se place bien au-dessus de la moyenne, y compris sur le plan du logement, comme un véritable "pays du bien-être" !!!
Et pourtant, comme l'a écrit Bruno Frappat dans le journal "La Croix" du 6 mars, "une image nous obsède : celle des gardes-côtes grecs tentant à coups rageurs de piques et de gaffes, de couler un canot pneumatique empli de migrants venant de la Turquie." Mais n'allons pas accuser trop vite la Turquie, et encore moins la Grèce. C'est aussi de nous, et de nos péchés d'omission qu'il s'agit.
Lors de l'eucharistie ce matin, j'ai repris l'une des phrases de l'évangile de ce jour : "Vous êtes tous frères." (Matthieu 23/8) ; et aussi cet appel du prophète Isaïe dans la 1° lecture : "Recherchez le droit, mettez au pas l'oppresseur, rendez justice à l'orphelin, défendez la cause de la veuve." (Isaïe 1/17) Et je me disais : nous avons été des milliers, en Europe, à entendre ces paroles bibliques aux messe de ce jour, mais pour quelle avancée ? Le coronavirus nous tracasse bien plus. D'ailleurs, nos braves évêques se sont fendus de multiples communiqués, bien répercutés par les médias ceux-ci ; ils ne sont pas restés muets ! Pour défendre la cause des migrants ? Ah non, mais pour que les braves ouailles ne trempent pas leurs mains propres dans les bénitiers, soupçonnés d'abriter le diabolique virus.
Nicolas Senèze, le correspondant du journal "La Croix" à Rome, cite aujourd'hui un proche du pape François, qui a déclaré "avoir du mal à comprendre une France qu'il ressent comme un pays riche qui a encore beaucoup de ressources à exploiter."
Et plus tard, on dira : "Ah ! mais, je ne savais pas..." Quelle honte pour l'Evangile, quel contre-témoignage !
Heureusement les bénévoles des diverses ONG qui accompagnent les migrants sauvent l'honneur ; mais ils sont bien seuls. Seul également, l'archevêque de Luxembourg a lancé un appel pour ouvrir des couloirs humanitaires aux personnes réfugiées sur les îles grecques. Son exemple sera-t-il imité par d'autres responsables d'Eglise en Occident ? Ou laisserons-nous l'Evangile lui aussi se noyer, avec les migrants oubliés ???
mardi 10 mars 2020
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2299 : Et si l'Evangile était en train de se noyer, en Europe ?
Publié par
Olivier Gaignet
à
23:13
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